Chapitre 31
C’était sans surprise que je constatais que Victoria était endormie à côté de moi. Dans le lit. Elle qui avait fait une crise en me disant une centaine de fois qu’elle allait dormir sur le canapé et que j’étais trop superficiel et douillet. Elle avait finalement craqué. Comme moi. La seule différence était le mur d’oreillers qu’elle avait dressé entre nous.
C’était triste qu’elle soit obligée de faire ça pour ne pas me sauter dessus.
Je m’appuyais sur mon bras afin de l’observer. Quelques mèches retombaient sur son visage. J'aurais aimé être furieux de notre dispute d’hier, surtout en voyant que j’avais raison, qu’elle aussi était venue dans le lit, mais devant son visage si paisible, je n'arrivais pas à éprouver la moindre once de rancœur.
La pièce était plongée dans l’obscurité, mais je parvenais tout de même à distinguer les traits fins et délicats de son visage. Elle était une sorcière, elle m’envoûtaient complètement.
Je me redressais doucement pour ne pas la réveiller et me dirigeais vers la fenêtre. La lumière du soleil levant éclairait faiblement la pièce, créant des ombres dansantes sur le sol. Je regardais dehors, vers l’océan. Le bruit des vagues était apaisant, mais mon esprit bouillonnait.
Pourquoi était-ce si difficile de se comprendre ? Pourquoi chaque tentative de rapprochement se transformait-elle en confrontation ? Ces questions tournaient en boucle dans ma tête. Mon désir de la comprendre était aussi fort que mon exaspération.
Je retournais doucement vers le lit et m’asseyais sur le bord, la regardant dormir. Elle semblait si vulnérable, si différente de la femme forte et indépendante qu’elle montrait au monde. Peut-être que cette façade était aussi une protection, une manière pour elle de se défendre contre ses propres peurs.
Elle finit par ouvrir les yeux, me vit, puis les referma aussitôt.
— Ne fais pas semblant de dormir, je t’ai vue me regarder, lançais-je.
— Non, c’est faux.
— Alors, qui avait raison ?
— Oui bon d’accord, je l’avoue, c’est le pire canapé au monde. Tu avais raison. Ça devrait être interdit de proposer un truc aussi désagréable au prix auquel on payait la chambre. — Je l’avais dit.
— Pour une fois que tu as raison, marmonnait-elle.
— J’ai toujours raison.
— Pas vraiment, non.
— Ah ouais ? Cites-moi une seule fois où j’ai eu tort ?
— L’accident de voiture pour commencer, ensuite il y a eu quand tu as tué mes poissons, ou bien encore quand tu m’as ridiculisée devant tout le monde…
— J’avais dit une seule raison, bougonnais-je.
— Moi, j’ai toujours raison.
Je l’observais, cherchant à savoir si elle était sérieuse.
— N’importe quoi, riais-je en me levant.
J’allais me lever, mais l’oreiller lancé par Victoria me retenait.
— Tu veux jouer à ça ? la questionnais-je.
Je ne lui laissais pas le temps de répondre que je me jetais sur elle, détruisant par la même occasion le mur d'oreillers.
— Tu as osé faire quoi ?
Elle riait aux éclats sous l’assaut de mes chatouilles, l’empêchant de me répondre.
— Arrête, s’il… s’il te… plaît.
— Dis : Thomas a toujours raison et moi toujours tort.
— Dans tes rêves.
Je reprenais mes taquineries de plus belle, l’empêchant de réfléchir encore plus. Elle se débattait sous mes doigts, mais j’étais plus fort.
Je continuais à la chatouiller sans relâche, déterminé à lui faire admettre ma victoire. Son rire résonnait dans la pièce, un son cristallin et contagieux qui faisait fondre ma colère résiduelle.
— Thomas, s’il te plaît ! s’écriait-elle entre deux éclats de rire.
— Pas avant que tu l’avoues, insistais-je, un sourire narquois aux lèvres.
Elle se tortillait sous mes doigts, essayant de m’échapper, mais je tenais bon. Finalement, à bout de souffle, elle cédait.
— D’accord, d’accord ! Thomas a toujours raison et moi toujours tort !
Je m’arrêtais aussitôt, satisfait de ma victoire. Elle reprenait son souffle, me lançant un regard mi-amusé, mi-exaspéré.
— Tu es insupportable, murmurait-elle, une lueur de malice dans les yeux.
— Et toi, tu es trop têtue, répondis-je en m’allongeant à côté d’elle, toujours essoufflé.
Nous restions là, côte à côte, savourant ce moment de complicité retrouvée. Le mur d’oreillers avait disparu, remplacé par une proximité naturelle et apaisante.
— Je suis désolée pour hier soir, murmura Victoria après un moment de silence. J’ai réagi de manière excessive.
Je tournai la tête vers elle, surpris par ses mots. Ses yeux étaient fixés au plafond, mais son visage était empreint de sincérité.
— Moi aussi, admis-je doucement. J’ai laissé la frustration prendre le dessus.
Elle tourna enfin son regard vers moi, et nos yeux se rencontrèrent. Cette proximité ne me donnait qu’une seule envie : l’embrasser. Je me raclai la gorge et détournai le regard afin de penser à autre chose.
— On devrait vraiment apprendre à mieux communiquer, dis-je finalement. Pour éviter ce genre de disputes inutiles.
— Oui, acquiesça-t-elle. On n’est vraiment pas doués pour ça. Je pense que c’est notre seul défaut, me sourit-elle malicieusement.
— Je suis de ton avis. Alors, que veux-tu faire aujourd’hui ?
— J’ai bien envie d’une journée tranquille, à profiter de la plage et peut-être de la ville. Pas de compétitions ni de défis aujourd’hui, proposa-t-elle.
— Ça me va. Une journée de détente après nos aventures d’hier, approuvai-je. Et puis, on sait tous que je gagnerais.
— N’importe quoi, mais bon, si ça te plaît de le penser.
— Tu l’as toi-même avoué, lui souris-je, amusé.
— Sous la contrainte, tu m’as torturée, c’est une preuve irrecevable.
— Si ça te plaît de te cacher derrière cette excuse… je peux comprendre, ça doit être dur de mettre de côté sa fierté.
Elle me regarda comme si un troisième œil m’avait poussé sur le front avant de finalement se lever, moi sur ses talons.
Après un rapide petit-déjeuner à l’hôtel, nous nous dirigeâmes vers la plage, décidés à profiter pleinement de cette journée sans stress.
Le soleil était déjà haut dans le ciel, réchauffant doucement la brise marine. Je ne pensais pas qu’il était déjà si tard dans la matinée.
Nous nous installâmes sur des transats, profitant de la vue imprenable sur l’océan. Le bruit des vagues et le chant des mouettes créaient une symphonie apaisante.
— C’est tellement agréable de ne rien faire, soupira Victoria en s’étirant.
— Absolument, répondis-je en fermant les yeux. Parfois, il faut juste savoir s’arrêter et profiter du moment présent.
— Tu es devenu philosophe ?
— Ha. Ha. Ha. Tu te crois drôle ?
— Assez, oui. Mais c’est vrai qu’on devrait prendre le temps de se ressourcer.
— Ce n’est pas évident avec le travail. Je suis sûre qu’on va avoir une tonne de mails à gérer en rentrant. Sans compter le nombre d'abrutis qui n’ont pas fait le job correctement.
— Pourquoi tu traites toujours aussi mal ton personnel ?
— Parce que ce sont des incapables.
— Tu devrais les virer dans ce cas.
— Non, c’est censé être les meilleurs.
— Peut-être que si tu leur montrais un peu de reconnaissance, ils travailleraient mieux. C’est prouvé scientifiquement que la productivité augmente avec la satisfaction.
— Ils sont payés pour faire un job, je n’ai pas à les remercier.
— Tu n’aimes pas, toi, avoir un merci ?
— Je n’en reçois jamais.
— Vraiment ? demanda Victoria, surprise.
— Oui.
— Et ton père ? Il ne te félicite jamais ?
— Non.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas.
Victoria n’insista pas, et je l’en remerciai intérieurement.
— Et dis-moi, à part draguer des filles, qu’aimais-tu faire ? me questionnait Victoria.
— Pourquoi cette question ?
— Pour apprendre à te connaître. On vit ensemble, on travaille ensemble, on est fiancés, et on commence à se supporter, alors j’ai envie de savoir qui se cache derrière cette mystérieuse facette de l’éternel séducteur.
— Si je commençais à te parler de moi, tu risquerais de tomber sous mon charme, lui répondis-je avec un sourire enjôleur.
— Tu ne savais pas rester sérieux, hein ?
— Je serais ce que tu voudras, m’amusais-je.
— Tu es fatigant, Thomas.
— Dis celle qui se marrait derrière son verre.
— Tu ne me feras jamais tomber amoureuse de toi.
Sa phrase me fit un pincement au cœur, mais je ne laissais rien transparaître.
— On verra ça, rétorquais-je finalement.
— Tu n’as pas répondu à ma question, en attendant.
Nous passions la matinée à nous prélasser, discutant de tout et de rien, sans pression ni attentes, apprenant simplement à nous connaître. C’était un contraste bienvenu avec l’agitation des jours précédents.
Vers midi, nous décidâmes de partir à la découverte de la ville. C’était une charmante petite bourgade côtière, avec ses rues pavées, ses maisons aux façades colorées et ses boutiques pittoresques. Nous flânions dans les ruelles, nous arrêtant de temps à autre pour admirer une vitrine ou goûter une spécialité locale. Et très régulièrement, nous nous arrêtions dans différentes boutiques, Victoria souhaitant faire du shopping.
— Regarde ces colliers, ils sont magnifiques, s’exclama-t-elle en se dirigeant vers un étal de bijoux artisanaux.
— Oui, ils sont vraiment beaux, répondis-je en observant les pièces délicates exposées.
Elle en prit un entre ses mains, un pendentif en forme de coquillage finement ciselé, et le passa autour de son cou.
— Qu’en penses-tu ? demanda-t-elle en se tournant vers moi, une lueur d’espoir dans les yeux.
— Il te va très bien, répondis-je sincèrement. Tu devrais le prendre.
— Peut-être bien, murmura-t-elle en le reposant à contrecœur. Mais pas aujourd’hui.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas.
— Quelle réponse…
Nous continuions notre balade, profitant de chaque instant. À un moment, nous tombâmes sur une petite place animée par un marché local. Les étals débordaient de produits frais, de fromages, de fruits de mer et d’autres délices régionaux. L’odeur alléchante des plats préparés flottait dans l’air.
— On pourrait prendre quelque chose à manger ici, proposa Victoria en pointant une échoppe de fruits de mer.
— Bonne idée, approuvai-je. Allons voir ce qu’ils proposent.
Nous nous approchâmes de l’étal et commandâmes des plateaux de fruits de mer. Le vendeur, un homme jovial, nous servait avec enthousiasme, nous racontant des anecdotes sur les produits locaux.
— Vous ne serez pas déçus, les amis. Nos huîtres sont les meilleures de la région, affirma-t-il avec un clin d’œil.
Nous nous installâmes sur un banc à proximité et attendions notre repas.
— Je reviens, je dois passer un coup de fil, prévenais-je Victoria avant de partir.
Je me dépêchais de retourner au stand où Victoria avait vu le collier qu’elle aimait bien. Je ne comprenais pas pourquoi elle ne se l'était pas acheté. Ce n’était pas comme si elle était pauvre.
— Vous revoilà, me lança le vendeur.
— Oui, pourrais-je avoir ce collier, s’il vous plaît ?
— Celui que votre petite amie aime ? Elle va être très heureuse.
— C’est ma fiancée, le repris-je sans vraiment savoir pourquoi.
— Tenez.
Je le remerciais en attrapant le paquet et me dépêchais de retrouver Victoria avant qu’elle ne se doute de quelque chose.
Lorsque j’arrivai au niveau du restaurant, j’aperçus Victoria attablée, sur son téléphone, la nourriture étant déjà disposée. Elle était vraiment magnifique, elle n’avait rien à envier à aucune autre femme.
Bizarrement, cela me rendait nerveux. J’enfonçai le paquet dans ma poche et retournai m’asseoir avec elle.
— Tout va bien ? Tu as été long.
— Oui, j’en ai profité pour aller aux toilettes.
Nous dégustâmes notre repas en silence, savourant chaque bouchée. Le goût salé des huîtres, la fraîcheur des crevettes et la douceur des coquilles Saint-Jacques étaient un véritable festin pour nos papilles.
— C’est délicieux, commenta Victoria en croquant dans une crevette.
— Oui, un vrai régal, acquiesçai-je en goûtant une huître.
Après notre repas, nous continuions notre exploration de la ville. Nous visitâmes des galeries d’art, des boutiques de souvenirs et même un petit musée local. Chaque coin de rue offrait une nouvelle découverte, une nouvelle surprise.
— C’est une ville vraiment charmante, remarqua Victoria en regardant autour d’elle.
— Oui, elle a un charme unique, répondis-je en observant les maisons colorées et les ruelles pittoresques.
Nous terminâmes notre après-midi en nous promenant le long du port, regardant les bateaux entrer et sortir, leurs voiles blanches flottant au gré du vent.
— C’est tellement paisible ici, murmura Victoria en s’asseyant sur un banc face à la mer.
Nous restions là, en silence, à regarder les vagues caresser doucement les coques des bateaux le reste de l’après-midi.
Le soleil commençait à descendre à l’horizon, teintant le ciel de nuances dorées et rosées. C’était un moment parfait, un instant de tranquillité et de bonheur simple.
— Cette vue va me manquer.
— C’est notre dernière soirée ici.
— Oui, demain, il faut qu’on rentre, malheureusement.
— Tu voudrais vivre ici si tu le pouvais ?
— Oui.
— Pourquoi ? la questionnais-je.
— J’aime l’ambiance légère ici, l’odeur salée de l’océan, les couleurs aussi bien la journée que le soir, la sensation des pieds dans le sable.
— Tu n’es pas faite pour la montagne, j’ai l’impression.
— Ça a des avantages, mais j’aime la mer. J’ai l’impression qu’à chaque vague qui s’en va, un de mes problèmes s’envole avec. Je sais, c’est ridicule.
Je l’observais, ses cheveux virevoltant au rythme de la brise, les reflets du coucher de soleil dansant sur son visage. Je ne la trouvais pas ridicule, absolument pas.
Nous retournâmes à l’hôtel en fin de soirée, fatigués mais heureux. Je profitais du fait que Victoria soit sous la douche pour regarder le collier que j’avais acheté.
Pourquoi j'ai acheté ça ? Qu’est-ce que j’en fais maintenant ?
Je le rangeai dans mon sac, espérant trouver quoi en faire.
Lorsque Victoria sortit de la douche, nous nous retrouvâmes face à face devant le lit. Le silence régnait dans la pièce.
— On fait quoi ? Qui dort dans le lit ? interrogea Victoria.
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