Chapitre 25
Nous nous engagions dans l’allée menant à la maison des parents de Victoria. Elle conduisait, me laissant ainsi le privilège de contempler l’endroit où elle avait grandi. Une vaste demeure, presque un manoir moderne, se dressait majestueusement devant nous. La maison, avec ses murs de pierre claire et ses grandes fenêtres encadrées de volets en bois sombre, évoquait à la fois l’élégance et la grandeur.
Autour de la demeure s’étendaient plusieurs hectares de jardin parfaitement entretenus. De chaque côté de l’allée, des massifs de fleurs aux couleurs éclatantes parsemaient le paysage, tandis que de grands chênes centenaires offraient des ombres apaisantes. Des allées sinueuses traversaient le jardin, invitant à la promenade et à la découverte.
À l’horizon, au-delà des jardins, on apercevait l’océan, son bleu profond se mêlant au ciel. Bien que je n'aie vu que la façade de la maison, les jardins laissaient deviner une harmonie entre nature et architecture, promettant d’être tout aussi impressionnants avec leurs fontaines, sculptures et coins cachés propices à la détente.
Victoria se gara sur la place prévue à cet effet devant la porte d’entrée, mais ne sortit pas immédiatement. Notre relation n’avait pas beaucoup évolué au cours de ces deux dernières semaines.
— Je me demande bien pourquoi ils nous ont invités, murmura finalement Victoria.
Je restai surpris par cette révélation, pensant qu’elle avait été mise au courant de cette réunion mais qu’elle ne m’en avait pas parlé.
Elle était nerveuse, cela se voyait. Elle serrait le volant avec force tout en mordant sa lèvre. Les traits de son visage étaient tirés et ses sourcils froncés, comme si elle essayait de résoudre une énigme complexe.
Hésitant, je posai ma main sur la sienne.
— Respire, ce ne sont que tes parents et ton frère. Ce n’est pas la mort.
Elle me fixa mais ne répondit rien. Son visage ne se décontracta pas d’un millimètre. Elle finit par rompre le contact, autant visuel que physique, en sortant de la voiture.
— Que la fête commence, chuchotai-je à moi-même.
Je sortis de la voiture, ajustant correctement ma veste de tailleur, et me plaçai à côté de Victoria, qui continuait de malmener sa lèvre. À ce rythme, elle finirait par se blesser.
Je la suivis jusqu’à la porte, montant les marches, avant de prendre une grande inspiration et de frapper. Pourquoi était-elle aussi stressée ? C’était juste sa famille.
Une femme d’une trentaine d’années, plutôt petite et mince, aux cheveux châtains et dont le regard restait baissé, nous fit entrer. À en juger par sa tenue, cela devait être une domestique.
— Bonjour, votre mère vous attend dans le salon, mademoiselle.
— Victoria, tu peux m’appeler par mon prénom, Anna.
La dénommée Anna sourit à Victoria avant de nous conduire jusqu’à sa mère.
Je regardais autour de moi pour me familiariser avec les lieux. Bien que mon père soit un grand ami du sien, je n’étais jamais venu ici auparavant. Je n’avais rencontré la mère de Victoria qu’une ou deux fois et jamais son frère. L’intérieur de la maison reflétait ce que l’extérieur laissait présager : un mélange harmonieux de modernité et de touches d’ancien.
Les murs étaient ornés de tableaux contemporains aux couleurs vives, contrastant avec les moulures en bois sombre qui ajoutaient une note classique. De larges baies vitrées laissaient entrer une lumière naturelle abondante, illuminant les pièces spacieuses et aérées. Le sol en parquet de chêne craquait légèrement sous nos pas, ajoutant un charme rustique à l’ensemble.
Le mobilier alliait confort et élégance, avec des canapés modernes en cuir blanc et des meubles anciens en bois massif finement sculpté. Des plantes d’intérieur, judicieusement disposées, apportaient une touche de verdure à chaque recoin, renforçant la connexion entre l’intérieur et les jardins luxuriants visibles à travers les fenêtres.
Étrangement, je trouvais que, mis à part la verdure, le style de cette maison ne correspondait pas à Victoria. Elle préférait une décoration plus cocooning, avec des plaids douillets et des couleurs chaudes.
Je la suivis en silence jusqu’au salon. Les murs, peints dans des tons de blanc et de noir, étaient ornés de tableaux abstraits aux couleurs douces, ajoutant une touche d’élégance discrète à l’espace.
De larges fenêtres laissaient entrer la lumière du jour, qui se reflétait doucement sur le sol en parquet de chêne poli tout en laissant apercevoir une terrasse et les jardins. Un tapis moelleux, aux motifs géométriques subtils, trônait au centre de la pièce, invitant à s’y attarder.
Le mobilier, à la fois confortable et raffiné, comprenait un grand canapé en cuir blanc agrémenté de coussins aux motifs délicats. Des fauteuils assortis entouraient une table basse en bois sombre, sur laquelle reposaient des magazines et quelques objets décoratifs.
Des étagères encastrées dans les murs accueillaient une collection de livres soigneusement rangés, témoignant des goûts littéraires de la famille. Des plantes vertes apportaient une touche de fraîcheur à l’ensemble, tandis qu’un bouquet de fleurs fraîches ornait une table d’appoint près de la fenêtre.
La mère de Victoria, Amara, était assise sur le canapé. Elle était très élégante, ses cheveux grisonnants retenus dans un chignon parfait. Sa tenue, un ensemble tailleur-jupe blanc classique, lui donnait un air strict. Bien que quelques rides soient apparues, elles n’enlevaient rien à sa beauté. Beauté que Victoria avait héritée. Elle ressemblait beaucoup à sa mère.
— Tu es en retard, Victoria, lança froidement sa mère.
— Je suis désolée, maman.
— Tu aurais pu fournir un effort, tes cheveux sont en désordre.
— Je viens de faire quatre heures de route, maman, je n’ai pas eu le temps de me recoiffer.
— Tu as toujours des excuses.
Je jetai un rapide coup d’œil à ma montre et constatai que nous n’avions que trois minutes de retard. Sa mère exagérait un peu.
— Bonjour, madame Chan, je suis ravi de vous revoir, lançai-je pour couper le malaise.
— Bonjour, Thomas, je suis ravie de t’accueillir chez nous, mais s’il te plaît, appelle-moi Amara. Ton père, Victoria, est dans son bureau, et ton frère n’est pas encore arrivé, il doit avoir un contretemps.
Je ne comprenais pas la scène devant moi. Victoria était arrivée avec trois petites minutes de retard, et sa mère se montrait froide, alors qu’elle semblait indifférente au retard de son frère.
— Amara, c’est Noah ?
— Non, Victoria.
Noah devait être son frère. Je ne l'avais jamais rencontré, ni entendu parlé, ce qui était étrange.
— Oh, salut chérie, répondit son père en l’enlaçant.
— Coucou, papa.
Victoria avait l’air vraiment mal à l’aise. Elle qui d’habitude dégageait une aura de confiance, attirant tous les regards par sa prestance et son assurance, ressemblait ici à une petite fille perdue.
— Thomas, je suis ravi de te voir, reprit Tobias en me serrant la main.
— Moi aussi.
Un long silence s’installa dans la pièce. Victoria ne cessait de se triturer les lèvres, jusqu’à ce que le regard désapprobateur de sa mère l’arrête.
— Pourquoi nous avez-vous demandé de venir passer le week-end ici ?
— Nous sommes ta famille, Victoria, n’avons-nous pas le droit de te voir ?
— Si, mais c’est juste surprenant.
— Thomas fait désormais partie de notre famille, et ton frère ne le connaît même pas. Nous avons trouvé judicieux de nous organiser un week-end en famille.
Avaient-ils oublié que nos fiançailles n’étaient pas un choix de plaisir ? Je préférai ne rien dire, la situation était déjà assez tendue.
— Et la vraie raison maintenant ? demanda Victoria.
— Pourquoi es-tu toujours aussi méfiante ?
— Pour rien.
Je connaissais désormais assez bien Victoria pour savoir qu’elle mentait. Elle se retenait de dire ce qu’elle pensait réellement.
— Puis-je vous emprunter Victoria ? finis-je par lancer pour la sortir de cette situation. J’ai pu apercevoir vos jardins à travers les fenêtres et je suis curieux de les visiter. D’ailleurs, vous avez une demeure incroyable.
— Merci, Thomas. Bien sûr, Victoria va te faire visiter, c’est d’ailleurs grossier qu’elle ne l’ait pas déjà fait.
Lui reprochait-elle encore son retard ? Je forçai un sourire sans répondre. Cela n’aurait servi à rien.
— Par ici, me dit Victoria en se dirigeant vers une baie vitrée.
Lorsqu’elle avait ouvert la porte, l’air chaud de l’extérieur m’avait envahi, me procurant un bien fou, comme une douce caresse sur ma peau. Nous avions avancé en silence, nos pas résonnant à peine sur le chemin de pierre. J’avais pris le temps de contempler les jardins qui s’étendaient devant nous, détaillant chaque élément avec admiration.
Les parterres de fleurs étaient une véritable explosion de couleurs, avec des nuances vives et chatoyantes qui attiraient le regard et éveillaient les sens. Des roses, des tulipes, des dahlias et bien d’autres variétés encore, toutes rivalisaient de beauté dans ce tableau naturel.
Les jardins étaient dignes du château de Versailles, un véritable écrin de verdure façonné avec soin. Les allées sinueuses invitaient à la promenade, révélant à chaque tournant de nouveaux trésors. Des fontaines sculptées jaillissaient çà et là, leur doux murmure emplissant l’air d’une ambiance paisible et rafraîchissante.
Les arbres fruitiers, chargés de promesses pour les saisons à venir, bordaient les sentiers avec élégance. Leurs branches fournies offraient un ombrage bienvenu, créant des zones de fraîcheur propices à la détente et à la contemplation.
C’était un véritable paradis terrestre, un havre de paix où la nature exprimait toute sa splendeur. Et alors que nous avions avancé en silence, je ne pouvais m’empêcher de me sentir transporté par la magie de cet endroit enchanteur.
Elle s’était finalement assise sur un banc, assez reculé de la maison et caché par les arbres. Je m’étais assis à mon tour, tout en gardant mon silence.
Victoria regardait l’océan à l’horizon, absorbée par ses pensées.
— Tout va bien ? avais-je demandé.
— Oui.
— Tu as grandi dans une maison magnifique. J’aurais aimé grandir ici.
— Si tu le dis.
— Victoria…
— Laisse tomber, Thomas, m’avait-elle coupé. Rentrons, mon frère ne devrait plus tarder.
Le retour s’était fait dans le même silence que l’allée. Je l’avais observée du coin de l’œil, du moins de dos. Elle n’était pas la Victoria que je connaissais, cette folle intrépide qui n’avait peur de rien. Je n’arrivais pas à cerner son comportement, elle semblait redouter quelque chose d’inévitable. Que pouvait-elle bien cacher ?
En pénétrant dans le salon, Victoria avait de nouveau subi une avalanche de reproches.
— Tu aurais pu te dépêcher un peu, s’était exclamée sa mère, ton frère est arrivé.
Lorsqu’elle s’était écartée, j’avais pu apercevoir ce dernier, assis sur le sofa. Il ressemblait peu à sa sœur. Ils avaient tous deux les mêmes cheveux et le même regard, mais rien de plus. Son frère était plus jeune, elle me l’avait dit, mais cela se voyait aussi à travers son expression enfantine. Ce qui était assez surprenant, car il avait tout de même vingt-quatre ans. Si sa sœur était particulièrement élégante et charismatique, c’était tout le contraire pour lui.
— Salut, avait lancé Victoria.
— Salut.
Son frère lui avait répondu sans même lui jeter un regard, trop absorbé par l’écran de son téléphone portable, ou plutôt par le jeu qui y était affiché.
— Thomas, voici Noah, le frère de Victoria.
— Enchanté, je suis Thomas, le fiancé de ta sœur.
— Ouais, salut.
Son attitude m’exaspérait au plus haut point. Il faisait preuve d’un manque de respect considérable, pourtant sa mère n’avait pas l’air de s’en soucier.
— Madame, le repas est prêt.
— Merci, Anna, avait répondu Amara. Allez chercher Tobias.
Nous nous étions dirigés, dans une atmosphère tendue, vers la salle à manger. Je sentais d’avance que ce repas allait être long.
La salle à manger était une pièce somptueuse qui reflétait le même raffinement que le reste de la maison.
Une grande table en bois massif trônait au centre de la pièce, recouverte d’une nappe immaculée. Des chandeliers en argent étincelaient, ajoutant une touche de luxe à l’ensemble. Les assiettes en porcelaine fine étaient disposées avec précision, accompagnées de couverts en argent brillant.
Des bouquets de fleurs fraîches ornaient chaque coin de la table, diffusant un délicat parfum dans la pièce. Des serviettes en tissu, pliées avec soin, complétaient le décor, ajoutant une touche d’élégance supplémentaire.
Les chaises assorties étaient confortablement rembourrées, invitant les convives à s’installer et à profiter du repas. Au bout de la table, une grande chaise imposante était réservée à la tête de famille, soulignant son statut et son importance.
Dans cette atmosphère chargée de tension, je m’étais assis à table, à côté de Victoria, me préparant mentalement à ce qui allait suivre. La salle à manger était le cadre parfait pour ce repas familial, qui s’annonçait déjà mouvementer.
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