LE VILLAGE

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Kiaï, apres une longue marche qui montait en pente, aperçut au loin le village tant esperé.

Combien de fois en avait-il rêvé bien qu’il ne l’ai jamais vu en vrai. Il en avait tant entendu parler qu’il s’imaginait en franchir le seuil et converser avec des inconnus.

Des gens savants, des marchands, des intellectuels de la même trempe que son maître ou des drôles comme ceux qu’il avait croisé lorsqu’il avait visité la cité il y a deux ans.

Il ne restait plus à présent qu’une centaine de mètres à parcourir et Kiaï réaliserait son rêve.

Son coeur battait la chamade. D’ailleurs ce n’etait pas tant le village en lui même qui l’excitait mais plutôt toutes les années qui avaient nourries ce rêve.

il franchit enfin l’entrée du village ému mais se rappela de ce que son maitre lui avait dis a propos des émotions. S’il n’y faisait pas attention celles-ci gouverneraient sa vie. Tant pis pour les rêves alors.

Il n’était plus un enfant mais un jeune homme. Kiaï s’efforça de rester impassible et observa le village dans son ensemble. Le village semblait divisé en deux niveaux. Les hautes murailles entouraient l’ensemble du village mais Kiaï sentait qu’elles étaient branlantes et sonnaient faux. Un peu comme du cache-misère.

Les pierres de la muraille semblaient s’effriter. Quelques sentinelles faisaient leur rondes habituelles du haut des remparts.

Mais ces gardes n’avaient pas l’air très motivés et semblaient être des cibles faciles en cas d’assauts.

Il abaissa alors son regard vers les habitations.

La plupart des fermes composait à l’essentiel le village et étaient à ce qui semblait être les principales habitations si on ne comptait pas le niveau au dessus.

D’autres demeures un peu plus prestigieuses d’un point de vue esthetique surplombaient les fermes. D’un rapide coup d’oeil Kiaï jaugea l’ensemble et comprit que les pauvres résidaient en bas et que les plus aisés, moins nombreux à première vue, résidaient en haut. Autour des fermes devaient être commerces, tavernes et autres auberges.

- Z’êtes qui vous ? Kiaï se retourna et fit face à un paysan.

Le paysan semblait à l’Ouest. Il mit son doigt dans son nez et se le cura sans honte devant Kiaï.

Tandis qu’il s’exprimait dans un patois bien plus incompréhensible que ce que Kiaï avait employé par le passé, il l’observa d’un regard attentif et y vit une dentition effroyable.

Soudain, comme des mouches attirés par une crotte, d’autres péquenauds se joignirent au paysan histoire de jeter un œil à la nouveauté qui se présentait à eux bien vêtu.

Bizarre songea Kiaï. Leurs visages lui furent familiers. Ces yeux de fouine, ces traits émaciés, cette chevelure abondante et mal coiffée. Ca ne faisait aucun doute dans l’esprit bien aiguisé de Kiaï. Ces gens étaient de la même famille de la jeune effrontée qu’il avait croisé il y a une demi heure. Mais alors pourquoi étaient-ils si nombreux ? Il vit ce qui semblait être plusieurs foyers mélangés en pagaille certes mais avec pourtant les même traits faciaux.

- Bonjour Messieurs Dames. Auriez-vous l’amabilité de me dire où pourrais je trouver de quoi me divertir l’esprit ? Se risqua t-il à leur demander.

- Hi hi hi ha ha ha qu’est ce qui dis lui ? Semblaient-ils dire en même temps.

Kiaï les observa avec minutie.

Des loques sur pattes qui ne se révolteraient jamais et n’exigeraient jamais plus que ce qu’elles avaient dans leur assiettes et dont les destinées étaient décidées d’avance par une force invisible foutrement cruelle. Formées dés l’enfance a se satisfaire de peu et destinés à se la faire mettre très profond sans crème.

Pardon Maître pensa Kiaï en faisant référence à sa dernière pensée comme si elle offensait son langage durement acquis.

Kiaï qui ne tirerait rien d’eux poursuivit son chemin tandis que la bande de paysans sans cervelle restait derrière lui à l’abandon.

Alors qu’il marchait d’un pas lent histoire de prendre des notes dans sa tête et visiter les differents commerces, un habitant du village aborda Kiaï et lui dis à voix basse : des consanguins !

- Pardon ?

- Oui les gens à qui vous venez de parler à l’instant. Ce sont des consanguins. Ils forniquent entre freres et sœurs. Vous comprenez ? Hé hé hé.

Kiaï comprit à peu pres ce que l’étrange habitant venait de lui dire. En effet le mot consanguin Kiaï l’avait sur le bout de la langue. A présent il comprenait pourquoi toutes ces ressemblances entre membres des differentes familles qu’il venait de croiser.

- Les mœurs dans le coin, enfin surtout chez eux, sont assez libres dirons nous hé hé. Je ne crois pas avoir l’honneur de vous connaître monsieur. Hmm monsieur ?

Fougue de la jeunesse ou mauvais calcul Kiaï lâcha son prénom sans réfléchir.

- Tiens donc comme c’est curieux. J’ai déjà entendu ce nom par le passé il y a bien longtemps mais en tout cas vous n’avez aucuns traits de ressemblances avec celui a qui je pense à l’instant.

Kiaï reflechit soudain à sa bêtise mais l’habitant poursuivit dans la foulée.

- Mais peut-être que si vous me disiez votre nom de famille je serais en mesure de ne pas vous confondre avec lui. En terminant sa phrase l’habitant eut un sourire de malice.

Un nom de famille ? Zut. Kiaï se sentit désapointé. Tout le monde aux alentours de pres ou de loin le connaissait autrefois sous son véritable nom certes mais il s’aperçut en effet qu’il n’avait jamais eu de nom de famille. D’ailleurs ses parents adoptifs lui en avaient-ils attribué un ? Hélas non. Encore un manque à mettre sur le dos de la mère.

- Monsieur ? Vous avez bien un nom ?

Kiaï sentit la colere monter en lui. Pas une colere paysanne d’autrefois mais une colere civilisée et digne. Offensante aussi. Offensante à son égard. Qui était donc ce petit curieux qui lui posait des questions sur son identité ? Alors histoire de lui en mettre plein le portrait il lacha un digne mais dur Mordicus ! Kiaï Mordicus ! En prononçant ce nom Kiaï eut un sursaut interieur. Il venait de se servir du nom de son maître pour une futilité et eut honte. Comme s’il venait de commettre un acte interdit. Mordicus. Ce nom craint le hanta et avait l’air d’être chargé. Tant pis.

- En effet Monsieur Mordicus je ne connais pas ce nom et bien bienvenue parmi nous. Quel bon vent vous amène par ici ?

- Je suis dirons nous un bon vivant. J’aime la culture et les voyages. J’ai entendu parler de votre village il y a quelques temps. Me voici donc.

Kiaï se surprit à inventer du tac au tac une répartie digne de son maître. Deux années avaient suffis à lui remodeler l’esprit et le langage. Il avait un peu de mal à s’en persuader mais les faits étaient là. Il s’exprimait avec une aisance relationnelle à faire rougir le commun des mortels.

Kiaï prit congé du petit homme curieux et s’enfonça plus loin dans le village histoire de mettre un fossé entre lui et le commere. Il marcha un court moment et il vit que par endroits les habitations étaient assez distinguées pour qu’on ne put les confondre avec les premieres fermes. Une classe sociale que l’on pouvait dans l’immédiat deviner de par l’architecture. Comme les gens de la haute ceux qui étaient bien nés de ceux qui ne l’étaient pas. Kiaï qui planait comme un oiseau se souvint de sa mission. Rapporter un trophée. Oui mais de quel genre ?

Alors qu’il était perdu dans ses pensées le trophée se présenta à lui sous la forme d’un heureux hasard que le vent avait provoqué. Au premier étage qui s’élevait au dessus de toutes les autres habitations, Kiaï aperçut au loin une jeune demoiselle bien vêtue et dont le ruban qui soutenait les cheveux s’échappa de sa coiffe. Le vent lui avait donné comme une vilaine claque invisible et le ruban virevolta dans tous les sens pour atterrir par miracle aux pieds de Kiaï qui lui ne s’en était guere aperçut.

- Monsieur, monsieur. Mon ruban se trouve à vos pieds ! cria la demoiselle.

- Auriez vous l’amabilité de l’attraper ?

La douce voix fluette parvint aux oreilles de Kiaï qui, séduit par ce timbre si doux, se jeta avec avidité sur le ruban pourpre.

La demoiselle descendit d’un escalier puis vint à la rencontre du jeune inconnu.

- Merci lui dit-elle. Vous me venez de me rendre un grand service. Sinon comment ferais-je pour soutenir mes cheveux d’une quelconque façon ?

- Le bonjour gente demoiselle. Kiaï employa cette formule de politesse pour la deuxieme fois de la journée et esquissa un sourire qui, à la vue de la jeune fille qui devait avoir son âge, allait s’étirer en large mais les bonnes manieres et la politesse lui revinrent à l’esprit et celui-ci executa une révérence de la tête.

Kiaï qui avait pourtant le regard affûté fut dépossédé de la fermeté que Mordicus lui avait enseigné. Il avait réussit à devenir solide après deux années à s’endurcir et voilà qu’à présent il se sentait comme liquide face à cette demoiselle dont l’aspect l’hypnotisai.

Elle était sans aucun doute possible l’être féminin le plus beau qu’il vit à ce jour. Sa peau était blanche et laiteuse mais ses joues devinrent rouge quand elle vit que le jeune inconnu l’observait. Sa chevelure chatain clair se devinait longue et généreuse. Ses yeux marrons chêne et en forme d’amandes conjuguaient avec ses traits fins et soignés.

Le tout était enveloppé avec soin d’une robe longue et soyeuse et d’une cape bien brodée dont le rang ne faisait aucun doute sur sa lignée.

Par le passé des hommes ont tué par amour pour des jeunes femmes comme elle. Pensa Kiaï.

- Si vous me permettez un compliment ?

- Je vous en prie !

- Je vous devine resplendissante sans ruban. Vos cheveux doivent vivre et respirer comme le ciel si vous me permettez cette courte et éphemére métaphore.

Ephemere. Métaphore. Ces deux mots résonnèrent en elle comme du miel, l’a percutant de plein fouet. Jamais personne n’employait de mots cultivés ou élégants par ici. Pour converser et être vêtu de la sorte il doit être de famille noble pensa la demoiselle. Ses joues rougirent davantage quand elle vit qu’il l’a regardait droit dans les yeux mais sans insistance.

- Tres bien je vais suivre votre conseil alors dit la jeune fille en souriant.

- Permettez moi de me présenter. Kiaï Mordicus pour vous servir. Voyageur et épicurien.

- Enchanté seigneur Mordicus. Honorine fille du Bourgmestre.

La demoiselle fit une révérence en s’inclinant.

Kiaï et la demoiselle discuterent un moment puis Honorine se souvint qu’elle devait rentrer voir son père.

Avec une réverence exemplaire il prit congé de Honorine et fit mine de repartir en sens inverse.

Tandis qu’elle repartait dans son monde hors d’atteinte pour un roturier comme lui il s’arrêta et observa la demoiselle jusqu’au bout, incapable de poser son regard ailleurs, tandis qu’il manipulait dans sa poche et avec soin l’objet de son affection.

Juste avant de rentrer dans sa demeure Honorine se retourna vers Kiaï et lui lança un sourire timide qui confirma sa premiere pensée. Il l’a reverrait. Il en était sûr.

Il eut aussitôt honte car si trophée il devait y avoir ce ne pouvait être que ce ruban en soie qui sentait le parfum naturel de ses cheveux. Lui avait-elle laissé de par ses intentions ou avait-elle fait semblant de l’oublier ? Kiaï ne su répondre à cette déduction. Il se plaisait à croire que c’était volontaire et opta donc pour la première plus par facilité que par déduction.

Il reprit ses esprits. Il fallait qu’il mette de côté au moins pour un temps ses sentiments purs et nobles qui venaient tout juste de naître. Son esprit devait reprendre ses fonctions intellectuelles. Il était là pour se distinguer des paysans à l’entrée du village ainsi que tous les autres, manier son vocabulaire face à un habitant instruit et ramener un trophée. C’était chose faite.

Kiaï repartit vers l’entrée. Alors qu’il partait vers la sortie il vit les quelques paysans avec qui il avait tenté de communiquer au début. En les détaillant à nouveau de bas en haut il fut soulagé et était heureux car il comprit à quoi il avait échappé en devenant l’apprenti de Mordicus. Il reparti alors vers la forêt noire.

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