CHAPITRE 22 : Dans le Piège

5 minutes de lecture

Jonah et Lila passèrent plusieurs jours à élaborer leur plan. Bien que soulagés d’avoir tenu tête à Carter et d’avoir éclairci, en partie, l’affaire des fausses accusations de vol, ils savaient que ce n’était pas suffisant : il fallait le confronter devant tout le monde.

Les soirées, souvent pluvieuses dans cette Seattle des années 90, ajoutaient une atmosphère électrique à leurs réunions improvisées. Souvent, Lila rejoignait Jonah dans son garage ou l’inverse, accompagnés d’un lecteur de cassettes distillant un fond musical grunge. Une tasse de café froid à la main, ils griffonnaient notes et idées sur un carnet, cherchant la faille dans l’armure de Carter.

Lila était nerveuse. Elle pressentait que cette confrontation publique comportait des risques — Carter était imprévisible, et le lycée bruissait encore de rumeurs. Pourtant, la détermination de Jonah, blessé dans son honneur et prêt à tout pour rétablir la vérité, la contaminait.

Un soir, tard, dans le garage de Lila, une faible lampe éclairait les schémas que Jonah s’évertuait à dessiner. Entre deux riffs griffonnés, on voyait des flèches et des scénarios possibles.

— Le principal point faible de Carter, commença Jonah en levant les yeux vers Lila, c’est son besoin de contrôle.

— Et ? Comment on utilise ça contre lui ? demanda-t-elle, jouant nerveusement avec la anse de sa tasse.

Jonah esquissa un léger sourire :

— On lui donne l’impression qu’il est exposé. Qu’il ne peut plus se cacher derrière son groupe de footballeurs ou sa réputation.

Lila fronça les sourcils, intriguée :

— Exposé comment ?

Jonah posa son stylo, se rapprochant d’elle :

— On organise une confrontation publique, quelque part où il ne peut pas fuir et où tout le monde pourra l’entendre.

Elle hésita :

— Et s’il refuse de parler ?

Jonah haussa les épaules :

— Alors, on le pousse. Avec la vérité.

Ils décidèrent que la confrontation aurait lieu au gymnase après les heures de cours, sachant que Carter et ses amis s’y rendaient souvent pour « s’entraîner » ou discuter. Ryan et Lucas, encore un peu réticents, acceptèrent tout de même de soutenir l’initiative. Leur rôle serait d’attirer quelques élèves curieux au gymnase, pour constituer un public assez nombreux afin que Carter ne puisse minimiser la scène.

La veille de l’opération, Lila se prépara mentalement. Dans sa chambre, entourée de posters de groupes rock et de magazines d’époque (une édition de Rolling Stone consacrée à la scène grunge locale), elle se répétait son texte intérieur : « Je dois le pousser, l’obliger à avouer. » Elle ne put dormir qu’à l’aube, l’excitation et la peur se mélangeant à sa volonté de défendre Jonah.

Le jour J, le gymnase était déserté par les cours officiels, mais une poignée d’élèves, alertés par Ryan et Lucas, traînaient dans les gradins. L’odeur de sol ciré et de vieux équipements flottait dans l’air. Au centre, Carter et ses amis discutaient, ricanaient, shootant dans un ballon de basket.

Lila arriva la première, Jonah sur ses talons, le cœur battant à tout rompre. Leur présence fut aussitôt remarquée : Carter ralentit sa discussion, un sourire narquois se dessinant sur ses lèvres.

— Oh, regardez qui voilà, lança Carter, son ton mielleux. Le couple maudit.

Jonah croisa les bras, soutenant calmement le regard de Carter :

— On veut te parler, Carter.

Carter éclata d’un rire exagéré :

— Moi ? Parler avec vous ? Non merci.

Mais Lila s’avança, se plaçant face à lui, malgré le nœud qui se formait dans son estomac :

— Tu as peur, Carter ?

Un silence surpris tomba. Carter fronça les sourcils.

— Peur ? De quoi ?

Lila posa un regard décidé sur lui :

— Peur qu’on dévoile ce que tu fais. Les accusations contre Jonah, le vandalisme, les rumeurs.

Un murmure parcourut l’assistance, composée d’élèves attirés par la curiosité. Carter, à son tour, perdit son sourire narquois.

— Tu racontes n’importe quoi, lâcha-t-il, plus tendu.

Jonah s’avança aussi, la voix calme mais ferme :

— On sait ce que tu fais, Carter, et pourquoi. Tu veux garder le contrôle, parce que tu as peur de ne plus être au sommet.

Carter serra les poings, mais Lila ne recula pas :

— Si tu es si innocent, pourquoi harcèlerais-tu Jonah, pourquoi avoir essayé de me briser moi, et nous deux ?

Le visage de Carter s’empourpra, il fit un pas vers elle :

— Parce que tu es pathétique, Harper ! Toi et Parker, vous n’êtes rien !

Le gymnase entier retint son souffle, comme si le temps s’était arrêté. Carter se rendit compte trop tard de l’aveu implicite dans sa rage.

— Alors, tu admets que c’est toi, dit Lila, sa voix tranchante, tandis que Jonah se plaçait près d’elle.

Carter, furieux, resta immobile un instant :

— J’ai peut-être fait quelques trucs, mais ça n’a pas d’importance…

Jonah avança d’un pas :

— Au contraire, ça en a. Parce que tu ne peux plus te cacher derrière tes mensonges.

Dans les gradins, certains élèves commençaient à commenter à voix haute, choqués, alors que Carter, humilié, regardait autour de lui, cherchant un soutien qui ne venait pas. Finalement, il quitta le gymnase d’un pas brusque, lançant un dernier regard noir à Jonah.

Le lendemain, l’administration, poussée par les témoignages des élèves présents, ouvrit une enquête. Les accusations contre Jonah furent rapidement abandonnées : plus personne ne pouvait sérieusement l’accuser de vol après la confession, même partielle, de Carter. Ce dernier fut convoqué par le principal et dut répondre de ses actes — pour la première fois, ses privilèges ne semblaient plus le protéger totalement.

Pour Jonah et Lila, ce fut un soulagement de voir la vérité éclater, au moins en partie. Dans les couloirs, ils n’étaient plus traités comme des parias, et certains venaient même les féliciter d’avoir enfin brisé l’emprise de Carter.

Cependant, ils savaient que ce n’était pas fini. Carter, bien que vaincu sur ce front, n’était pas homme à abdiquer facilement. Le soir-même, alors qu’ils étaient assis sur le capot de la voiture de Lila, sur une colline dominant la ville — avec en fond l’éternel ciel gris de Seattle et la radio qui diffusait un morceau de Nirvana —, Jonah rompit le silence :

— Tu sais que ça ne fait que commencer, pas vrai ?

Lila hocha la tête, glissant sa main dans la sienne :

— Oui. Mais on est prêts, répondit-elle, la détermination dans la voix.

Jonah tourna la tête vers elle, un léger sourire triste sur les lèvres :

— Oui, on l’est.

Dans l’air frais du soir, au milieu des lumières lointaines de la ville et des sons grunge sur la radio, ils réalisèrent qu’ils avaient remporté une bataille, mais pas la guerre. Pourtant, unis, ils se sentaient plus forts que jamais pour affronter ce qui les attendait.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire SeraphNightingale ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0