Chapitre 30

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— La dernière fois que j’en avais mangé une, c’était avec elle.
— Pourquoi ?
— Parce qu’elle adorait ça. Elle pouvait en manger des pots entiers. Parfois, la nuit, elle venait voir si je dormais et elle proposait d’en manger avec elle. Elle me disait que cela aidait à dormir, souriais-je en y repensant. Quand elle était morte, j’avais perdu l’envie d’en manger. Cela n’avait plus le même goût sans elle.

Victoria écoutait attentivement, ses yeux fixés sur moi, mais son regard restait doux, sans jugement.

— C’est une belle histoire, dit-elle finalement. Ta mère devait être une femme formidable.

— Elle l’était, répondis-je avec un sourire mélancolique. Elle avait cette capacité à rendre chaque moment spécial, même les plus simples. Quand je repensais à elle, je n’arrivais pas à trouver un souvenir plus important qu’un autre. Dès qu’elle était là… c’était… magique.

— Je suis désolée pour ta perte, murmura-t-elle, sincère.

— Merci, dis-je, appréciant son empathie. C’était il y a longtemps maintenant.

— Je me souvenais que ça avait fait la une des journaux, ça avait dû être horrible pour toi. Tu avais quel âge ?
— Douze ans.

Nous continuâmes à manger nos glaces en silence pendant un moment, chacun perdu dans ses pensées. Puis Victoria brisa à nouveau le silence, son ton plus léger.

— Hé, tu sais quoi ? Si ta mère pensait que la glace aidait à dormir, peut-être qu’on devrait tester cette théorie ce soir.

Je ris, appréciant son effort pour alléger l’atmosphère.

— Peut-être bien. Mais on risquerait de passer une nuit blanche à force d’en manger autant.

Elle rit aussi, et l’ambiance redevint plus légère.

— Bon, changeons de sujet, proposa-t-elle. On fait quoi maintenant ?

Je pris un moment pour réfléchir.

— J’avais toujours voulu faire du char à voile, répondis-je en les voyant sur la plage. Ça te tente ?
— Avec plaisir. J’espère juste que tu seras meilleur conducteur qu’avec une voiture.

Je lui fis un doigt d’honneur, ce qui la fit éclater de rire.

Nous nous dirigeâmes vers l’endroit où étaient alignés les chars à voile, impatients de commencer cette nouvelle aventure. L’instructeur, un homme bronzé et souriant, nous accueillit chaleureusement et nous expliqua les bases de la conduite de ces engins. Après un rapide briefing sur les mesures de sécurité et les techniques de pilotage, nous étions prêts à partir. Du moins en théorie. Je n’avais compris que la moitié des consignes.

Cet engin était encore plus dur à piloter qu’un tank, j’en étais sûr.

— Prête à te faire battre à la course ? lançai-je à Victoria avec un sourire provocateur.

J’étais sûr de perdre, mais j’essayais tout de même de me donner bonne contenance. Avec un peu de chance et d’instinct, ça ne serait pas si dur à conduire.

— Dans tes rêves ! répliqua-t-elle en montant dans son char à voile.

Nous nous alignâmes sur la plage, attendant le signal de départ. Le vent soufflait fort, gonflant nos voiles et nous promettant une expérience exaltante. L’instructeur leva le bras, puis le baissa brusquement pour donner le départ. Nous nous élancions sur le sable, le vent sifflant dans nos oreilles et le soleil éclatant dans le ciel.

Bon, c’était encore pire que ce que je pensais. Je n’arrivais pas à faire autre chose que tourner sur moi-même. Je jetai un coup d’œil à Victoria, qui avançait tout en zigzaguant. Elle n’avait pas l’air très douée non plus, même si elle avançait au moins.

Je fis signe au moniteur que j’étais bloqué. Alors qu’il s’avançait vers moi, il faillit se faire percuter par Victoria, qui cria une excuse, n’arrivant pas à freiner.

J’explosai de rire devant le comportement de Victoria et le regard médusé de l’homme qui avait échappé de peu à un accident.

Le moniteur lui hurla les indications pour la forcer à se stopper et l’aida à revenir. Moi, n’ayant pas bougé de la ligne de départ, j’attendais patiemment. Victoria était toute rouge, sans doute un mélange de gêne et d’effort suite à l’activité physique qu’elle venait de faire.

— Pas mal, me moquai-je en retirant mon casque.
— Tu n’as même pas bougé, rétorqua-t-elle en essuyant la sueur de son front. Tu ferais mieux de te taire.
— Deux fois en une journée que tu essaies de tuer quelqu’un… Serais-tu une tueuse en série ?
— Si j’étais toi, je ferais attention. Si j’en suis une, peut-être que je t’empoisonne petit à petit, répliqua-t-elle, le regard menaçant.
— T’es vraiment flippante comme femme. Je l’ai toujours su, mais ça se confirme de jour en jour.
— Je dois avouer que vous êtes très dangereuse, rajouta le moniteur.

Victoria marmonnait quelque chose, essayant de dissimuler son rictus amusé.

— Alors, prêt pour un autre tour ? demanda Victoria, brisant mes pensées.
— Absolument, répondis-je avec un sourire. À toi l’honneur de donner le départ cette fois-ci.
— Attendez, je vais vous réexpliquer les règles… histoire que vous avanciez, me lança-t-il, et que vous ne tuiez personne, ajouta-t-il en lançant un regard à Victoria.

Une fois les manipulations du char de nouveau énoncées, Victoria leva la main et, d’un geste vif, lança la course. Nous nous élancions, le vent dans nos voiles et l’adrénaline envahissant nos veines.

La sensation de vitesse et de liberté était grisante.

Après de nombreux essais, nous réussîmes enfin à manœuvrer à peu près correctement. Nous avions entamé une nouvelle course, ça devait être la huitième. Victoria et moi rivalisions de vitesse, nos rires résonnant au-dessus du bruit du vent. Elle était étonnamment douée, manœuvrant son char avec une agilité et une détermination impressionnantes. Mais je n’étais pas en reste, et chaque fois qu’elle prenait de l’avance, je trouvais un moyen de la rattraper.

Après plusieurs tours de piste, nous décidâmes de faire une pause. Nous nous arrêtâmes sur une partie plus tranquille de la plage, essoufflés mais ravis.

Le ciel commençait à se parer de couleurs spectaculaires, offrant un spectacle éblouissant. À l’horizon, le soleil déclinant inondait l’atmosphère d’une lumière dorée, douce et chaleureuse.

— Regarde ça, c’est magnifique, murmurai-je, fasciné par le spectacle devant nous.

Je n’avais jamais vu de coucher de soleil au bord de l’océan. J’étais choqué que quelque chose d’aussi beau puisse exister dans la nature. Je n’avais jamais eu l’occasion de me balader dans la nature, que ce soit en forêt, en montagne ou encore en bord de mer. J’avais déjà vu l’océan et la plage ainsi que tous ces paysages, mais toujours de loin. C’était surtout lorsque j’avais des rendez-vous professionnels.

— Oui, c'était vraiment incroyable, répondit Victoria, les yeux fixés sur l'horizon. Tu n’en avais jamais vu ?
— Jamais.

Je sentais le regard de Victoria sur moi, mais je ne décrochais pas le mien du soleil qui commençait à se coucher.

Le vent soufflait légèrement, apportant avec lui une fraîcheur bienvenue après l'effort physique du char à voile. Les cris lointains des mouettes et le doux murmure des vagues complétaient ce tableau idyllique. Tout semblait si paisible, si parfait.

— Parfois, j'oubliais à quel point la nature pouvait être belle, disait Victoria, une note de nostalgie dans la voix. On était souvent tellement pris par notre quotidien qu'on ne prenait pas le temps de s'arrêter et de regarder autour de nous.

Je hochais la tête, partageant son sentiment. Ce moment de tranquillité, en harmonie avec la nature, était précieux et rare.

— Tu as raison. On devrait faire ça plus souvent, répondis-je, inspiré par la beauté du paysage.

Nous restions là, en silence, à contempler le ciel qui changeait de couleur à chaque instant. C'était comme si le temps s’était arrêté, nous permettant de savourer chaque seconde de cette expérience. Le ciel, avec ses nuances changeantes, racontait une histoire, une histoire de fin de journée, de repos et de renouveau.

Le soleil continuait de descendre lentement, disparaissant progressivement derrière l'horizon. Les derniers rayons illuminaient le ciel d'une lueur pourpre avant de céder la place à la pénombre naissante de la nuit. Les premières étoiles commençaient à scintiller, ajoutant une touche de magie à cette soirée déjà parfaite.

Nous restions encore un moment à profiter de ce spectacle naturel, savourant la quiétude et la beauté de l'instant. Puis, lentement, nous nous relevions.

— Allons-y, dis-je enfin, un sourire aux lèvres. Il faisait nuit et on n’avait toujours pas mangé.
— Il y avait un petit resto. C’était loin de ceux qu’on avait l’habitude de fréquenter, mais il y avait une jolie vue et surtout, j’avais vraiment faim et pas très envie de marcher.
— Tant qu’ils faisaient des moules-frites, ça me convenait.
— On était au bord de l’océan, bien sûr qu’ils en faisaient, rigola Victoria.

Nous nous éloignions de la plage, laissant derrière nous le ciel désormais étoilé et les souvenirs d'une journée inoubliable.

Nous nous dirigions vers le petit restaurant dont Victoria m'avait parlé. Le chemin longeait la côte, offrant une vue imprenable sur l'océan sous la lumière argentée de la lune. L'air était frais et salé, empli du son des vagues s'écrasant doucement contre la plage.

En arrivant au restaurant, nous fûmes accueillis par une atmosphère chaleureuse et décontractée. Les tables en bois, joliment disposées en terrasse, offraient une vue panoramique sur l'océan. Les lumières douces et tamisées ajoutaient une touche de romantisme à ce cadre déjà idyllique. Nous étions loin des lieux que nous fréquentions d’habitude, mais j’aimais beaucoup cette ambiance.

Nous nous installions à une table près de la rambarde, d'où nous pouvions encore apercevoir les vagues scintillantes sous le clair de lune. Un serveur souriant nous apportait les menus et nous laissait quelques minutes pour choisir. Le menu proposait une variété de plats de fruits de mer frais, ainsi que des spécialités locales.

— Qu'est-ce que tu allais prendre ? demandais-je à Victoria en parcourant le menu.
— Je pensais opter pour les moules-frites, répondit-elle avec un sourire. Et toi ?
— À ton avis ? Pareil. Ça faisait longtemps que je n'en avais pas mangé, dis-je en refermant le menu.

Nous passions notre commande et continuions à discuter de tout et de rien, savourant ce moment de détente après une journée bien remplie. La conversation coulait facilement, oscillant entre souvenirs partagés et projets futurs.

— Bon, on faisait quoi après ? me demandait Victoria.
— Un bain de minuit ?
— Thomas…

Victoria essayait de montrer un visage désespéré, mais cela se voyait qu’elle se retenait de rire.

— Tes yeux traduisaient ton amusement… et tu n’avais pas dit non.
— Non, Thomas, pas de bain de minuit.
— Tu n’étais pas très amusante.
— Je savais.

Nos plats arrivaient rapidement, et l'odeur alléchante des moules-frites nous faisait saliver. Nous nous régalions, dégustant chaque bouchée avec plaisir. Le repas était délicieux, et l'ambiance du restaurant ajoutait une touche supplémentaire à notre soirée déjà parfaite.

Après avoir fini de manger, nous décidions de prendre un dessert. Victoria optait pour une tarte au citron meringuée, tandis que je choisissais une coupe glacée aux fruits rouges. Nous savourions nos desserts en silence, appréciant pleinement chaque instant de cette soirée magique.

Lorsque nous quittions le restaurant, la nuit était bien avancée. Nous marchions tranquillement le long de la plage, profitant de la douceur de la brise nocturne et du calme environnant. Les étoiles brillaient au-dessus de nous, et la lune éclairait notre chemin d'une lumière douce et apaisante.

— C'était vraiment une journée incroyable, disais-je finalement, brisant le silence.
— Oui, elle l'était, acquiesçait Victoria. Mais je devais avouer que j’étais épuisée.
— Ne te plaignais pas, tu avais dormi dans le lit.
— Toi aussi.
— Après avoir passé les trois quarts de la nuit à tourner en rond dans le canapé.
— Je ne t’avais pas forcé à dormir dedans.
— Tu te moquais de moi ?
— Non.
— J’essayais d’être galant et ça me retombait dessus. On s’étonnait après que je sois toujours un connard.
— Je n’avais rien demandé.

Je sentais la colère monter en moi. Depuis combien de temps je me contenais, essayant de tout faire pour que cette journée soit spéciale pour nous deux ? Et voilà comment elle me remerciait, en me lançant ses piques acerbes.

Mes poings se serraient. Mon sang battait dans mes tempes. Comment pouvait-elle être aussi ingrate ? J'avais fait tout ce que je pouvais pour lui plaire, pour rendre ce week-end spécial, lui remonter le moral, et voilà comment elle me traitait.

— Tu sais quoi ? dis-je en essayant de garder mon calme, bien que ma voix tremblât légèrement. Tu pouvais bien dormir sur le canapé ce soir. On verrait demain si tu ne regrettais pas que j'aie essayé d'être galant.

Elle me regardait, ses yeux lançant des éclairs.

Les mots résonnaient dans l'air nocturne, amplifiés par la frustration et la tension accumulée au fil des mois. Je tournais les talons, laissant la brise fraîche de la nuit emporter mes pensées tourbillonnantes. Nous étions censés profiter de cette soirée, pas la gâcher avec nos vieilles rancœurs.

Faire un pas en avant et reculer de dix.

C’était notre philosophie avec Victoria.

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