CHAPITRE 19 : La Chute et l’Ascension
Les jours qui suivirent la confrontation publique furent tendus. Au sein de Franklin High, Lila et Jonah étaient sur toutes les lèvres : certains élèves saluaient le courage de Lila, qui avait osé défier Carter, tandis que d’autres la trouvaient irresponsable, voire ingérable. Jonah, lui, faisait l’objet de nouvelles rumeurs — selon lesquelles il serait la source de tous les problèmes.
Dans ce climat, Carter redoublait d’efforts pour briser Jonah. On le voyait chuchoter avec ses acolytes, lançant des regards narquois dans les couloirs. Les graffitis insultants sur la voiture de Jonah n’étaient plus un simple avertissement, mais un signe que Carter n’abandonnerait pas.
Un mercredi matin, Jonah se rendit à la salle de musique, espérant pouvoir s’isoler pour travailler sur une nouvelle chanson. Le lycée, pourtant saturé de rumeurs, restait un lieu hostile pour lui, mais la salle de musique était son refuge. Il portait sa vieille guitare acoustique dans un étui marqué de stickers Pearl Jam et Soundgarden, souvenirs de concerts 90’s.
En entrant, il s’arrêta net. Son étui était ouvert, ses cordes brisées, et ses partitions déchirées jonchaient le sol. Sur le mur, une phrase était griffonnée à la bombe de peinture noire : "Reste à ta place."
Une vague de rage monta en lui. Il serra les poings, tandis que son esprit s’embrumait de colère. À cet instant, Ryan entra à son tour, s’arrêtant devant le désastre :
— Mec, qu’est-ce qui s’est passé ici ? lança-t-il, choqué.
— Carter, murmura Jonah, la voix serrée. Il n’avait aucun doute : le style de vandalisme, la menace implicite, tout pointait vers Carter.
Ryan fronça les sourcils.
— T’en es sûr ?
Jonah hocha la tête, ses mâchoires contractées.
— C’est sa signature.
Voyant son ami au bord de l’explosion, Ryan posa une main sur l’épaule de Jonah, tentant de le calmer.
— Écoute, on peut en parler au principal, il ne peut pas s’en tirer comme ça.
Jonah secoua la tête, amer.
— Ça ne servira à rien. Carter a l’administration dans sa poche, ou du moins, il est assez populaire pour que les adultes ferment les yeux.
Ryan soupira, démuni.
— Alors, qu’est-ce que tu veux faire ?
Jonah baissa les yeux vers les partitions lacérées à ses pieds.
— Je vais lui montrer que je ne plierai pas.
De son côté, Lila subissait aussi le harcèlement hors du lycée. Un après-midi, elle se rendit dans son café préféré, un petit troquet à l’ambiance grunge, où l’on diffusait souvent des cassettes de Nirvana ou de Stone Temple Pilots. En entrant, elle aperçut plusieurs élèves de Franklin attablés près de la fenêtre. Aussitôt, elle sentit les chuchotements :
— Elle a complètement perdu la tête…
— Traîner avec Parker ? Sérieusement, elle est désespérée.
Lila fit mine de ne rien entendre, commandant rapidement un café avant d’aller s’asseoir dans un coin. Elle sortit alors son carnet de croquis, cherchant à se plonger dans ses dessins pour oublier les regards posés sur elle.
Sa concentration fut brutalement interrompue par une voix bien connue :
— Alors, c’est vrai ?
Relevant la tête, elle découvrit Chloé, bras croisés, l’expression sévère.
— Quoi, Chloé ? soupira Lila, déjà fatiguée avant même que l’échange ne commence.
Chloé fronça les sourcils.
— Que tu es prête à tout sacrifier pour Jonah, répondit-elle, le ton empreint de jugement.
Lila referma son carnet, la colère montant.
— Ce n’est pas toi qui m’as poussée à choisir ? Tu as décidé que je ne valais plus rien parce que je ne suivais plus ton plan.
Chloé croisa les bras, son regard glacial.
— Peut-être. Mais regarde ce que ça t’a coûté, Lila. Ton équipe, ta réputation, tout.
Se levant, Lila planta son regard déterminé dans celui de Chloé.
— Et pourtant, je me sens plus libre que jamais. Parce que je ne suis plus ta marionnette.
Chloé ouvrit la bouche, mais Lila ne la laissa pas parler :
— Si tu n’aimes pas ça, c’est ton problème, pas le mien.
Elle attrapa son café, quitta le troquet sans se retourner, laissant Chloé figée sur place, mi-blessée, mi-furieuse.
Ce même soir, Lila et Jonah décidèrent qu’il était temps d’agir. Ils se retrouvèrent dans le garage de Ryan, où Lucas les attendait, la basse posée à ses côtés. Le lieu, encombré d’amplis et de caisses de matériel, était un repaire intime pour leur groupe. L’ambiance y était sombrement éclairée par une unique ampoule, et l’odeur de métal chaud planait dans l’air.
— Il faut qu’on leur montre qu’ils ne peuvent pas nous contrôler, lança Lila, la voix vibrante de détermination. Les récents incidents l’avaient poussée à bout.
Jonah hocha la tête, l’air plus sombre que d’ordinaire.
— Mais comment ? Le principal s’en fiche, Carter est trop populaire… et si on le confronte physiquement, ça ne fera qu’empirer les choses.
Lucas, jusque-là silencieux, intervint :
— Alors, jouons à notre manière.
Ils se tournèrent vers lui, intrigués.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda Jonah.
Lucas esquissa un léger sourire.
— Le talent parle plus fort que les mots. On organise un concert. On montre à tout le lycée ce qu’on vaut vraiment.
Jonah et Lila échangèrent un regard. L’idée était audacieuse, risquée, mais pleine de potentiel.
— Un concert, murmura Lila. Ça pourrait marcher.
— Pas seulement un concert, précisa Lucas, le regard brillant. Un événement. On invite tout le lycée, on leur montre qu’on ne se laisse pas intimider, qu’on a notre mot à dire… et on les force à voir qu’ils ne peuvent pas nous faire taire.
Jonah sourit pour la première fois de la journée, sentant l’espoir renaître dans sa poitrine.
— Alors, faisons-le.
Les jours suivants furent consacrés à la préparation. Jonah, Lucas et Ryan répétèrent sans relâche, perfectionnant leur setlist. Ryan, malgré son scepticisme initial, se laissa gagner par l’enthousiasme collectif, vérifiant les guitares, peaufiner la batterie. Lila, de son côté, profita de son talent pour le dessin : elle créa des affiches originales, à mi-chemin entre le graphisme grunge et les couleurs vives, qu’elle distribua en secret dans les couloirs du lycée. Sur ces flyers, un message simple et direct : « Vendredi soir, nous jouons. Vous êtes tous invités. »
Le lieu choisi fut un entrepôt désaffecté en périphérie de la ville, un endroit spacieux où ils pourraient brancher leurs amplis sans craindre de déranger les voisins. Le risque était grand : Carter et ses amis pouvaient très bien venir, provoquer un scandale, ou même tout saboter. Mais pour la première fois, ils reprenaient la main, en proposant un autre terrain de confrontation : la musique, leur passion commune.
Une énergie fébrile commença à se propager. Dans les couloirs, on chuchotait sur ce « concert secret » organisé par Jonah et sa bande, sur l’insolence de Lila qui continuait de s’afficher à ses côtés. Certains se montraient curieux, d’autres déjà hostiles, affirmant que le concert serait un fiasco.
Pour Lila et Jonah, la bataille était loin d’être terminée. Mais ils s’apprêtaient désormais à la livrer sur leur propre terrain : la musique, l’expression de leur authenticité. Tandis que le vendredi approchait, l’adrénaline montait dans l’air, et l’ombre de Carter planait encore. Lila le savait : s’ils réussissaient ce coup, rien ne pourrait plus les empêcher d’avancer.
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