CHAPITRE 18 : L’Inévitable Confrontation

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Le lendemain matin, Lila se dirigea vers le lycée, la tête encore lourde des événements de la veille. Elle n’avait pas beaucoup dormi, repensant sans cesse à la Ford de Jonah couverte d’insultes et à la fureur contenue qu’elle avait lue dans ses yeux. Malgré tout, une nouvelle détermination l’habitait : elle refusait de laisser Carter régner par la peur.

En entrant dans la cour, elle aperçut Jonah adossé à un muret, juste à côté de l’entrée principale. Une légère brise faisait virevolter quelques affiches fanées de concerts grunge collées sur les murs, témoignant de l’ambiance 90’s de Seattle, tandis que des élèves passaient, leur walkman ou discman aux oreilles, écoutant sans doute les tubes du moment. Jonah, lui, portait un sac jeté négligemment sur son épaule, l’air tendu. Lorsqu’il la vit approcher, un sourire rapide éclaira brièvement son visage fatigué.

— Salut, Lila, murmura-t-il, une pointe de soulagement dans la voix. Je me demandais si tu réfléchissais à nos conversations… Il disait toujours cette phrase pour briser la glace depuis quelques jours, une manière de se raccrocher à leur complicité naissante.

— Salut, répondit-elle doucement, en s’arrêtant à ses côtés. Ça va ?

Jonah haussa les épaules, son regard errant un instant sur les élèves qui les dévisageaient.

— On va dire que je tiens le coup, lâcha-t-il, la lassitude perçant dans son timbre.

Lila sentit sa colère remonter. Jonah ne méritait pas tout ce que Carter et sa bande lui infligeaient.

— Jonah, il faut qu’on fasse quelque chose. On ne peut pas continuer à les laisser gagner, ajouta-t-elle, la voix basse mais résolue.

Jonah la regarda, et elle crut discerner un mélange de fierté et de réticence dans ses yeux sombres.

— Lila, je ne veux pas que tu te mettes en danger à cause de moi.

Elle croisa les bras, affichant une détermination farouche.

— Tu ne me demandes rien. Mais je refuse de rester là sans rien faire, expliqua-t-elle, soutenant son regard.

L’occasion de répondre à Carter se présenta plus tôt que prévu. Ce même jour, pendant la pause déjeuner, Lila et Jonah s’étaient installés à leur table habituelle près du terrain de basket, un recoin relativement calme où ils aimaient discuter. Jonah, plongé dans son carnet noir, notait quelques idées de paroles pour le groupe, tandis que Lila, un sandwich à moitié entamé devant elle, observait les élèves défiler, parfois un walkman sur les oreilles, parfois arborant des t-shirts de rock ou de football.

C’est alors qu’ils apparurent : Carter et son groupe de joueurs de l’équipe de foot, riant bruyamment. Le simple son de leurs rires fit se tendre Jonah, qui releva les yeux, captant aussitôt l’approche hostile.

— Génial, marmonna-t-il, serrant déjà son stylo un peu trop fort.

Carter arriva devant eux, les bras croisés et le même sourire suffisant.

— Alors, Parker, ça t’a plu, le « relooking » de ta voiture ? ricana-t-il, comme si c’était un exploit dont il était fier.

Jonah serra la mâchoire, refusant de répondre. Lila, sentant la tension monter, jeta un regard autour : plusieurs élèves s’étaient arrêtés pour observer la scène.

— Et toi, Harper, enchaîna Carter en se tournant vers Lila. Tu veux vraiment continuer à traîner avec lui ? Tu pourrais faire mieux, franchement.

Lila se leva brusquement, la colère bouillonnant dans ses veines.

— Ferme-la, Carter.

Un silence choqué tomba sur les alentours. Carter haussa les sourcils, visiblement surpris par sa réplique.

— Pardon ?

— Tu as très bien entendu, poursuivit-elle, sa voix claire malgré la montée d’adrénaline. Tu passes ton temps à harceler Jonah parce que tu as peur. Peur qu’il soit meilleur que toi, peur de ne pas avoir besoin de ce ridicule statut de footballeur pour avoir une identité.

Carter rougit de colère, et Jonah se leva à son tour, posant une main sur l’épaule de Lila pour tenter de la calmer.

— C’est bon, Lila, murmura-t-il, redoutant sans doute qu’elle aille trop loin.

Mais elle secoua la tête.

— Non, Jonah. Il doit entendre ça.

Carter fit un pas vers elle, la rage dans le regard.

— Tu crois que tu es intouchable, Harper ? Tu penses que quelqu’un ici te soutiendra ?

— Non, répondit-elle fermement, croisant les bras. Mais je n’ai pas besoin de leur soutien pour savoir que tu as tort.

Jonah se plaça alors devant Lila, regardant Carter avec gravité.

— Ça suffit, Carter. Si tu veux t’en prendre à quelqu’un, c’est moi que tu cherches.

Carter émit un rire froid.

— Oh, c’est ce que tu veux ? Une petite bagarre pour prouver quoi, exactement ?

Jonah resta impassible, ce qui sembla déstabiliser Carter.

— Je n’ai rien à prouver, dit-il d’une voix calme. Pas à toi, ni à personne.

Le sourire de Carter vacilla, comme s’il ne savait plus comment réagir face à cette assurance tranquille.

— Alors, pourquoi tu es encore là ? siffla-t-il.

Jonah posa un bras protecteur autour de Lila, défiant Carter du regard :

— Parce que toi, tu es celui qui ne peut pas lâcher, Carter.

Quelques rires fendirent le silence dans la foule. Carter, humilié, recula d’un pas.

— Tu vas regretter ça, Parker, lâcha-t-il avant de tourner les talons, suivi de son groupe.

Lorsque Jonah et Lila quittèrent la scène, Lila se tourna vers lui, le cœur encore battant. Elle peinait à croire la force qu’il avait montrée en restant calme.

— Tu as été incroyable, Jonah, souffla-t-elle, partagée entre admiration et inquiétude.

Il haussa les épaules, un demi-sourire sur les lèvres.

— Peut-être, mais je suis fatigué de ce petit jeu, admit-il, la voix encore un peu tremblante.

— Alors, arrêtons de jouer, répondit-elle doucement. Trouvons une solution pour mettre fin à tout ça.

Jonah hocha la tête, le regard un brin perdu. Au fond de lui, il savait que Carter n’en resterait pas là.

Ce soir-là, Jonah retrouva Lucas et Ryan dans le garage. Les instruments étaient posés dans un coin, et une légère odeur d’huile et de métal planait dans l’air. On entendait un fond musical sur un vieux lecteur de cassettes, passant une piste de Pearl Jam un peu saturée.

Ils discutèrent longuement de la situation au lycée et de la tension qui pesait sur eux. Lucas, la basse posée sur ses genoux, proposait d’intervenir directement, sans mâcher ses mots. Ryan, assis sur un ampli, gardait un air préoccupé, plus silencieux qu’à l’accoutumée.

— Alors, c’est tout ? On ne fait rien ? s’énerva Lucas. Les choses ne s’arrangeront pas toutes seules.

Ryan haussa les épaules, laissant échapper un soupir.

— Et si on réagit, on va se battre ? On va se faire virer ? Ce n’est pas comme ça qu’on arrangera quoi que ce soit, répondit-il, la voix lassée.

Jonah, ses mains serrées sur le manche de sa guitare, fixait le sol.

— On doit trouver un moyen plus intelligent de leur tenir tête, murmura-t-il. Ils s’arrêteront quand ils verront qu’on ne plie pas sous leur menace.

Lucas balança sa tête de gauche à droite, peu convaincu, mais n’insista pas. L’atmosphère, lourde, reflétait la crainte de chacun.

De son côté, Lila avait du mal à trouver le sommeil. Elle repensait à la scène avec Carter, aux mots de Jonah, à la menace qui planait encore. Finalement, elle se leva et alluma la petite lampe près de son lit. Son carnet de croquis traînait sur la table, à côté d’un vieux walkman. Elle inséra une cassette de rock alternatif dedans, mit les écouteurs sur ses oreilles, et sortit ses crayons.

Les heures défilèrent, tandis qu’elle laissait son imagination exprimer tout ce qu’elle ressentait : la colère, la tristesse, mais aussi l’espoir qu’elle puisait dans son lien avec Jonah. Au centre de ses dessins, un mot ressortit en grosses lettres : « Ensemble ». Car c’était ainsi qu’elle voyait leur avenir : ensemble, malgré tout.

Lorsque les premières lueurs de l’aube percèrent, elle referma son carnet. Elle savait que la vraie bataille ne faisait que commencer, et que Carter et ses alliés n’abandonneraient pas si facilement. Mais elle se sentait prête, ou en tout cas moins seule, pour continuer à se battre.

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