Chapitre 19

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Nous finîmes par rentrer indemnes par je ne sais quel miracle. Victoria me lança un sourire qui voulait tout dire en sortant du garage.


— Si tu dis un seul mot, je t’assure que je te le fais regretter, lui lançai-je.

— Je n’allais rien dire, mais étant curieuse de voir ce que tu comptes faire… Je conduis bien mieux que toi, même en ayant bu un peu, répondit-elle en tirant la langue. Que vas-tu faire maintenant ?


Je réfléchis quelques secondes avant de trouver une idée. C’est à mon tour d’afficher un sourire machiavélique. Au visage de Victoria, je compris tout de suite qu’elle craignait ce qui l’attendait.

Je me rapprochai doucement d’elle, comme un prédateur devant sa proie. Mais Victoria, qui n’avait cessé de reculer jusqu’à présent, se mit soudainement à courir vers l’arrière de la maison. Parfait. Elle me facilitait le travail.

Je lui courus après et la saisi par la taille avant de la jeter sur mes épaules comme un sac à patates.


— Thomas, lâche-moi immédiatement !

— Je t’avais prévenue, lui répondis-je en marchant tranquillement vers mon objectif.

— Tu comptes faire quoi ?

— Tu verras.

— Si tu me reposes maintenant et que tu oublies tout, je suis prête à cuisiner tous les jours.

— Bien tenté, mais non.

— Faire la lessive ? Le ménage ?

— Tu n’y échapperas pas.

— Lâche-moi, hurla-t-elle en tapant sur mon dos en voyant que je m’approchais de la piscine. Bordel, Thomas, elle doit être gelée, je ne mérite pas une pneumonie.

— Tu sais ce qui me surprend ?

— Que mes arguments ont réussi à te convaincre ? Moi non, j’ai toujours su que tu étais une âme chaleureuse.

— Les compliments, ça ne marche pas avec moi. Ce qui me surprend, c’est que tu manges comme dix, mais tu n’es pas spécialement lourde.

— Je ne sais pas si je dois prendre ça comme un compliment. Et je mange peut-être comme dix, mais je fais du sport. Maintenant, lâche-moi.

— D’accord, si tu le souhaites.

— Mer...


J’explosai de rire devant son visage. Lorsque Victoria remonta à la surface, son maquillage avait coulé, lui donnant l’allure d’un panda, mais avec ses cheveux collés. Ca lui donnait aussi un air de rat mouillé. Bien que son regard soit loin d’être amical, je ne pus m’empêcher de redoubler de rire. Son expression était iconique.


— Vas-y, marre-toi bien, on verra si tu rigoles toujours quand tu seras obligé d’expliquer à tout le monde pourquoi je suis morte d’une pneumonie. L’eau est gelée.

— On est au mois de mai, Victoria, et il a fait plus de trente degrés toute la journée. Ça me surprendrait qu’elle soit si froide.

— Je ne trouve pas ça drôle.

— Moi si. Si tu le désires, je peux bien aller chercher un miroir pour que tu te voies, je suis sûr que tu rierais toi aussi.

— Non merci. Viens m’aider à sortir de l’eau plutôt.

— Non.

— Sérieux, Thomas ? J’ai froid et je suis fatiguée.

— Bien tenté, Victoria, mais je sais que dans les vengeances, tu es une pro et je sais aussi que tu regardes trop de films. Si j’ai le malheur de m’approcher un peu trop de cette piscine, tu me feras tomber dedans et je ne pourrai malheureusement plus autant rire de toi. Mais il y a des escaliers à juste deux mètres.

— Arg, ce que tu peux être énervant.

— C’est agaçant quand nos plans ne fonctionnent pas comme on le veut, non ?


Je l’entendis marmonner, ce qui m’arracha un petit rire. J’attrapai une serviette dans le coffre qui servait de table basse entre les transats. J’aimerais éviter qu’elle s’enrhume, elle serait encore plus chiante.


— Il fait super froid.


Je me retournai vers elle et pendant un court instant, l’idée de cacher la serviette me traversa l’esprit.

La robe de Victoria sculptait parfaitement chaque partie de son corps. Je regrettai que cette dernière ne soit pas blanche. La vue aurait été d’autant plus parfaite avec de la transparence. J’imaginais déjà comment Victoria pouvait être. Avec sa peau aussi pale que de la porcelaine.

Je me ressaisis en me rappelant qui j’avais en face de moi. Je ne pouvais pas fantasmer sur Victoria. Je la détestais. Un peu moins qu’au début, mais pas assez pour accepter un mariage avec elle. À la rigueur, peut-être une nuit ? Non, stop. Je ne devais pas oublier mon objectif. Elle devait partir.


— Tiens, lui tendis-je la serviette.

— Merci beaucoup.


Elle s’emmitoufla dans la serviette et fixa un point dans les étoiles. Je suivis son regard mais ne vis rien qu’un tas d’amas de petites couleurs. Que pouvait-elle examiner de manière aussi intense ?


— Tu regardes quoi ?

— Les étoiles. J’aime bien imaginer tout ce qui peut y avoir là-bas. En plus, c’est magnifique. De chez moi, je n’ai pas un ciel aussi dégagé qu’ici.

— Tu habites en ville, je suis plus éloigné, la pollution lumineuse est moins forte.

— Je le sais bien. J’ai été en cours aussi.

— Oh, tiens.


Je lui donnai la bague de fiançailles. C’était une simple bague en or blanc de dix-huit carats composés d’un diamant rond orné d’autres petits diamants. Elle était simple. J’avais laissé Victoria la choisir. Je n’aimais vraiment pas me prendre la tête pour des choses aussi futiles.


— Merci.


Elle mit la bague, puis nous restâmes quelques minutes dans le silence à contempler les étoiles.

Victoria bailla et je lui proposai de rentrer avant qu’elle ne s’endorme ici, ce qu’elle accepta sans rechigner.


— Thomas, m’interpella-t-elle avant d’aller dans sa salle de bain.

— Oui ?

— Je me vengerai, tu le sais ?

— Je n’en attends pas moins de toi, rigolai-je. Va dormir, tu ressembles à un croisement entre panda et rat. Je ne suis pas sûr que le journaliste demain, ou plutôt tout à l’heure vu l’heure, trouvera ça normal.

— La faute à qui ?

— À toi. Je t’avais prévenue.


Victoria me tira la langue comme une enfant de dix ans avant de rentrer dans la pièce.

Je me préparai aussi à aller me coucher. La journée avait été longue et je sentais la fatigue s’insinuer.

Alors que je dormais bien, je sursautai et manquai de tomber de mon lit en entendant un brouhaha insupportable. Victoria déboula comme une furie dans ma chambre avant de sauter sur mon lit et de frapper deux casseroles entre elles.

Je vais la tuer.

Je déteste être réveillé ainsi. Il me faut une certaine façon de me lever sinon je suis de mauvaise humeur toute la journée.

Vu le réveil, je crains pour tous ceux que je vais rencontrer. Et je pense que ma première victime ne sera autre que Victoria.

Je pense que mon visage devait l’effrayer un peu car en me regardant, elle arrêta chacun de ses gestes et sortit aussitôt de ma chambre.


— Arrête ton putain de boucan, Victoria, hurlai-je.


Je me levai rapidement et grognai à chaque mouvement, me massant le cou d'une main et frottant mes yeux de l'autre.

Je me dirigeai directement vers ma machine à café sans faire attention à Victoria.


— Tu as l’air de mauvaise humeur ce matin, lança cette dernière.

— Non ? Tu crois ? Je n’aurais pas cru. Je pensais que tout le monde aimait se réveiller avec une fanfare.


J’avalai une gorgée de mon café, mais ce dernier était infect. Il était beaucoup trop salé. Qu’ai-je fait pour mériter cette matinée ?

Je jetai mon café dans l’évier avant de m’en faire un deuxième. Qui fut un échec lui aussi.

Je me tournai vers Victoria, qui prêtait une trop grande attention à son lait chaud pour que cela soit convaincant.


— Qu’as-tu fait ?

— Moi ?

— À qui veux-tu que je parle, Victoria ?

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Tu as fini d’apprendre la natation à mes machines à café ? Tu as trouvé une autre solution pour me pourrir la vie avec ça ?

— Il a bien fallu, soupira-t-elle.

— Tu ne devrais pas être aussi grognon, c'est toi qui as choisi de te baigner dans la piscine hier soir, lui rappelai-je avec un sourire taquin.


Elle leva les yeux au ciel.


— Je te signale que tu m'as jetée à l'eau.


Je levai les mains en signe d'innocence, feignant l'indignation.


— Moi ? Jamais je ne ferais une chose pareille ! C'était purement accidentel, insistai-je. Maintenant, répare ma machine à café. Je ne suis déjà pas du matin, et avec le bruit que tu as fait, c’est encore pire. Si tu ne veux pas avoir un meurtre sur la conscience, donne-moi mon café.


Elle secoua la tête avec amusement, puis prit une gorgée de son chocolat.


— Tu es incorrigible, Thomas. Mais bon, je suppose que je ne peux pas m'attendre à mieux de ta part.

— Ça veut dire que tu me donnes mon café ?

— Non.


Elle posa sa tasse dans le lave-vaisselle avant de partir.

Je réfléchis un instant. La seule façon pour elle d'avoir pu mettre du sel dans mon café à chaque fois aurait été de manipuler l'eau.

Je la changeai et il semblerait que Victoria avait en effet trafiqué l'eau. Puisqu’il avait de nouveau un bon goût. Cette machine faisait vraiment un délicieux nectar, Victoria n’avait peut-être pas eu tort de noyer la précédente.

Je suis obligé de reconnaître que c'était une vengeance plutôt subtile et perspicace de sa part. Il était clair qu'elle ne se laisserait pas faire facilement. Si j’avais été de meilleure humeur, j’aurais peut-être pu trouver sa blague amusante. Mais les deux dès le matin ? Non, ça ne faisait pas bon ménage, surtout avec mon manque de sommeil.

Accroche-toi, Victoria, tu vas le payer.

Malgré tout, je pris le temps de savourer mon café avant d’aller me préparer pour accueillir le journaliste.

Vêtu d’un simple costard, je m'assis dans le canapé en scrollant les réseaux sociaux. L’annonce de nos fiançailles faisait déjà la une des médias. Étonnant que je n’aie pas reçu d’appel de Maya.

La sonnerie indiquant que le journaliste était arrivé retentit. Victoria était toujours dans sa chambre, je supposai qu’elle n’était pas encore prête.

Je me levai pour aller à sa rencontre. Lorsque j’ouvris la porte, un homme d’environ mon âge se tenait face à moi. Sa carrure plutôt impressionnante devait faire chavirer de nombreux cœurs. Je le laissai entrer en jetant un coup d’œil dans la pièce pour voir si Victoria était prête, mais je ne l’aperçus pas.


— Veuillez m’excuser, je vais chercher Victoria, le prévins-je. Installez-vous sur le sofa.

— Aucun souci, merci.


Je frappai à la porte de Victoria et entrai une fois que j’avais son autorisation. Je la découvris se battre avec la fermeture de sa robe.


— Tu peux m’aider, s’il te plaît ? Je ne sais pas qui est le crétin qui a eu l’idée de mettre la fermeture éclair dans le dos, mais ça se voit que ce n’est pas lui qui doit mettre la robe. Il aurait pu la mettre sur le côté, mais non, ça aurait été trop gentil d’épargner une galère de plus aux femmes.


Je la laissai bougonner en m’approchant d’elle. Une fois à sa hauteur, elle continua de marmonner en relevant ses cheveux pour me dégager la place.

J’attrapai la fermeture éclair, en essayant de ne pas reluquer ses fesses. En remontant, ma main frôla sa peau, m’envoyant une décharge électrique étrange. Victoria dut la sentir puisqu’elle se tut brusquement. Aucun de nous deux n’osait bouger.

Je me raclai la gorge et remontai la fermeture.


— Le journaliste est là. Tu devrais te dépêcher, lançai-je avant de sortir.


Je m’adossai contre sa porte pour remettre de l’ordre dans mes idées. Je ne savais pas ce qu’il s’était passé, mais c’était étrange. Très étrange.

Je retournai dans le salon et affichai un faux sourire. Je ne donnerais pas une raison de plus à mon père de me critiquer.


— Vous devez être Monsieur Mendes, enchanté. Je suis navré de mon retard. Ma fermeture éclair ne voulait pas se fermer, sourit Victoria.

— Je vous en prie, ce n’est pas grave.


Je voyais que ce fameux journaliste n’était pas insensible à son charme puisqu’il ne se gênait pas pour la dévorer ouvertement des yeux.

Tu es là pour interviewer mon mariage et tu reluques ma fiancée ? Tu n’es pas culotté, toi.

Je soupirai, agacé. Je n’avais aucune envie d’être là, mais dans ces circonstances, c’était encore pire.

Un problème n’arrivant jamais seul, je reçus un message de Maya.

« Faut qu’on parle, tu peux venir quand ? »

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