Le plaisir ou le sabot

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L’aube précéda l’aurore et apparut avec une lenteur divine.

Puis une fine particule orange pointa le bout de son nez vers l’un des sommets de la montagne qui jouxtait le village.

Les faibles rayons du soleil émergeant trouèrent les nuages dans le lointain embrassant la petite région de Vertes-Collines.

Bien que le coq ne fit pas son office (le vieux voisin en ayant fait l’acquisition compris bien plus tard qu’il s’était fait avoir par un marchand itinérant au nom imprononçable puisque le dit coq passait son temps à picorer et dormir), la chambre de Kiaï donnait vers le soleil émergeant ; il sentit sous ses paupières l’astre comme s’il essayait de s’y faufiler pour le réveiller.

Il n’en fit qu’a sa tête et décida de défier le soleil en se tournant de côté dans son lit bien décidé a dormir encore quelques heures.

Alors qu’il commença à disparaître dans le brouillard onirique et que le coq ne chantait jamais, sa mere décida de faire comme ce dernier, mais avec ses sabots.

- Ki ! Lève toi nom d’un chien. Le travail n’attend pas.

- Mais ch’ui encore fatigué s’te plaît.

Deux coups de sabots mal fagotés eurent raison de Kiaï.

- Habille toi, bouffe et va travailler si tu veux espérer maigrir un jour.

Kiaï qui, il est vrai, souffrait de surcharge pondérale soufra de cette remarque.

Bien qu’il eu de l’affection par le passé pour sa mère qui elle ne lui en avait jamais donné en retour, a présent il l’a détestait.

Celle-ci à la disparition du père bascula du chagrin à la fermeté et ne cessait plus du tout de lancer des piques blessantes à son fils.

Et c’est en rechignant que Kiaï s’habilla, prit une petite collation sèche et aride et se rendit à la ferme familiale a quelques mètres de là.

Le temps passa avec tellement de lenteur à tel point qu’il se mit à philosopher sans le vouloir sur son existence.

-La vie est vraiment mal fichue. Quand je m’amuse le temps passe vite mais dés que j’bosse le déjeuner sais se faire attendre.

Et c’est avec difficulté, surcharge pondérale oblige, que Kiaï accomplit son boulot certes dur mais fort intéressant.

En effet se salir dans la boue et les excréments d’animaux, soulever de lourdes charges a longueur de journée, sentir la merde de porc était pour Kiaï une véritable vocation pour lui des son plus jeune age.

C’est d’ailleurs aussi pour cela que Kiaï détestait la mère.

Une fois mis au monde il était déjà une charge pour sa famille.

Il ignorait les choses de l’amour. Mais son petit doigt lui dis qu’il suffisait qu’une femme et un homme soient ensemble pour mettre au monde des crèves la faim destinés a errer dans la misère.

Quant au travail, sa mère lui en chargeait toujours plus chaque jours comme un rat qui rogne un fémur petit a petit jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un maigre trognon.

Un fermier bouseux et vivant dans le poison de la haine. Voici ce qu’il était destiné à devenir. Ni plus ni moins.

Sans jamais le montrer à sa mère, Kiaï sentit en lui un sentiment de rébellion croître.

Fermier ? c’est ce qu’il serai pour le restant de ses jours ? Jamais une nuit à la belle étoile ? Jamais une petite surprise qui égaierait sa vie monotone ? Pas même une amie qui lui donnerait du baume au coeur ?

Non ! Il fallait que ça change.

Depuis quelques années, Kiaï nourrissait le faible espoir qu’un jour un événement vienne tout chambouler. Quelque chose qui bouleverserait sa vie et lui permettrait d’élargir ses horizons.

Chaque jour il travaillait à la ferme avec les pieds de plomb. Sur le long terme elle devint pour lui symbole de répugnance. Et sa répugnance quant à elle était à la mesure de sa haine envers la mère. Elle qui épluchait les patates, faisait cuir la viande et le reste du temps ne faisait rien d’autres.

En revanche les coups de sabot, quand Kiaï ne montrait guère d’enthousiasme au travail, ça elle savait les balancer la garce.

De temps à autres, Kiaï aperçu un homme à cheval, diffèrent à chaque fois, qui venait de loin, venir dans la soirée.

L’image de l’inconnu à cheval lui évoquait la liberté, celle qu’il recherchait tant. Puis l’inconnu restait dans la chambre de la mère toute la nuit tandis que Kiaï entendait des cris d’étranglements comme lorsqu’il ne ferait pas bon se promener la nuit.

Trop poltron pour aller vérifier lui-même Kiaï préféra laisser ça au lendemain.

Le matin en se réveillant il n’osa aller l’a voir pensant que quelque chose de terrible lui était arrivée mais au contraire celle-ci apparaissait sur le seuil de la porte d’entrée. Elle avait le sourire au lèvres et était de bonne humeur. Étrange.

Fallait-il alors qu’un homme vienne rendre visite la nuit à la mère pour on ne sait quoi de façon a ce qu’elle soit moins méchante avec son fils ?

Kiaï y songea longtemps.

Un soir alors que la mère venait de recevoir de la visite d’un autre étranger il entendit dans la nuit les même cris d’étranglements mais en plus fort. Il n’y prêta pas plus attention et se dit que demain il gagnerait un jour sans sabots dans le derrière.

Au matin alors qu’il ne chantait jamais le coq cria si fort que même le voisin d’à côté, le vieux Ogir sourd comme un pot, se réveilla en sursaut. A cet instant Kiaï se réveilla avec fermeté et sentit au chant du coq que ce n’était peut-être pas pour rien.

(Un vieux coq stupide qui hurle pour la première fois ?)

Kiaï qui avait forci en apparence grâce à ses dernières années de dur labeur mais n’avait pas beaucoup maigri se leva avec fermeté et se décida a aller voir le pourquoi du cri du coq.

La porte de la chambre de sa mère était ouverte. Bizarre. Elle qui l’a fermait tout les soirs même lorsqu’il n’y avait pas d’homme de la nuit avec elle. A l’intérieur un silence de mort.

Kiaï avança a tâtons dans l’obscurité et vit sans émotions le corps sans vie et nu de sa mère sur le lit.

- Merde ! L’changement qu’j’espérais dpuis tous temps est arrivé j’l’impression.

Les hommes de justice avertis par le vieux Ogir considérèrent l’affaire sans suite. D’après eux la femme s’était étouffée suite a un repas mal avalé.

Kiaï savait que la cause de la mort établie par les autorités compétentes n’avait pour but que de s’en débarrasser même si lui s’en foutait.

Si sa mère l’avait aimé peut-être se soucierait-il de sa mort et tenterait peut-être de résoudre le mystère qui planait autour mais le fait est qu’elle ne l’avait lui avait pas beaucoup donné d’affection dans toute sa vie.

Au final même si c’était cruel de dire ça, l’inconnu lui avait peut-être rendu service. Il avait à présent dix-sept ans et était en âge de maintenir a flot la ferme ancestrale. Certes il serait un fermier mais un fermier libre.

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