RUMEURS

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Une semaine s’était écoulée depuis son passage chez l’ermite. Même s’il n’avait pu obtenir satisfaction à propos de l’identité de ses parents il avait réussit un exploit. Il avait rencontré et fait la connaissance de l’ermite de la forêt noire. L’être le plus redouté de la région. Qui plus est il avait gagné aussi un tatouage que, il l’ignorait pour le moment, les paysans redoutaient pour une raison inconnue de lui. De plus le vieillard l’avait plutôt bien soigné. Il était remis sur pieds. Kiaï reprit donc le travail à la ferme. Il nourrissait les porcs, remplissait les abreuvoirs dans l’écurie et engrangeait encore plus de foin comme autrefois mais avec plus de motivation. Le boulot quotidien se fit en moins de temps que ce que Kiaï avait l’habitude de réaliser. Vers le soir il mangea en vitesse et se pointa au lit. Le pauvre n’avait, en dehors du travail, aucune sorte de distraction. Ni musique de barde, ni cracheur de feu. Rien en dehors de la ferme. Seul ses rêves lui permettaient de s’évader la nuit.

Kiaï mit du temps à s’endormir. Il changea de côté, se tourna et se retourna encore et encore.

Alors qu’il réussit à s’endormir mais avec difficulté, il rêva malgré lui de la femme de petite vertu puis le rêve changea et il vit l’ermite dans sa grande hutte. L’ermite lui disait de revenir le voir. Le visage de celui-ci semblait grave et le vent soufflait autour de lui. Puis le rêve prit une autre tournure, il vit le vieux Ogir en train de ...

Le coq hurla et arracha Kiaï à ses songes. Il se leva d’un bond du lit.

-Encore le coq.

Kiaï se souvint de la première et dernière fois que le coq avait chanté ou plutôt hurlé. Il l’associait désormais au malheur et sentait une nouvelle fois que quelque chose s’était passé. Quelque chose de funeste. Kiaï alla chercher le couteau de cuisine de la mère, alluma une lampe à huile et sortit dehors dans la cour en tenue de nuit, pantoufles aux pieds. Quelque chose de lourd régnait dans l’air. Il ne sut dire quoi avec exactitude. La lampe n’éclairait pas fort autour de lui et ne lui permit pas de voir loin.

Ses sens étaient en alerte. Son instinct le prépara a toute situation.

Soudain il entendit le vieux Ogir gémir a quelques pas de là. Au son Kiaï accourut vers le vieil homme pour lui porter secours et le vit par terre en train d’agoniser.

- Ogir ! Z’avez quoi ?

- L’ermite. Ton tatouage. Maudit. La mort te suivra à chacun de tes pas et tes parents … .

Le vieux ogir rendit son dernier souffle. Il n’était plus.

L’horreur se figea sur le visage du jeune Kiaï. Il se remémora les mots de Ogir.

- Ermite ? Tatouage ? Maudit ? Alors lui aussi y savait pour mes parents vrais. Ordure.

Le coq hurlait encore et encore. Kiaï prit de rage hurla a son tour au volatile.

Tais-toi ! Mais TAIS-TOI DONC !!!

Mais le coq hurla de plus belle.

A la vitesse de l’éclair, en dépit de sa corpulence, Kiaï se saisit du piaf et lui serra son fragile cou. Le coq devint comme une sorte de réceptacle a douleur. Un catalyseur de souffrance. Un défouloir pervers. Toutes les pensées négatives de Kiaï et ses tourments se concentraient sur ce coq. Les coups de sabots. L’indifférence de sa garce de mere adoptive. L’inculture. Le labeur. La pute. Les deux voleurs et bien d’autres. Dans un ultime cri le coq hurla son instinct de survie mais trop tard. Kiaï tel un bourreau remplit son office. Le coq mourut. Le cou broyé par des mains caleuses.

Une fois la colère dissipée il observa le cadavre du volatile sans vie dans ses mains.

C’était la première fois qu’il ôtait la vie. Un animal certes mais une vie quand même. Les porcs c’était les rares commerçants qui venait voir la mère puis venaient les chercher pour en faire on ne sait quoi.

Il en ressentit de l’excitation suivit aussitôt par de petits remords.

Kiaï laissa le cadavre du coq tomber par terre et redevint humain. Par respect il ramassa sur ses épaules le corps du vieux Ogir et le ramena dans son lit chez lui.

- Zut le tatouage.

Il lui fallait le dissimuler.

Cette histoire, il le sentait à plein nez, foutrait la merde dans les environs et les bouseux du village plus loin.

Même s’il en était un, Kiaï avait au fond de lui cette féroce envie de changer, de s’émanciper, de découvrir plus que ce que la vie lui offrait. Il pensait aussi que les paysans avec leur petites mentalités pouvaient causer de gros dégâts même s’il n’en avait pas beaucoup croisé dans son existence.

Car c’est avec ce genre de mentalité là que brûlent sur le bûcher de pauvres innocents traités de sorciers ou d’ermite. La question était que faire du vieux Ogir ? L’enterrer ou avertir le village ?

Le lendemain Kiaï qui n’avait pas beaucoup dormit s’apprêta pour la première fois de sa vie a aller au village prévenir quelqu’un du decès du vieux Ogir. Il ignorait pour combien de temps il en aurait. Il se prépara alors une petite sacoche en bandoulière remplit de provisions, d’une gourde d’eau et partit en direction du village. En l’absence définitive du vieux voisin la ferme serait sans surveillance mais Kiaï gardait bon espoir de l’a retrouver intacte a son retour. Le sentier à suivre semblait tracé pour que n’importe quel voyageur puisse trouver sa destination. Alors qu’il s’apprêtait a partir au village sa route croisa la jeune pisseuse qui l’avait insulté d’orphelin la dernière fois et semblait l’attendre de pied ferme.

- Alors boulard quoi de neuf ?

Kiaï continua sa route et fit semblant de ne pas prêter attention a la jeune fille. Tandis qu’il l’a dépassait un sourire lui barrait le visage. Il éprouva du plaisir a répondre à cette imbécile par le silence.

Mais la petite une fois de plus réussit a le stopper net dans sa course par une phrase cinglante.

T’es devenu ami avec l’ermite de la forêt y paraît ?

Kiaï se retourna et une sorte de duel silencieux s’instaura.

- Je le sais car c’est ton voisin Ogir qui à bavé sur toi hier.

Au village ça parle beaucoup. Et du mauvais œil aussi. D’ailleurs tu vas où ?

- Puisque t’sais tout tu d’vrai pvoir m’le dire ?

La jeune fille sentit une frustration. La frustration de ne point pouvoir répondre avec sa facilité naturelle et la colère la gagna.

Mais Kiaï l’acheva.

- eul vieux Ogir est mort cte nuit. Je pars en avertir le v… .

Le village. Merde. Avec ce que la pisseuse venait de révéler à l’instant il se demanda s’il ne valait pas mieux rester à la ferme au lieu de tenter le village et affronter l’humeur et la superstition générale. Sans compter cette petite effrontée qui l’épiait depuis quelques temps et semblait mener une enquête. Encore heureux pour lui que son bracelet en lanières cachait le tatouage de son poignet gauche. Foutu ermite. Quoi faire maintenant ? Le rêve. Mais oui bien sûr. Il avait rêvé la nuit dernière de l’ermite qui semblait lui demander de revenir le voir dans sa grande hutte. N’était ce qu’un songe ou bien la réalité ? En tout cas le rêve persistait dans sa tête et Kiaï l’avait ressentit dans ses tripes comme un impact puissant. Rien à voir avec ses songes où il ne broyait que du noir. Kiaï se décida a rentrer à la ferme le temps que la petite se casse histoire de calmer les rumeurs mais la petite campa sur ses positions.

- Tu pars en avertir le quoi ?

Kiaï sentit que discuter avec elle ne mènerait a rien. Cette petite devait en avoir dans le pantalon. Nul doute qu’a l’école, si elle y était en tout cas, elle devait être une terreur. Pas que son physique soit désagreable, Kiaï l’a trouvait même presque à son goût. Pour une pécore bien sur. Mais comme si la malice avait apposée de son sceau sa personne.

Il rentra à sa maison et à travers la fenêtre observa la jeune fille histoire de voir si elle fichait le camp. Cette dernière attendit un petit moment puis lasse d’attendre reprit sa route qui, Kiaï l’espérait, l’emmènerait loin de lui.

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