LE FEU ET LA HAINE
Kiaï attendit que personne ne rôde aux alentours de la ferme et de sa maison et partit en silence en direction de la forêt noire, tenté de retrouver le vieil ermite.
Alors qu’il marchait son pas devint plus lent car une question lui fouillait la tête et y sema le doute. Il se demanda s’il avait raison de partir retrouver l’ermite. Après tout ce n’était qu’un rêve et le vieil homme l’avait chassé de sa demeure.
Alors qu’il hésitait à continuer il sentit le vent souffler dans son dos comme pour l’amener à poursuivre son chemin.
Kiaï, qui ne savait pas lire les signes que les ignorants appellent hasard, se mit en quête de retourner à la ferme mais le vent devint plus insistant comme une main invisible mais bienveillante qui lui agrippait le dos.
Kiaï eu alors une bonne appréhension et au bout d’une demi heure fit face au sentier caché qui menait à la hutte du vieil ermite.
Il n’osa point appeler le vieillard à haute voix. D’ailleurs il ne savait même pas quel était le nom du vieil homme. Il eut alors l’idée de faire semblant de marcher avec appui sur une branche par terre comme le ferait une feuille d’automne craquelée et morte.
CRAC.
WHOUHAAAAAAAAAAA !!!
OUBAHADJÉ, OUBAHADJA ! dis moi qui tu es ou il t’en coûteras ! Hurla le vieillard.
Tel un mini ouragan il sortit de sa hutte comme un fou. Le vent se déchaîna et soufflait de partout mais aussi autour de lui. Kiaï tomba à la renverse plus par peur que par le Zéphyr. Il faisait face à l’ermite. Ce dernier tenait son batôn comme un farouche guerrier qui tient une arme spectaculaire.
- Heu … C’est moi viei ,,,(il voulut dire vieillard mais il ne s’y risqua pas) Kiaï.
- Mordicus.
- Quoi ?
- Tu allais m’appeler vieillard mais je m’appelle Mordicus. Approche et n’ai crainte pour le vent ce ne sont que des artifices destinés à impressionner.
Kiaï se releva et le vieillard l’invita a entrer dans sa grande hutte composée en grandes parties de planches de bois et de branches pour le reste.
Ce n’était qu’un détail mais Kiaï fut surpris de ce que l’on pouvait faire avec du bois et des branches. La demeure était plaisante à observer et assez spacieuse en vérité.
-Vous m’aviez dis de revenir dans queques années mais y se trouve que j’ai fait un rêve c’te nuit et j’vous ai vu dans.
- Je le sais bien puisque je t’ai dis de revenir me voir.
Kiaï était subjugué. Comment pouvait-on faire passer un message dans un rêve et à distance ?
Il ne se risqua pas à poser la question au vieillard car pour faire cela il devait posséder de grands pouvoirs.
- Ainsi tu as répondu à mon appel. Grand bien te fasse. Assied-toi.
Le vieillard et Kiaï discutèrent pendant un moment autour d’un breuvage au goût douteux.
Kiaï voulut aborder le décès du vieux Ogir car il sentit que Mordicus n’y était pas étranger mais n’osa pas.
Le vieillard le lut dans son regard suspicieux et lui demanda ce qui n’allait pas.
Kiaï se décida à lui répondre et lui fit part de ses soupçons.
- Le vieux Ogir comme tu l’appelle était un baveux de la pire espèce. Il épiait touts tes faits et gestes et les rapportaient au village. Quand j’ai compris son manège je lui ai lancé un avertissement sous une forme plus ou moins effrayante. J’ignorais que son coeur allait lâcher comme on dis ce qui n’est pas une grosse perte quand on connaissait l’oiseau. D’ailleurs en parlant d’oiseaux si tu te poses la question saches que c’est grâce à eux que je sais tout de toi et des environs. Ce sont eux qui me sifflent à l’oreille et me donne les nouvelles de la journée.
Kiaï lui demanda alors comment savait-il parler avec les oiseaux.
Mordicus répondit d’un air évasif et ne dis que quelques bribes.
- Je possède un lien fort avec le monde vert.
La discussion reprit son cours et au bout d’un long moment Mordicus proposa au jeune fermier de le prendre sous son aile et de l’instruire pendant les quelques années qui lui restaient avant de pouvoir prétendre être un homme. Il lui dis aussi que s’il suivrait l’apprentissage jusqu’au bout sans abandonner alors à la fin de celui-ci il lui dévoilerait la vérité sur ses origines.
- Petit si tu veux savoir qui est ton vrai père et ta vraie mère il te faudra suivre à la lettre mes instructions. Et cet apprentissage n’a que deux fins possibles. La réussite ou la mort car je ne tolérerais de jeune coq dans ma cour.
Kiaï aquiesca bien qu’il ne comprit pas toute la mesure de ce pacte. Il sentait une aura de mystère planer autour de ses origines et il voulait connaître le fin mot de l’histoire.
- Bien ! Tout d’abord tu va perdre cette graisse qui te ralenti dans tes mouvements. Tu es bien trop grassouillet et ca me donne envie de te plonger dans mon chaudron.
Quelques mois plus tard Kiaï apprit peu à peu a connaître le vieillard et comprit avec une lenteur d’esprit digne d’un escargot qu’il n’était pas cannibale et que le chaudron avare de chair humaine n’était qu’une mauvaise blague. Mais pas celle au sujet de la douleur hélas.
- Mais avant de t’enseigner mon savoir il te faut faire quelque chose pour moi ou plutôt pour toi.
- Quoi ? répondit Kiaï.
- Je veux que tu fasses tes adieux a ton passé et que tu repartes une derniere fois a ta ferme. Pour la brûler.
- ??? vous dites quoi ?
- Tu m’as bien compris.
- La seule chose qui t’empêche d’être mon apprenti te rattache a cet endroit de misère.
Pour l’instant tu n’es qu’un jeune fermier inculte qui aspire a mieux et ce mieux je ne peux pas te l’offrir mais je peux t’enseigner à comment l’acquérir.
Mais pour cela il te faut rompre avec ton passé. Si tu veux être couvert de richesses, cotoyer les plus belles femmes de ce monde ou le plier à ta volonté et inscrire ton nom dans les siècles à venir tu dois le faire.
Je peux faire de toi un puissant. Je te l’enseignerais mais toi seul décideras de ta destinée. Tu pourrais devenir roi plus tard ou plus encore.
Je te laisse le choix. Retourne chez toi, prend le temps qu’il te faut puis prend ta décision.
Avec respect, Kiaï, sans un mot, quitta le vieillard et repartit avec les pieds de plomb en direction de sa ferme d’un pas lourd. Il n’était plus très sur de la marche à suivre. Pourquoi croire un vieux fou vivant dans les bois qui lui proposait de devenir roi, riche et entouré de femmes. La richesse et les femmes oh oui il les voulait mais le reste ne l’interessait ou ne les connaissait pas. Au bout d’une demi-heure et sans s’en rendre compte Kiaï arriva à la ferme.
Il la fixa un moment comme pour la jauger. Ressentir son intensité. Sa vie. Il se remémora aussi tous les moments qu’il avait vécu au sein de celle-ci. Du foin et des porcs. Kiaï voulait vivre des aventures et voyager et le seul moyen d’y accéder passait sans doute par Mordicus. Il pesa le pour et le contre et la balance tangua vers le pour. Rien ne le retenait ici. Son choix était fait. Il libéra les cochons de l’enclot et les aiguilla vers la liberté. Puis une fois que les porcs eurent trotinés loin devant pour aller on ne sait où Kiaï alluma une torche et mit le feu au foin. Le feu lécha avec une extrême facilité le foin puis progressa vers la maison. Celle-ci semblait crier à l’aide.
Aidez-moi je ne veux pas mourir imaginait Kiaï.
Il sentit ses yeux mouiller bien qu’aucune larme ne coula. Les flammes embrasaient toute la propriété.
Il attendit un long moment aussi par respect ; il assistait à un spectacle peu commun. Son passé et la vie qu’il avait mené ici disparaissait sous ses yeux. Il ressentit un vide en lui comme si son âme s’amenuisait sous l’effet du feu.
Kiaï n’en demanda pas plus et se prépara a repartir quand dans les flammes il crut distinguer une silhouette féminine. Intrigué il y regarda alors de plus près. C’était la silhouette de sa mère adoptive qui le regardait droit dans les yeux. Comment pouvait-elle se tenir là à l’embrasure de la porte alors qu’elle était morte ? Il avait bien vu son cadavre pourtant. Il l’observa à son tour. Celle ci semblait être là sans y être. C’était difficile a expliquer. La mère le fixait de ses yeux et semblaient exprimer de la haine. Une haine hautaine emprunte de mépris. Une haine qui semblait dire « sois maudit toi qui ne m’as apporté que souffrance et misère ». Je te hais».
Effrayé par l’apparition Kiaï prit alors ses jambes à son cou et courut vers la hutte. Il sentit son coeur battre a tout rompre. Il cru que celui-ci allait bondir hors de sa poitrine. Son souffle s’accéléra et ses tempes battaient sous le joug de l’effort. Enfin il réussit à atteindre l’entrée non sans mal.
- Respire lui souffla Mordicus qui se tenait devant l’entrée de la hutte.
Kiaï s’éxecuta.
Il aurait voulu dire ce dont il venait d’être témoin mais Mordicus lui coupa la parole.
- Je sens l’odeur du bois brûlé d’ici dis t-il. N’oublies jamais cette odeur. Le passé est derrière toi à présent mais il fait aussi parti de la vie. Maintenant je te reconnais comme mon apprenti.
Bien que j’eusse arpenté toutes ses formes dans ma très longue existence je t’enseignerais mon domaine de prédilection : la magie fantôme. Une forme de magie secrète dont à ce jour je suis le seul détenteur.
- A quoi elle sert ?
Elle réagit selon le fond de ton âme. Si tu as bon fond elle seduiras mais si tu t’égares elle detruiras.
Pour tout ce qui touche aux arts de la guerre, et si tu souhaites pousser ta formation vers la destruction pure et le meurtre de masse bien que je ne t’y encourage guere, il te faudras aller voir de ma part Abadsia la vieille assassine loin dans l’Ouest. Elle me doit une grande faveur.
L’apprentissage qui t’attend n’a rien d’une vie ordinaire. Pour commencer dans les régles de l’art je t’enseignerais l’écriture, le calcul et le parler pour converser avec des gens de tout horizons. Et si l’orgueil s’empare de ton âme tu pourras briller en présence d’amis comme d’ennemis. Je t’enseignerais à t’endurcir. Tu apprendras la géographie pour savoir comment t’orienter quand tu es perdu ainsi que l’histoire de tes ancêtres pour les honorer. Et bien plus encore.
- Plus encore ?
- Oui jeune apprenti.
A présent suis moi. Ton destin t’attend.
Kiaï suivit Mordicus dans la hutte.
- J’aiguiserai ton esprit comme le diamant-roi de la couronne de l’empereur connu des hommes.
Et si tu es intelligent tu connais aussi le sens caché du mot « enseigner »
oui j’crois. J’pense que par là vous voulez dire « en saigner ». Kiaï montra ses mains paumes pointées vers le ciel au vieillard et rétracta ses doigts dans celles-ci comme pour les enfoncer jusqu’au sang.
- Exact ! Mon enseignement se fera dans la douleur pour atteindre la grandeur. Désormais tu m’appelleras Maitre !
Annotations
Versions