Chapitre 21
Mon cœur fit un bond. La chaîne d'approvisionnement, l'artère vitale de notre entreprise à l'échelle internationale, vacillait. Des frissons parcoururent ma colonne vertébrale alors que je demandais des détails précis sur la nature de l'urgence.
Victoria comprit qu’il y avait un problème à son regard rempli d’incompréhension.
— Il semblait qu'une série d'événements imprévus, dignes d'un scénario de film catastrophe, semait le chaos dans nos opérations. Retards de transport, problèmes logistiques, la liste des désastres s’allongeait de minute en minute. Pire encore, une commande cruciale pour l'un de nos clients européens, une commande sur laquelle reposait une part significative de notre réputation, était menacée, expliquai-je amèrement.
— Que puis-je faire pour t’aider ?
— Rassemble le plus d’informations possible sur nos partenaires extérieurs, on doit pouvoir négocier. Essaie aussi de contacter nos autres clients s’il te plaît.
En tant que PDG, je n'avais pas le luxe de céder à la panique. C'était le moment où mon leadership et ma résolution étaient mis à l'épreuve. Je demandai au directeur financier de convoquer immédiatement une équipe de crise, composée des meilleurs esprits de notre entreprise, pour évaluer la situation et proposer des solutions viables.
Pendant ce temps, je pris l'initiative de contacter personnellement notre plus gros client, une démarche risquée mais nécessaire pour maintenir la confiance et la transparence. La voix tendue mais maîtrisée, j'expliquai la situation avec honnêteté, tout en assurant notre engagement absolu à résoudre le problème et à minimiser les perturbations.
Une fois l'appel terminé, je plongeai dans l'organisation de la réponse d'urgence. Avec chaque minute qui s'écoulait, la pression montait. Les membres de l'équipe de crise se rassemblèrent, apportant avec eux leur expertise et leur détermination. Les idées fusèrent, les plans se dessinèrent, et nous nous mîmes au travail.
Nous étions en guerre contre le temps, mais nous refusions d'abdiquer. Nous déployâmes des ressources supplémentaires, négociâmes avec des partenaires externes, et coordonnâmes chaque étape avec une précision militaire.
Finalement, après des heures de travail acharné et d'innombrables obstacles surmontés, nous réussîmes. La commande cruciale fut préparée, emballée, et expédiée, juste à temps. Un soupir de soulagement traversa la pièce alors que nous nous regardions, épuisés mais triomphants.
— Il est plus de deux heures du matin, lançai-je à Victoria.
— On devrait rentrer.
— Je suis totalement d’accord mais je suis complètement vidé de toute énergie.
— Je suis dans le même état, rigolai-je. Quelle journée… Tu ne m’avais jamais dit que tu parlais coréen et mandarin.
— Mon père est coréen, ça te surprend tant que ça ?
— Non, juste mandarin.
— Quand tu maîtrises une des langues d'Asie, tu les maîtrises presque toutes. Ça se ressemble assez.
— Il faut déjà en maîtriser une. C’est le plus compliqué.
— C’est pas faux, rigola-t-elle.
— Allez, on devrait rentrer, demain est une longue journée aussi.
Elle acquiesça avant d’attraper ses affaires. Je fis de même et nous partîmes vers nos voitures.
— On se rejoint à la maison ?
— Oui, répondis-je.
Je montai dans ma voiture, surpris par cette journée. Qui aurait cru qu’elle se déroulerait ainsi ? Victoria a vraiment mis un sacré bazar dans ma vie. Je la déteste, mais aujourd’hui nous avons tout de même réussi à travailler ensemble. Notre mariage est peut-être voué à l’échec, mais avec un peu de chance, une fois notre divorce annoncé, la fusion pourrait être maintenue.
Sans même m’en rendre compte, j’étais déjà arrivé. Je déteste quand ça me fait cela. Victoria aussi était arrivée.
En rentrant dans la maison, aucune lumière n’était allumée et il n’y avait aucun bruit. Elle avait sans doute dû partir directement se coucher.
Je décidai de ne pas la déranger et de me rendre directement dans ma chambre. Pas par gentillesse, je me vengerais bien de ce qu’elle m’a fait ce matin mais je suis bien trop fatigué. Le calme de la nuit enveloppait la maison alors que je me glissais sous les draps, épuisé mais satisfait de la journée accomplie, malgré ses défis imprévus.
Je m'endormis finalement, le sommeil apportant un soulagement bienvenu après cette journée mouvementée. Demain serait un nouveau jour et avec un peu de chance, moins compliqué.
Je me réveillai doucement, en regardant l’heure j’aperçus qu’il me restait une dizaine de minutes avant que mon téléphone ne sonne. Je détestais me réveiller avant quand il ne me restait que quelques minutes.
J’attrapai mon téléphone, histoire de me divertir un peu le temps qu’il soit sept heures. Ça ne sert à rien d’essayer de me recoucher.
Je dois trouver une idée pour me venger de Victoria. Et aussi une pour qu’elle demande tout annuler. Nous avons peut-être pris sur nous ces derniers jours, mais cela ne veut pas dire que j’accepte ce mariage.
L’article comprenant l’interview d’hier n’est pas encore sorti, c’est étrange. Je pensais qu’il serait apparu le plus tôt possible. Je n’arrivais pas à savoir si c’est une bonne chose ou non.
Il finit par être l’heure de se préparer pour aller travailler. Je filai dans la salle de bain pour prendre une bonne douche. L’eau chaude coulait sur moi. J’avais espéré que ça m’aiderait à trouver une idée sur comment faire craquer Victoria, mais rien ne me venait. Une part de moi savait très bien que quoique je fasse, elle allait rétorquer. Il fallait que je trouve son point faible pour l’exploiter au maximum. Il n’y a qu’ainsi que je gagnerais cette partie.
Je sortis et enroulai ma taille d’une simple serviette. Je filai à la cuisine pour déjeuner avant de finir de me préparer. Victoria était là, le visage tombant presque dans son bol de lait chaud. Elle n’est vraiment pas du matin. Ses cheveux, comme à leur habitude, n’étaient qu’un amas de nœuds. Je lui souhaitai bon courage intérieurement, ça ne devait pas être agréable de les coiffer.
Elle finit par lever un œil distrait sur moi avant de le reposer sur sa tartine. Seulement, elle s’arrêta avant de me dévisager plus attentivement, laissant son regard traîner sur mon torse.
— Tu pourrais t’habiller le matin, Thomas, grogna-t-elle.
— Je sais que c’est dur de ne pas pouvoir toucher un tel corps, mais dis-toi que tu peux au moins regarder.
— Je ne veux pas te voir habillé d’une serviette, tu n’es pas mon style du tout et ça me coupe l’appétit.
— Menteuse. Ton nez s’allonge, je t’ai vue me mater.
— Je ne te matais pas. Je regardais pour essayer de comprendre pourquoi tu étais habillé ainsi. À ton avis, quelle aurait été ta réaction si la situation était inversée ?
— Est-ce une question détournée pour savoir si tu me plais ? Désolé Miss Parfaite, mais tu ne m’intéresses pas. Tu peux te balader nue si tu le souhaites, je ne tenterai rien. On s’attend à la porte.
Je lui lançai un clin d’œil en attrapant ma tasse de café fumante et retournai dans ma chambre, abandonnant une Victoria rouge pivoine.
Je finis de me préparer avant de la rejoindre dans l’entrée pour aller travailler. Aujourd’hui, nous étions dans l’entreprise de Victoria. J’étais assez curieux de cette réunion concernant le futur prototype, je n’avais jamais assisté à sa conception. C’était une belle occasion d’apprendre quelque chose. Pour une fois, ce mariage servait à quelque chose.
La matinée passa tranquillement. J’étudiais les derniers dossiers des clients de Victoria que je n’avais pas eu le temps de traiter ainsi que les mails concernant mon entreprise. Aucune urgence telle qu’hier n’était à signaler, à mon plus grand bonheur.
En observant les différents documents concernant Glamorous, je me rendis compte que Victoria était la seule à travailler, son frère n’était pas présent dans l’entreprise. C’était étrange. Qui plus est, je savais qu’elle était douée, mais elle ramenait la plupart du temps les plus gros contrats. D’après ce que j’avais pu voir, elle était presque au même niveau que son père. Je lui lançai un coup d’œil discret. Cette femme est tellement énervante, comment réussit-elle ? Je suis doué, malgré les apparences je suis sorti major de ma promo et pourtant je ne l’égalise pas.
— Tu as vu que l’article concernant notre relation n’était toujours pas sorti, me coupa Victoria dans mes pensées. Tu penses que c’est mauvais signe ?
— Aucune idée, ils attendent peut-être simplement le moment opportun.
— Je l’espère. Il ne manquerait plus qu’il y ait un scandale.
— Mon père me tuera si c’est le cas, marmonnai-je.
— Qu’as-tu dit ?
— Rien.
Victoria fronça des sourcils mais n’insista pas.
— Tu veux manger quoi ce midi ? reprit-elle.
— Pourquoi ?
— Je vais commander, c’était pour savoir ce que tu voulais.
— Ne fais pas semblant qu’on est amis, Victoria. Je ne t’apprécie pas plus qu’au début, ces derniers jours n’étaient qu’une mascarade pour satisfaire mon père jusqu’à ce que tu craques et demandes à tout annuler.
Victoria me dévisagea, montrant à travers son regard tout le mépris qu’elle avait pour moi. Ça faisait longtemps.
— Je ne suis pas ton amie et ne le serai jamais. J’essaie simplement d’être polie, mais ça doit être un concept que tu ne connais pas.
— Si je le connais, mais avec toi ce serait de l’hypocrisie.
— Comme si ça allait te changer de d’habitude.
— Ne reporte pas tes défauts sur moi.
— Je n’ai aucun défaut, après tout ne m’appelles-tu pas Miss Parfaite ?
— Seulement la perfection, c’est qu’une illusion hypocrite.
Je souris, mais pas d’un sourire amical, non, au contraire il était méchant. Son visage à elle était rouge de fureur. Mais pour la première fois, elle ne sut pas quoi répondre. J’avais gagné.
Elle se leva de sa chaise avant de se diriger vers la sortie.
— Je n’en peux vraiment plus de toi. Il te suffirait de tenir un peu, te marier avec moi et au bout d’un an divorcer, mais non, tu es un gamin auquel on n’a pas appris les règles de bonne conduite. Tu crois que tout est toujours dû parce que tu portes un nom célèbre. Mais je suis désolée de t’annoncer que ton petit monde parfait n’existe que dans ta tête. Tu crois pouvoir tout avoir avec de l’argent ? Mais regarde-toi, qu’as-tu réellement à part ça ? À part cet argent que tu n’as même pas mérité. Ose me dire que si tu n’étais pas né avec cette cuillère en or dans la bouche, tu aurais pu avoir la place que tu occupes aujourd’hui. Ose me dire que tout cet argent te rend vraiment heureux. Tu achètes tout sans même te rendre compte qu’au final tu ne possèdes absolument rien. Ni cœur, ni personnalité, ni amour. Tu es riche, arrogant, prétentieux et détestable. C’est tout ce que tu es et crois-moi, rien que pour te pourrir la vie et te faire redescendre sur terre, je n’annulerai jamais l’arrangement de nos parents. Tu devras attendre un an de mariage. Tu veux me faire vivre l’enfer ? Aucun souci, mais tu y viendras avec moi.
Je la regardai quitter la pièce. La haine dégoulinait de chaque pore de mon corps. Si je le pouvais, cette femme serait déjà morte. Je lui aurais fait vivre les pires souffrances qu’on puisse infliger à quelqu’un. Pour qui se prenait-elle à me parler ainsi ? J’essayai de me calmer, mais c’était impossible. Plus je m’efforçais de reprendre une respiration normale, plus des images d’elle souffrante me venaient à l’esprit. Je jetai contre le mur la tasse posée sur mon bureau et regardai les bouts de verre éparpillés sur le sol. Je serrai les poings, essayant de me contenir au maximum pour éviter de mettre ce bureau à feu et à sang. Mes muscles étaient si tendus qu’ils tremblaient légèrement de colère. Elle veut jouer ? Vraiment ? Elle me suppliera bientôt d’achever le calvaire que je vais lui faire subir.
J’essayai tant bien que mal de reprendre le cours de mes obligations, mais le message qui s’affichait sur mon téléphone ne m’aida pas à me calmer. C’était Maya.
« On a fait une erreur, on n’aurait pas dû rompre. Je suis désolée, réponds-moi s’il te plaît. »
Quelle pot de colle celle-là. Elle n’a donc aucune dignité pour se comporter ainsi ? Elle devrait prendre exemple sur cette garce de Victoria. Au moins elle, elle a la tête haute, on ne peut pas lui reprocher le contraire.
En parlant d’elle, elle rentre en furie dans le bureau sans prêter aucune attention à moi. J’en serais presque blessé si l’envie de meurtre n’était pas aussi présente. Cependant, je remarquai que ses traits tirés du visage ne m’étaient pas adressés étrangement. La curiosité prenant le dessus, ma rage se dissipa légèrement mais pas assez pour la titiller.
— Il n’y avait plus ton plat préféré au réfectoire, Miss Parfaite ?
— Ferme-la.
— Oula, je devrais peut-être t’appeler Tigresse finalement.
— Thomas, stop.
Elle ne me répondait pas, ce n’était pas dans ses habitudes.
— Qu’y a-t-il ? demandai-je sérieusement.
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