Chapitre 20

10 minutes de lecture

« J’ai un truc à faire. Je viens te chercher pour déjeuner », répondis-je à Maya.

Je savais très bien de quoi elle voulait parler. L’annonce de nos fiançailles faisait le tour des réseaux. J’étais surpris qu’elle ne m’ait pas contacté avant.

Je me reconcentrai sur ce journaliste qui ne détachait pas son regard de Victoria.

— Pourrions-nous commencer ? J’ai un rendez-vous après, demandai-je.

— Un rendez-vous ? rétorqua, surprise, Victoria. Je ne suis pas au courant. C’est avec un client ?

Un silence s'installa tandis qu'ils attendaient ma réponse. Comment dire, devant le journaliste, que j’avais rendez-vous avec ma copine ?

— Non, je t’expliquerai après. Concentrons-nous d’abord sur ça. Il ne faudrait pas s’éparpiller.

— Euh d’accord. Nous vous écoutons, monsieur Mendes.

— Très bien. Commençons par la question que tout le monde se pose : comment vous êtes-vous rencontrés ?

Tellement prévisible comme question.

— À l’inauguration d’un prototype de voiture de mon père, répondit Victoria.

— Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?

— Je ne la supportais pas, commençai-je devant le regard mécontent de Victoria. Elle semblait tellement parfaite. Malgré tout, je la trouvais magnifique. Au début, nos échanges étaient peu agréables, mais nos pères étant amis, nous étions souvent confrontés l’un à l’autre. Alors, petit à petit, nous sommes devenus amis, puis nous avons développé des sentiments.

— Donc, vous n’aimiez pas Victoria ?

— Absolument.

— Et vous, Victoria ?

Victoria se reprit rapidement et rentra dans mon petit jeu avec un petit sourire provocateur.

— Je ne le supportais pas non plus. C’était quelqu’un que je considérais comme particulièrement enfantin. Il n’arrêtait pas de m’appeler Miss Parfaite juste pour m’embêter.

— Et elle de jeter mes cafetières.

— Parce que tu le méritais.

— Je vois, rigola le journaliste. Votre relation a très mal commencé. Qui est tombé amoureux en premier ?

— Lui / elle, répondîmes-nous en même temps avec Victoria.

Le journaliste fronça les sourcils devant notre réaction. J’attrapai la main de Victoria pour donner l’illusion d’un couple amoureux.

— Nous sommes tombés amoureux en même temps, mais c’est vrai que c’est moi qui ai exprimé mes sentiments en premier. Victoria était bien trop intimidée.

Elle serra ma main, contrariée par la pique que je lui avais lancée.

— C’est adorable. Comment avez-vous avoué vos sentiments, Thomas ?

Pour qui se prend-il pour m’appeler par mon prénom ?

— Avec une blague, reprit Victoria. Nous nous disputions et je lui ai dit : « Tu m’aimes ou quoi pour te comporter ainsi ? » et il m’a répondu oui. Je pense qu’au fond, même lui ne s’attendait pas à dévoiler ses sentiments.

— Et c’était il y a combien de temps ? Je veux dire, avant vos fiançailles, ça faisait combien de temps que vous sortiez ensemble ?

— Un an / six mois, répondîmes-nous de nouveau ensemble.

Le journaliste nous regarda avec une certaine curiosité. Il sentait que quelque chose clochait. Cela faisait deux fois que nous faisions une erreur. La troisième ne passerait pas. Comme le dit le dicton : « Une fois, c’est OK, deux fois, c’est une coïncidence, mais trois fois… »

— Ce que nous voulons dire, reprit Victoria avec un petit rire, c’est que nos parents et nos proches sont au courant de notre relation depuis six mois, mais officieusement cela faisait un an que nous sortions ensemble. Vous connaissez la réputation de Thomas, c’était un coureur de jupons comme on dit. Je ne voulais pas officialiser notre relation auprès de ma famille si cela risquait de ne pas durer. Je craignais que ses sentiments soient faux ou que notre relation ne fonctionne pas.

Je contractai ma mâchoire devant le discours de Victoria. Cette dernière me jeta un coup d’œil presque imperceptible qui disait : « Tu veux jouer ? Jouons. Moi aussi, je peux te lancer des piques. » Malgré tout, je ne pouvais empêcher un léger sourire en coin. Cette femme était sans doute la seule à réussir à ne pas se laisser marcher dessus, peu importe la situation.

— C’est parfaitement compréhensible, surtout que votre entreprise possède une image fiable comparée à celle de Thomas.

Lui, s’il continue, je vais le frapper. J’ai bien compris que tu essayais de la mettre dans ton lit, mais ça ne marchera pas, mon gars.

— En parlant de ça, reprit l’autre idiot, vous avez dit que cela faisait un an, voire six mois. Cependant, on observe dans de nombreux magazines people Thomas aux bras de nombreuses filles qui se disent être ses conquêtes.

— Si vous croyez tout ce qui est dans ces torchons, c’est que vous êtes encore plus mauvais journaliste que je ne le pensais, lui répondis-je.

— Alors, qui sont-elles ?

Je retins un soupir exaspéré. Voilà une question à laquelle il allait falloir répondre avec habileté. Victoria semblait déjà prête à intervenir, mais je l'arrêtai d'un geste discret.

— Écoutez, je vais être franc avec vous. Oui, j'ai eu des relations passées avant de me mettre avec Victoria. Comme beaucoup de jeunes hommes de mon âge, j'ai pu fréquenter différentes personnes. Mais cela fait un moment que je suis avec elle, et depuis, je n'ai d'yeux que pour elle. Ces filles sur les tabloïdes ne sont rien de plus que des connaissances que je ramenais car elles étaient saoules. Et au cas où vous ne le sauriez pas, certains journaux bien plus fiables ont montré que les femmes en état de sobriété étaient souvent victimes d’abus dans les boîtes. Je ne voulais pas que cela leur arrive.

Victoria me lança un regard qui en disait long sur ce qu’elle pensait.

— En fin de compte, le plus important, c'est que nous soyons désormais engagés l'un envers l'autre pour l'avenir, ajouta-t-elle avec un sourire radieux.

Le journaliste hocha la tête, peu satisfait de notre réponse.

— Comment vos familles ont-elles pris la nouvelle de vos fiançailles ?

—Ca parait évident non ? soupirais-je devant sa question ridicule.

— Très bien, le père de Thomas n’était pas vraiment surpris, je crois qu’il s’y attendait un peu. Mon père aussi, j’ai l’impression, avec un peu de recul, rigola Victoria, essayant d’alléger la situation.

Essaie toujours mais c’est un crétin ce journaliste.

— Désormais, vous allez travailler ensemble ? Va-t-il y avoir une fusion de vos entreprises ?

— Oui, effectivement, repris-je. Nous travaillons ensemble depuis déjà deux semaines pour nous adapter l’un à l’autre, et je pense qu’une fois que notre système sera bien huilé, nous annoncerons officiellement la fusion. D’ici quelques semaines, nous pensons.

Le journaliste continua de noter nos réponses et nous questionna encore sur quelques détails liés à l’entreprise avant de finalement déclarer qu’il avait tout ce dont il avait besoin.

— Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à nous envoyer un mail. Nous y répondrons, lui proposa Victoria.

— Merci, je vous souhaite tout le bonheur.

À peine avait-il franchi la porte que Victoria me sauta à la gorge. Au sens figuré, bien sûr.

— Non mais toi, je vais te tuer ! Tu crois que je n’ai pas remarqué tes petites remarques déguisées ?

— Tu n’es pas mieux non plus.

— Et puis, c’est quoi ce rendez-vous ? Je n’ai pas eu vent d’une réunion.

— Parce qu’il ne te concerne pas.

— Si c’est lié à l’entreprise, si.

— C’est lié à ma vie sexuelle, ça te convient ? Plus précisément, c’est lié à Maya qui a vu que nous étions fiancés. Tu veux venir à mon rendez-vous ?

Victoria m’observait, la bouche et les yeux grands ouverts, avant de faire signe que non.

— Bon, dans l’ensemble, ça avait l’air d’aller, non ?

— Mouais. Je crois qu’il a de légers soupçons, mais rien de concret.

— J’espère que l’article sera bon.

— Moi aussi, répondis-je en songeant à mon père. Bon, je dois y aller.

— Il est bientôt midi. Tu ne veux pas manger avant ?

— Je l’emmène au resto.

— Je ne suis pas certaine que cela réussira à la calmer, ni même que tu devrais essayer. Si les journalistes te surprennent avec une autre femme, cela pourrait créer des problèmes.

— Déstresse.

J’attrapai ma veste et les clés de ma voiture avant de filer au travail de Maya. Lorsque j’arrivai enfin devant, je la prévins en lui envoyant un message. Elle ne mit pas longtemps à arriver avant de monter dans la voiture sans m’accorder un regard. La situation était bien plus compliquée que prévu.

— Tu veux manger où ?

— Je ne veux pas manger, répondit-elle froidement.

— Tu veux faire quoi ?

— Je veux que tu m’expliques c’est quoi ce délire. Tu es fiancé ? Tu comptais me le dire quand ? Tu te rends compte de ce que je peux ressentir ? J’ai l’impression d’être la dernière des idiotes ! Mais dis quelque chose Thomas !

— J’aimerais bien, mais tu ne me laisses pas parler.

— Donc c’est ma faute maintenant ? J’espère que tu plaisantes là ?

Je soupirai, agacé de sa petite crise. Elle s’attendait à quoi de toute façon ? C’était sûr que jamais je ne me serais marié avec elle. Elle commençait vraiment à me taper sur les nerfs. Devrais-je vraiment la garder ? Victoria avait peut-être raison. En plus, je ne savais pas si je pouvais lui faire confiance et lui dévoiler toutes les subtilités.

— J’aurais dû te prévenir. Ce n’était pas normal que tu l’apprennes ainsi. Mais toi et moi, c’est fini.

Elle me fixa, ses yeux aux bords des larmes.

— Tu me largues pour elle ? Après tout ce qu’on a vécu ? Je suis amoureuse de toi depuis le tout début, je t’ai tout pardonné et tu me jettes comme ça ?

— Tu devrais partir, Maya.

— Non, je veux des explications.

— Il n’y a pas d’explications. Je suis fiancé, c’est tout.

— Je suis sûre que tu n’es pas amoureux d’elle. Je suis prête à rester dans l’ombre si tu veux. Mais ne me quitte pas.

Elle attrapa ma main, essayant sans doute de recréer un lien qui n’avait jamais existé. Je me dégageai d’elle avant de tourner la tête par la fenêtre, espérant lui faire comprendre qu’il n’y avait plus rien à ajouter. Elle comprit sans doute ce qui se passait, car après un bref moment de silence, elle lança d'une voix glaciale : « Connard, tu vas le payer ». Ses mots étaient chargés de colère, chaque syllabe frappant comme un coup. Puis, sans me laisser le temps de réagir, elle tourna brusquement les talons et j’entendis la portière se refermer avec fracas. Le claquement, sec et brutal, résonna dans l'air, comme un point final à son emportement.

Bordel, ma voiture ! J’en ai déjà une à la casse !

Bon, ce n’était pas tout, mais j’avais faim et du travail m’attendait sans doute.

Je décidai de m’arrêter dans un restaurant de sushis pour me prendre de quoi déjeuner. Ma commande en main, je me dirigeai vers mon entreprise.

Quelle ne fut pas ma surprise, lorsqu’en rentrant dans mon bureau prêt à déjeuner tout en travaillant, j’aperçus Victoria. Mais qu’avais-je fait pour mériter de toujours avoir une enquiquineuse dans les pattes ?

— Tu fais quoi, là ?

— Et toi ? Tu ne devrais pas être avec cette Maya ?

— J’ai rompu et c’est mon bureau, donc je viens travailler. À ton tour.

— Je regarde tes documents. Je n’ai pas encore eu le temps de tout lire, vu que j’ai répondu à tous les mails concernant Glamous. J’en ai profité pour mémoriser tout ce qui concerne ton entreprise. Cela facilitera la fusion si nous connaissons tous les détails de l’autre.

— Je vois.

— D’ailleurs, nous avons une réunion demain pour le prototype que nous allons proposer au forum de l’année prochaine. Nos concepteurs ont des plans à nous présenter.

— Tu veux que j’y participe ?

— Non, mais on doit collaborer.

J’acquiesçai, surpris par son geste.

Je jetai un coup d'œil à Victoria puis je m'installai derrière mon bureau traiter mes courriels. De toute évidence, même une absence de deux jours avait suffi pour en accumuler une centaine. Entre les messages urgents et ceux moins prioritaires, je pris le temps de trier et de répondre à chacun, gardant un œil sur Victoria plongée dans l'étude des documents.

Au bout d'un moment, elle leva la tête et me fixa.

— Tu as quelque chose à dire ? demandai-je, légèrement irrité par son regard insistant.

— Je m'interroge juste sur certains points concernant la fusion.

— Et quels sont ces points ? interrogeai-je, curieux de savoir ce qui la préoccupait.

Elle posa ses documents sur la table et se pencha en avant, adoptant une posture sérieuse.

— Par exemple, j'ai remarqué que votre entreprise avait récemment investi dans les énergies renouvelables. C'est une excellente initiative, mais j'aimerais en savoir plus sur cette stratégie, ajouta-t-elle, ses yeux brillant d’excitation.

Je fus surpris par son intérêt soudain pour les détails de mon entreprise, mais je décidai de jouer le jeu.

— Eh bien, nous avons récemment lancé un programme ambitieux visant à réduire notre empreinte carbone et à promouvoir les énergies propres. Nous avons investi dans des projets d'énergie solaire et éolienne, ainsi que dans la recherche de nouvelles technologies pour optimiser notre consommation d'énergie, expliquai-je, partageant les informations pertinentes avec elle.

Elle écouta attentivement, prenant des notes de temps en temps. Après avoir discuté des détails de notre stratégie environnementale, elle aborda d'autres sujets liés à la fusion, posant des questions pertinentes et montrant un réel intérêt pour la collaboration entre nos entreprises.

Finalement, après avoir épuisé tous les sujets, nous reprîmes chacun nos activités, Victoria reprit l'étude des documents pendant que je continuai à répondre à mes courriels.

Alors que je poursuivais mes activités, plongé dans la montagne de documents qui attendaient mon attention, le silence fut brusquement rompu par le strident son de mon téléphone. Une sonnerie bienvenue dans ma routine quotidienne, mais cette fois-ci, une note d'urgence perçait dans la voix du directeur financier. Le genre de ton qui annonçait une tempête imminente.

« Thomas, nous avons un problème avec notre chaîne d'approvisionnement en Asie », annonça-t-il sans détour, sa voix chargée d'inquiétude.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Mylia ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0