Malgré leur confrontation réussie face à Carter, Lila et Jonah comprirent vite que leurs ennuis n’étaient pas terminés. Si Carter semblait moins agressif en public, son regard froid dans les couloirs laissait présager qu’il n’avait pas tiré un trait sur leur rivalité. Mais, de façon inattendue, les nouvelles menaces ne venaient pas seulement de lui.

Quelques jours après la confrontation au gymnase, alors que Lila vidait son casier après les cours, un papier glissa sur le sol. Elle le ramassa, intriguée de voir que l’écriture n’était pas celle, négligée, des précédents messages de Carter : celle-ci était soignée, presque élégante.

"Vous avez gagné contre lui, mais ce n’est pas terminé. Faites attention à qui vous faites confiance."

Elle regarda autour d’elle, mais le couloir, décoré d’affiches de concerts grunge et de vieux posters de matchs de football, était presque vide. Son esprit s’emballa : Qui avait écrit cela ? Était-ce un avertissement sincère, ou une nouvelle menace masquée ? Les cours finissaient, et déjà, la rumeur du soir s’emparait des couloirs de Franklin High.

Lila rejoignit Jonah près du parking, où il était appuyé contre sa vieille Ford encore marquée de quelques éraflures. La pluie fine typique de Seattle rendait le sol glissant, et Jonah, en chemise de flanelle, semblait soucieux. Voyant le visage inquiet de Lila, il fronça les sourcils.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il, la voix douce.

Sans un mot, Lila lui tendit le papier. Jonah le lut, un pli de colère se dessinant sur son front.

— Ce n’est pas Carter, décréta-t-il après un moment. Ça ne lui ressemble pas.

— Alors qui ? répondit Lila, frustrée. Et que signifie « faites attention à qui vous faites confiance » ?

Jonah resta silencieux, son regard se perdant un instant dans la bruine. Le doute l’envahissait : y avait-il un autre groupe au lycée ? Des parents influents ?

Dès le lendemain, Lila commença à remarquer des comportements étranges autour d’eux. Certains élèves qui les avaient applaudis après le concert se montraient désormais distants, presque suspicieux. Emily, qui s’était rapprochée de Lila, évitait soudain son regard dans les couloirs, comme si elle craignait d’être associée à elle.

À la cafétéria, Lila s’assit à la table habituelle qu’elle partageait avec Jonah. Autour, les discussions semblaient se taire lorsqu’ils arrivaient, remplacées par des murmures en sourdine.

— Ils recommencent, murmura Lila, irritée, croquant dans son sandwich sans grand appétit.

Jonah, en face d’elle, hocha la tête, un brin d’amertume dans la voix :

— Ce n’est pas seulement Carter. Quelqu’un d’autre tire les ficelles, j’en suis sûr.

— Mais qui ? s’énerva-t-elle en triturant nerveusement la anse de son sac.

Jonah posa son propre sandwich, se penchant vers elle :

— C’est ce qu’on doit découvrir.

Cette réponse arriva plus vite que prévu. Le jour même, après les cours, alors que Jonah et Lila se rendaient à leur endroit habituel près du terrain de basket, Chloé les intercepta. Elle portait un sweat trop grand, la capuche relevée, comme pour masquer son visage, et ses bras étaient croisés sur sa poitrine.

— Lila, appela-t-elle doucement, l’air mal à l’aise. Je peux te parler ?

Lila échangea un regard avec Jonah, avant de hocher la tête.

— Qu’est-ce que tu veux, Chloé ?

Chloé hésita, jouant nerveusement avec la sangle de son sac.

— Écoute, je sais que je n’ai pas été super avec toi… mais je pense que tu devrais savoir quelque chose.

— Comme quoi ? demanda Lila, méfiante.

Chloé inspira, baissant les yeux un instant :

— Carter n’a pas agi seul. Il a des… alliés. Des gens qui pensent que toi et Jonah n’avez pas votre place. Et ils sont sérieux dans leur volonté de vous faire partir.

Le visage de Jonah se ferma d’un coup, sa colère refluant sous la surface.

— Qui sont-ils ? rugit-il, le regard plus sombre.

Chloé secoua la tête, l’expression coupable :

— Je ne peux pas dire. Mais je sais qu’ils ne s’arrêteront pas tant qu’ils ne vous auront pas brisés.

Lila sentit une boule se former dans sa gorge.

— Pourquoi tu nous dis ça maintenant ?

Chloé détourna le regard, sa vulnérabilité perçant malgré elle :

— Parce que malgré tout, je ne veux pas que tu sois blessée, Lila.

Puis elle partit, les laissant avec plus de questions que de réponses.

Après le départ de Chloé, Jonah et Lila discutèrent de ce qu’ils venaient d’apprendre. Jonah, toujours méfiant, craignait un double jeu de Chloé. Mais Lila, troublée, sentait que son ancienne amie était sincère — peut-être mue par un reste de loyauté ou d’inquiétude.

Les jours suivants, la tension au lycée devint palpable. Lila surprenait des regards en biais, des conversations s’interrompant dès qu’elle entrait, et Jonah recevait de nouveaux messages anonymes sur son casier : « Tu aurais dû partir quand tu en avais l’occasion. »

Le vendredi soir, alors qu’ils se préparaient à répéter avec Ryan et Lucas dans le garage, une pierre brisa soudainement une fenêtre. Tous restèrent figés. Jonah sortit précipitamment, la rage au ventre, mais la rue était déjà déserte. Sur le trottoir, un mot griffonné sur une feuille : « Ce n’est pas fini. »

Lucas, qui avait suivi Jonah, ramassa la note, la montrant d’un air grave.

— C’est sérieux, mec. Ils ne lâcheront rien, visiblement.

Ryan, resté à l’intérieur, poussa un long soupir :

— Qu’est-ce qu’on fait ? On ne peut pas rester là à attendre qu’ils frappent encore, sans savoir qui c’est exactement.

Jonah serra les poings, les yeux brûlants de colère retenue :

— Non, on va trouver qui ils sont et leur montrer qu’on n’a pas peur.

Ce soir-là, en raccompagnant Lila chez elle sous la fine pluie de Seattle, Jonah lui confia ses doutes : et si Carter n’était qu’un pantin ? et si un groupe plus influent, d’anciens élèves ou parents, se cachait derrière ces menaces ? Lila, la main sur sa flanelle humide, renchérit qu’ils ne pouvaient reculer : « On est allés trop loin pour faire marche arrière. »

Dans le rétroviseur, les lumières de la ville défilaient, tandis que la cassette de rock 90’s tournait dans l’autoradio. Ils savaient désormais que la bataille ne faisait que commencer — et qu’ils auraient peut-être besoin d’alliés plus solides pour affronter l’ennemi inconnu.

Pour Lila, un sentiment de crainte se mêlait à sa détermination : Que cache ce groupe ? Jusqu’où iraient-ils pour les briser ? Mais en regardant Jonah, elle se rappela leur force commune : tant qu’ils resteraient soudés, aucune menace anonyme ne les ferait plier.