Chapitre 13

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Je réfléchis un instant, essayant de trouver une histoire plausible qui pourrait convaincre les journalistes et le public.

— Et si pour notre rencontre, on disait la vérité ? Qu’on s’est rencontrés à l’inauguration de ton père ? suggérai-je. Nos pères étant amis, on s’est rencontrés à de multiples reprises, cela donne un côté romantique à notre rencontre. Ensuite, nous pourrions dire que nous avons gardé le contact, mais que nos emplois du temps chargés ne nous ont pas permis de passer beaucoup de temps ensemble jusqu'à récemment.

Victoria réfléchit un moment.

— C'est pas mal comme idée, admit-elle. Mais comment expliquer notre manque de présence dans les médias jusqu'à présent ?

— Nous pourrions dire que nous préférions rester discrets sur notre vie privée, proposai-je. On voulait déjà voir ce que cela pouvait donner entre nous avant de l’officialiser. Cela semblait être une réponse acceptable pour les gens, et ça expliquerait pourquoi nous n'avions pas été très médiatisés jusqu'à présent.

Elle hocha lentement la tête, semblant satisfaite de cette explication.

— Ça pourrait fonctionner. Mais nous devons rester cohérents dans nos réponses et être prêts à improviser si nécessaire. Les journalistes sont rusés, ils poseront des questions pour nous piéger.

— Tu as raison, acquiesçai-je. Nous devons être sur nos gardes et ne rien laisser transparaître qui pourrait semer le doute sur notre histoire.

— Maintenant, faut se concentrer sur les petits détails.

— Comment ça ? demandai-je confus.

— Raconter une jolie histoire c’est bien, mais faut l’agrémenter. S'ils nous demandent la couleur préférée de l’autre ? Sa passion ?

— Oh, je n’avais pas pensé à tout cela.

— Ce n’est pas surprenant.

— Ce n’est pas le moment Victoria. Fais-moi un rapide récapitulatif de toi.

— Tu crois pouvoir tout retenir ?

— Je suis Thomas Castez, je peux tout faire.

— Sauf être modeste apparemment. C’est bon, je me tais, soupira Victoria devant mon expression agacée. Bon, ma couleur préférée est le rose pâle, les lasagnes sont mon plat préféré, même si ce n’est pas original. J’adore rester chez moi devant un bon film ou livre. Je n’ai pas une passion particulière, j’aime faire plein de choses, que ce soit m’occuper des animaux ou faire des aventures remplies d’adrénaline telles que sauter en parachute. Je ne sais pas quoi ajouter.

— Toi, tu sautes en parachute ?

— Ça a l’air de te surprendre.

— Miss Parfaite qui accepte de ne pas avoir le contrôle ? Oh oui ça me choque.

— Je ne suis pas parfaite et j’accepte de ne pas avoir le contrôle sur tout et tout le temps. À toi de me faire une rapide présentation.

— Tu es sûr que tu pourras tout retenir ?

— Je suis Victoria Chan, je peux tout faire.

Je ne pus retenir un sourire amusé devant sa réponse.

— Thomas Castez, ma couleur préférée est le rouge, mon plat préféré est la tartiflette, hé oui moi non plus je ne fais pas dans l’originalité avec des plats hors de prix. J’adore sortir et me faire des filles…

— On devrait éviter ce détail, je pense.

— Pas faux, songeai-je. C’est à oublier. Mes passions sont le sport, les voitures et mes potes. Je n’aime pas les animaux et les activités dangereuses comme le saut en parachute.

Nous passâmes les heures suivantes à discuter de chaque détail de notre histoire, des petites anecdotes aux préférences personnelles. Nous nous efforcions de créer une histoire crédible et cohérente, tout en laissant une marge de manœuvre pour improviser si nécessaire.

— Et si on nous demande comment on se sent l'un envers l'autre ? suggérai-je, réalisant que ça serait une question inévitable.

— Nous pourrions dire que nous avons développé une amitié solide qui s'est progressivement transformée en quelque chose de plus profond, proposa-t-elle après quelques instants de réflexion. Rien de trop cliché, mais juste assez pour que ça passe. On devrait éviter le « coup de foudre », ça fait vraiment très cliché je pense.

J’approuvais son idée.

— Je suis d'accord. Cela sonne authentique et crédible.

Nous continuâmes à peaufiner notre histoire. Malgré nos différences et nos désaccords, nous parvînmes à trouver un terrain d'entente dans ce projet commun.

— Je pense que nous sommes prêts pour répondre aux premières questions de demain et avec un peu de chance celles du journaliste après-demain, déclara Victoria après un moment de silence, son regard fixé sur moi.

— Oui, je le pense aussi. Faut juste qu’on réussisse à se supporter plus de cinq minutes.

— En même temps, si tu n’étais pas aussi insupportable, ça serait plus simple.

— Et toi, si tu n’étais pas aussi rabat-joie, contre-attaquais-je. 

— Moi, rabat-joie ?

— Oui, totalement, rien n’est jamais assez bien pour Miss Parfaite.

— C’est n’importe quoi, c’est juste toi et ton mode de vie qui n’est pas assez bien pour moi, s'énervait Victoria.

— Si tu n’es pas contente, tu n’as qu’a partir, je ne t’ai jamais retenue, je suis même prêt à t’ouvrir la porte mais il ne faudrait pas que tu te casses un ongle.

— Tu es vraiment un connard.

— Et toi, une emmerdeuse, rétorquais-je en la fusillant du regard.

La tension entre nous atteignit son paroxysme alors que nous échangions des mots acerbes, chacun défendant son point de vue avec férocité. Je me rendis compte que même si nous avions convenu d'une histoire commune pour l'interview, nos différences et nos désaccords sous-jacents continuaient de créer des frictions entre nous.

J’avais l’impression que cette guerre ne s’arrêterait jamais, bien qu’il nous arrivât d’avoir quelques moments de répit. Je ne savais pas à quoi pensaient nos pères, mais c’était la pire idée qu’ils n’aient jamais eue. Victoria et moi étions bien trop différents, une amitié était déjà compliquée à envisager, mais un mariage ? C’était impossible. Les journalistes et les gens qui nous verront comprendront rapidement le subterfuge. À partir de ce moment-là, l’image de nos deux sociétés sera définitivement impactée. Personne n’aime être pris pour un idiot, et quand ils auront tout découvert, plus personne ne voudra traiter avec nous. Ce mariage bidon qui aurait dû nous permettre de consolider notre pouvoir sera finalement notre chute.

— Peut-être que je le suis, mais…

— Stop, la coupai-je. On devrait arrêter.

— Comment ça ? Si c’est le mariage dont tu parles, je ne dirai rien à mon père, je suppose que tu ne diras rien au tien non plus, même si après c’est moi la fi-fille à son papa. Donc, tu veux qu’on arrête quoi ?

— Cette dispute. T’entendre me fatigue et je n’ai pas assez dormi pour te supporter. Alors fais ce que tu veux, mais moi je vais regarder un film. Je serais bien sorti, mais malheureusement, mes potes bossent, vu qu’aucun n’est contraint de se marier.

Je m’apprêtai à partir, laissant Victoria seule dans la cuisine, mais celle-ci se leva afin de ranger son bol dans le lave-vaisselle et se planta devant moi. Je restai incrédule.

— Bon, tu viens ? J’ai envie de regarder un film moi aussi.

— Va le regarder dans ta chambre. J’ai mis des téléviseurs dans chaque pièce.

— Je préfère le regarder avec toi.

— Je te préviens, c’est hors de question que je supporte une comédie romantique.

— Tu apprendras, mon cher, que ce n’est pas parce que je suis une fille que je regarde que des comédies romantiques. Il faudrait sortir de ton stéréotype des années cinquante et te mettre à la page.

— Je n’en doute pas. Je suis sûr que plein de femmes aiment les films d’action, fantastiques et autres. Mais toi, tu dégoulines le gnangnan. Je suis sûr que même lorsque tu dors, tu rêves de licornes, d’amour et de bisounours.

— C’est à moitié vrai. Je rêve d’un monde où je t’ai tué, donc c’est pas faux, je suis dans un monde merveilleux. Aller, ramène tes fesses, je vais te montrer ce que c’est qu’un bon film.

Je la suivis, sans trop savoir quoi répondre à ça. Elle était déchaînée ce matin.

On se posa dans le canapé et elle attrapa la télécommande. Je craignais déjà le pire.

Mon intuition se confirma quand inévitablement elle se dirigea vers les comédies romantiques.

— Et tu as osé me dire que je me trompais quand je disais que tu étais une accro à ça ?

— Je ne suis pas accro aux comédies romantiques.

— Tu regardes Gossip Girl, donc si tu l’es.

— Même pas vrai, bougonna-t-elle.

Elle s’arrêta sur "Titanic" avec DiCaprio. 

Oh non, pitié, tout sauf ça.

— C’est hors de question que je regarde trouve autre chose, lui lançai-je en essayant de lui arracher la télécommande des mains.

— Pourquoi donc ?

— Parce que c’est bidon comme scénario.

— C’est Shakespearien.

— Ça reste bidon.

— On met "Titanic" alors ?

— Si tu veux, mais ne viens pas pleurer à la fin du film.

— Attends, tu acceptes "Titanic" mais pas "Roméo + Juliette" ?

— Titanic est plus crédible.

— Comment ça ?

Ses pupilles me fixaient avec un grand intérêt, comme si mes prochaines paroles étaient la science infuse. Ce qui n’était peut-être pas faux.

—  Effectivement, commençais-je, Juliette était prête à mourir par amour, même si cette intention était basée sur une fausse prémice. Si Roméo avait agi avec plus de réflexion et compris qu'elle s'était sacrifiée pour leur amour, il aurait pu rester en vie et découvrir qu'elle n'était pas réellement décédée. De même, le geste ultime de Juliette, se suicider, reflète une certaine impulsion et tragédie, mais je trouve que ces morts sont davantage tragiques que romantiques.

— Au contraire je trouve ca poétique. Ils s’aimaient tellement qu’ils n’ont pas pu concevoir de vivre l’un sans l’autre. C’était le vrai grand amour.

— Alors pour toi Rose n’aimait pas Jack dans Titanic puisqu’elle ne s’est pas suicidée ?

— Si mais c’est pas pareil.

— En effet, Jack désirait ardemment vivre, il était comblé de bonheur, mais il a fait le choix de sacrifier sa propre vie afin que Rose, celle qu'il aimait profondément, puisse continuer à vivre. Au départ, Rose avait envisagé de se suicider, mais grâce à l'amour et au sacrifice de Jack, elle a retrouvé le goût de vivre. Par respect pour son geste ultime, Rose a décidé de vivre pleinement, en honorant la mémoire de Jack. Elle a entrepris toutes les activités qu'il aurait aimées, comme monter à cheval, et elle a trouvé la force de continuer à avancer malgré la perte de l'homme qu'elle considérait comme son âme sœur et son sauveur. Cette histoire incarne véritablement le véritable amour, celui qui transcende la mort et qui donne la force de surmonter les épreuves les plus difficiles. C'est là une illustration poignante de ce qu'est une véritable histoire d'amour, bien loin de la simplicité de la mort.

Victoria me regarde avec surprise, apparemment impressionnée par mon analyse de ces deux films emblématiques.

— Tu as une vision intéressante des choses, Thomas, avoua-t-elle. Je n’avais jamais envisagé ces histoires sous cet angle.

— C'est juste une question de perspective, répliquai-je. Chaque histoire d’amour est différente et ce qui peut sembler romantique pour certains peut sembler absurde pour d’autres.

Elle hocha lentement la tête, semblant réfléchir à mes paroles.

— Tu as raison, concéda-t-elle. Chacun a sa propre définition de l’amour et de ce qui est romantique. Mais je dois avouer que ta vision des choses est plutôt rafraîchissante. Elle sort des « c’est nul », « c’est gnangnan », « c’est un film de fille ». Tu as vraiment analysé.

— C’est pas parce que je suis un mec que je ne peux pas regarder des films romantiques. C’est pas ce que je préfère, mais j’aime bien DiCaprio et James Cameron, donc j’ai voulu regarder.

Un silence confortable s’installa entre nous alors que nous regardions finalement le film : "Avant Toi". Je ne savais pas ce que c’était comme film, mais Victoria me soutenu que ça me plairait. Je restais méfiant. Je n’étais pas sûr que je pouvais faire confiance au goût cinématographique de cette dernière.

On aurait pu croire qu’on arriverait à regarder un film sans se disputer, mais malheureusement ce ne fut pas le cas. Victoria n’arrêtait pas de râler de mes commentaires sur le film. Tout comme je n’arrêtais pas de râler sur le fait qu’elle mangeait encore sur mon canapé. Canapé que j’avais réussi à détacher après sa crise de nerfs.

Je m’arrêtai de râler quand nous approchâmes de la fin. Victoria était en larmes, et bien que je l’embêtais à ce sujet, j’eu moi-même dû en retenir. Ce film était définitivement stupide, et plus jamais je ne laisserai Victoria choisir.

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