Chapitre 22
— Outre le fait que je devais me coltiner le crétin que tu es ? C’était une journée pourrie. Mes parents viennent de m’annoncer qu’on était invité pour le week-end dans leur maison au bord de la mer dans un mois.
— Pourquoi faire ?
— Si je le savais.
— Bon courage.
— Ah, mais je te rassure, tu es invité aussi.
— Moi ? Pourquoi ?
— Parce qu’on est fiancés.
— Sur le papier et tes parents le savent, alors je redemande : pourquoi ?
— Je n’en sais rien, moi.
Un long silence flottait dans l’air. Aucun de nous deux ne savait quoi ajouter, s’il y avait quelque chose à redire.
— Bon, je vais aller manger, je t’aurais bien proposé de m’accompagner, mais… je n’en ai pas envie.
Je l’entendis marmonner, mais je n’étais même pas sûr que cela m’était adressé. Je lui jetai un regard en coin et la vis en train de mâchouiller ses ongles, le regard vissé sur la fenêtre. Pourquoi réagissait-elle ainsi ? Ce n’était qu’un week-end. Moi non plus ça ne m’enchantait pas, mais je ne réagissais pas ainsi.
Je secouai la tête afin d’enlever ces idées encombrantes et me dirigeai tranquillement vers le réfectoire. J’attrapai un plat préparé pour retourner directement dans mon bureau. Enfin, celui de Victoria. En route, j’appelai Nathan pour savoir s’il avait envie de sortir ce soir.
— Salut, tu vas bien ?
— Oui, et toi ?
— Ça va aussi. Je me demandais si tu voulais venir en boîte avec moi demain soir.
— Tu me connais, mec, je suis toujours partant. Tu viens au 613 ?
— Absolument !
— Je préviens les gars. On se retrouve à vingt-deux heures. À plus.
Je rangeai mon téléphone avant de sortir de l’ascenseur pour rejoindre le bureau.
— On va en boîte ce soir ? me demanda Victoria lorsque je rentrai.
Mais comment était-elle au courant ? J’avais raccroché il y a moins de cinq minutes. Devant mon regard rempli d’incompréhension, elle ajouta :
— Liam m’a invité.
Liam… Ce traître, je vais le tuer lui aussi. Pourquoi invitait-il celle que je fuyais ?
— Moi, oui. Toi, je ne sais pas.
— J’ai accepté.
— Tant mieux pour toi.
Nous reprîmes chacun nos activités, bien que je sois assez contrarié qu’elle nous accompagne ce soir. Je pensais passer un moment tranquille avec les gars.
J’essayai désespérément de me concentrer sur le contrat d’un des fournisseurs concernant des fournitures pour un de ses hôtels sur la Côte d’Azur. Je n’arrêtais pas d’essayer de trouver un moyen de me venger de Victoria.
L’heure de la réunion arriva, enfin un moment intéressant dans cette journée.
Cette dernière s'annonçait tumultueuse, avec une énergie palpitante remplissant l'air alors que nous nous rassemblions autour de la table. Victoria prit la parole d'une voix autoritaire, décrivant avec passion les détails complexes du nouveau prototype. Ses explications étaient éloquentes, chaque mot étant accompagné d'un geste gracieux de la main, ajoutant une touche de dynamisme à ses propos.
Ses yeux brillaient d'une lueur d'excitation alors qu'elle discutait des fonctionnalités innovantes du prototype, et son énergie contagieuse captivait l'attention de chacun dans la salle.
Les discussions étaient animées, avec des échanges vifs entre les membres de l'équipe. Chaque idée était examinée avec soin, chaque suggestion étant accueillie avec un intérêt sincère. Victoria encourageait le débat, incitant chacun à exprimer ses opinions avec confiance.
Malgré la complexité des sujets abordés, elle restait calme et déterminée, naviguant habilement à travers les différents points de discussion.
À mesure que la réunion progressait, une atmosphère d'excitation et d'anticipation remplissait la pièce. Les plans prenaient forme, les idées prenaient vie, et chacun se sentait investi dans la mission commune de faire avancer le projet.
Je restais tout de même en retrait, n’ayant aucune compétence dans le domaine de l’automobile. Je prenais tout de même des notes pour pouvoir les étudier. Je ne m’y connaissais pas, mais je supposais que cette prochaine voiture serait un vrai bolide de compétition. Nous n’avions pas de prix fixe, mais nous tournions déjà à plusieurs centaines de milliers d’euros.
Finalement, la réunion toucha à sa fin, laissant derrière elle un sentiment d'accomplissement et de camaraderie. Victoria remercia l'équipe pour sa contribution précieuse, exprimant sa gratitude pour leur dévouement et leur engagement envers le projet.
En quittant la salle de réunion, je me sentais revigoré et inspiré par l'énergie positive qui régnait. Je savais que cette dernière réunion serait particulièrement intéressante et ce fut le cas. J’avais vraiment apprécié pouvoir apprendre et découvrir ce milieu auprès des meilleurs. Bien que cela me fasse mal de le reconnaître, Glamous n’était pas reconnu internationalement pour rien. Je sentais d’ailleurs que cette nouvelle voiture allait attirer les dirigeants et les passionnés du monde entier.
La réunion s’était éternisée plus que je ne le pensais, Victoria devait penser comme moi, puisqu’en rentrant dans le bureau je l’aperçus en train de ranger ses affaires. J’attrapai les miennes à mon tour et nous nous dirigeâmes en silence vers la voiture. L’ambiance était pesante. Je ruminais toujours ces propos. Victoria s’installa derrière le volant et je la laissai faire sans m’en rendre compte, absorbé par mes pensées.
Même lorsque nous pénétrâmes dans l’allée de la maison, le silence était toujours présent. Je me demandais tout de même à quoi ma chère fiancée pensait. Elle descendit de la voiture sans me prêter la moindre attention.
Non mais c’est elle qui me manque de respect et c’est elle qui boude ? Je vais lui donner des raisons de bouder.
Je la suivis à mon tour. À peine eut-elle franchi la porte qu’elle se dirigea dans sa chambre. Plusieurs idées de vengeance me vinrent à l’esprit. Je pourrais l’enfermer dans sa chambre ? Elle m’avait bien enfermé dehors. Je pourrais recouvrir sa chambre de post-it demain lorsqu’elle serait partie ? Ou l’inscrire sur un site de rencontre avec un profil bien gênant ? Malgré tout, je n’étais pas satisfait de ces idées. Elles étaient toutes un peu puériles. L’idée du site de rencontre me plaisait bien, mais même si cela ne me plaisait pas, elle jouissait d’une certaine réputation à maintenir. Certes, si elle la perdait ça pourrait annuler ce fichu mariage, mais si on découvrait que c’était moi l’auteur de cette plaisanterie, je serais un homme mort. De la part de Victoria. De son père. Mais surtout du mien.
Que pouvais-je bien faire pour me venger ?
J’avalai une gorgée du café que j’avais fait couler tout en réfléchissant.
Je continuai d’essayer de trouver une idée pendant que je préparais le repas de ce soir. Même si avec Victoria nous n’avions rien décidé de concret, nous avions pris l’habitude de faire le dîner chacun notre tour. J’aimerais penser que c’était équitable, mais cette femme ne savait pas faire le ménage correctement, malheureusement cela perturbait le maniaque que j’étais, alors je préférais le faire. En revanche, elle faisait la lessive, chose que je détestais. En fait, nous avions peut-être trouvé un équilibre. Du moins, juste pour le côté « entretien de la maison ».
Oh… j’ai peut-être une idée pour me venger.
Je m’essuyai les mains pleines d’oignon et j’avertis tous les membres de mon entreprise que Victoria tiendrait une conférence demain à la première heure sur « Les stratégies pour gérer les défis imprévus ». Elle qui était toujours soi-disant prête à tout, elle allait être bien gênée demain. Bien sûr, je serais là pour rattraper le coup.
J’enfournais le plat dans le four et partais me préparer pour demain. En arrivant dans ma chambre, je sortis le costume pour demain, vérifiai mon agenda, tout en ajoutant la réunion secrète, et regardai mes rendez-vous. La journée serait plutôt calme, je n’avais qu’un rendez-vous de prévu avec un potentiel artiste que j’avais repéré il y a quelques semaines grâce aux réseaux sociaux.
Je profitai de ce petit moment de calme pour regarder brièvement la télévision avant de m’arrêter sur la série Friends. J’ai toujours aimé cette sitcom, je la regardais enfant avec ma mère. C’est elle qui me l’a fait découvrir en me disant que c’était sans doute la meilleure série de tous les temps. Je regardai l’épisode, ce qui me permit de m’offrir un moment de détente bien mérité.
En revenant pour vérifier la cuisson des pommes de terre farcies, j’aperçus Victoria en brassière de sport et short. Pour la première fois, je la voyais avec une queue de cheval, ce qui lui dégageait la nuque. Je devais bien reconnaître que j’étais reconnaissant qu’elle évitait cette coiffure le reste du temps. Pourquoi ne pouvait-elle pas être moche ? Je n’avais qu’une envie, lui enlever son élastique.
Elle devait revenir de la salle de sport car elle était couverte de sueur. Elle faisait donc réellement du sport. Je ne l’avais jamais aperçue avant. Cela me faisait d’ailleurs réaliser que moi aussi il faudrait que je refasse une séance, avec tous les événements de ces derniers jours j’avais complètement oublié d’en faire.
— Ça sent très bon, lança Victoria en s’approchant du four. J’ai le temps de me doucher ?
Elle paraissait bien plus détendue, comme si cette séance de sport lui avait permis de relâcher la pression accumulée. J’hésitai entre me montrer désagréable, ce qui serait mérité, ou me montrer faussement amical pour éviter d’éveiller les soupçons pour demain. Je choisis de rester neutre, c’était sans doute la meilleure chose à faire.
— Oui, ça sera prêt dans quinze-vingt minutes.
Victoria me remercia avant de foncer vers la salle de bain. Je savais que le sport permettait de dégager l’hormone du plaisir, mais je ne m’attendais pas à ce point. À moins qu’elle ne cachât quelque chose ?
J’allumai la télévision du salon pour relancer la série que j’avais commencée dans ma chambre, afin de garder un œil sur la cuisson du repas.
Pile quinze minutes plus tard, le four sonna en même temps que Victoria sortait de la douche. Quel timing.
— Tu regardes Friends toi ? demanda Victoria surprise pendant que je sortais le plat.
— Oui, pourquoi cet air choqué ?
— Je pensais que tu étais plus pour les séries d’action avec plein de morts et des coups de feu durant presque tout le film.
— C’est le cas. Mais j’aime aussi ce qui est amusant.
— Niveau comédie, c’est sans doute la série à choisir. Je pense que c’est sans doute la meilleure série de son époque. J’ai dû regarder cette série une dizaine de fois et pourtant je rigole toujours autant. Même si je pense que Rachel a raison quand elle a dit qu’il n’avait pas à la tromper.
Je l’écoutais, pendant qu’elle prenait place sur sa chaise où je lui avais posé sa part.
— Ils étaient séparés, répondis-je en rentrant dans son jeu.
— Ils faisaient une pause, c’est différent. Et même s’ils étaient séparés, tu ne couches pas avec une fille une heure après, c’est un terrible manque de respect.
— Ils sont séparés, ils font ce qu’ils veulent.
Je l’observais manger comme un ogre, bien que cela ne lui enlève pas un millième de son charme. J’ai toujours préféré les filles qui mangent bien, qui ne se prennent pas trop la tête.
— Pourquoi tu me regardes comme ça ? me demanda Victoria en apercevant que je la dévisageais.
— Tu en as partout, rigolais-je.
— Ce n’est pas grave, je me rincerai le visage après. On est entre nous, il n’y a pas mort d’homme.
Contre toute attente, le repas se passa plutôt bien. Nous finîmes de manger avant de débarrasser la table et de repartir chacun dans notre chambre.
Ce repas était particulièrement étrange, mais aussi reposant. Je ne pensais pas que nous pouvions avoir des points communs. Ni que nous pouvions avoir une conversation banale sans nous entre-tuer.
J’attaquai rapidement la présentation pour demain, pour que tout soit prêt pour mon plan.
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