La Bête du Bois Perdu (Nina Gorlier)

4 minutes de lecture

Résumé : Sybil n’a qu’une obsession : venger la mort de sa mère en tuant la Bête qui l’a tuée. Pour cela, elle se perd dans une forêt mystérieuse, qui ôte tout souvenir à ses habitants. Sur les traces de l’insaisissable créature, elle y fait des rencontres toutes plus étranges les unes que les autres : une jeune fille amnésique, un nain cupide, un chasseur blessé, une vieille mystérieuse… derrière eux, plane la menace d’une reine maléfique et d’un prince égoïste, enchanté par une mauvaise fée. Comment démêler le rêve de la réalité, et se dépêtrer de ce tissu de sortilèges ? Sybil parviendra-t-elle à accomplir sa vengeance, et, surtout, à sortir un jour de cette forêt ?

Un concept intéressant

J’aime beaucoup l’idée de s’emparer du matériau du conte pour en faire autre chose. C’est ce qui m’a intéressé en premier lieu avec ce livre, que j’avoue avoir acheté parce que le concept mis en avant par la maison d’édition m’interpellait. J’en ai profité pour prendre d’autres livres de cette ME, dont je vous parlerai sans doute plus tard.

L’histoire de la Belle et la Bête, est, comme pour beaucoup de monde, mon conte préféré. Il est classé par les spécialistes dans le thème du « fiancé-animal », un motif récurrent dans presque toutes les sociétés, de la Sibérie à l’Afrique, en passant par l’Asie et l’Amérique. Toutes les histoires appartenant à ce type mettent en scène une jeune fille qui se retrouve malgré elle mariée à une bête, souvent sanguinaire et terrifiante : selon Bettelheim, elle sert d’allégorie au mariage et à la découverte de la sexualité, de cet « autre » qu’est l’homme, qui peut se montrer tour à tour prince ou monstre. Certains ethnologues y voient des résidus de chamanisme, de pacte avec l’autre monde : donner sa fille en mariage à une créature mi-humaine, mi-animale (et donc, surnaturelle) serait un moyen pour les sociétés de chasseurs-cueilleurs de s’assurer un gibier toujours abondant.

Or, ici, ce thème est détourné. L’auteure a délibérément enlevé toute allusion au mariage dans son roman : l’héroïne, comme souvent dans la littérature d’imaginaire dernièrement, est une guerrière qui tire à l’arc et ne s’en laisse pas conter, mais il n’est jamais question, à aucun moment, qu’elle épouse la Bête, ou même qui que ce soit. C’est la première chose qui m’a déçue dans cette réécriture, car, selon moi, selon enlève toute l’essence du conte original. Ici, nous avons plutôt affaire à une histoire d’amitié entre deux femmes, assez jolie, mais absente du matériau originel. À côté de ça entrent en scène des personnages sortis d’autres récits, que vous reconnaîtrez aisément. Ces références et l’idée de croiser plusieurs contes ne m’ont pas dérangé, mais je n’ai pas trouvé qu’elles étaient vraiment nécessaires, même si elles sont habilement amenées et utilisées. Pour moi, la Belle et la Bête est une histoire puissante, qui se suffit à elle-même. J’aurais compris à la rigueur que l’on convoque des équivalents (comme le conte scandinave « à l’est du soleil et à l’ouest de la lune », par exemple, où l’héroïne épouse un ours blanc), mais insérer de nouveaux motifs dans cette trame déjà très riche, en ignorant délibérément le cœur de l’histoire, m’a un peu déçue, car ce n’est pas ce que j’attendais de cette lecture. Je comprends que les intentions de l’auteur étaient justement d'évacuer du récit cette problématique du mariage, mais du coup, je suis moi aussi restée sur le côté. La réflexion sur la création littéraire esquissée en filigrane avec cette convocation de contes divers n'a pas suffi à me convaincre.

Un bel objet … qui manque un peu de finitions

La couverture est très joliment illustrée par Mina M., l’illustratrice attitrée de la maison (dont j’aime beaucoup le travail.) Sorti en 2018, ce roman est, si je ne me trompe pas, l’un des premiers publiés par la ME. Ça se voit un petit peu… j’ai trouvé pas mal de coquilles, que ce soit dans la ponctuation, la mise en page, ou encore l’orthographe ! Rien de bien grave, mais je dois avouer que ça m’a un peu sorti de ma lecture de temps en temps. L’écriture, bien que belle, est parfois un peu maladroite. Elle s’améliore au cours du roman, comme si l’auteure avait fini par trouver son rythme de croisière. Donc, ne vous fiez pas aux vingt premières pages, qui, à mon humble avis, auraient mérité un peu de nettoyage (les dialogues entre les membres de la famille ne sont pas très naturels). Ça démarre lentement, mais une fois que Sybil est dans le bois, on est partis ! On a droit, sur la fin, à de très belles descriptions, très féériques et mélancoliques. On sent que l’auteure est plus à l’aise avec ce type d’univers qu’avec celui, plus prosaïque, de la vie familiale.

Mon verdict

Je n’ai pas vraiment accroché à cette lecture, que j’ai trouvée sympathique, mais un peu longuette et manquant de rythme. On se perd un peu dans la forêt au fil de la lecture, comme l’héroïne, et, comme elle, je suis tombée dans une sorte de torpeur. Il m’a manqué un petit plus, que ce soit dans le fond ou dans la forme. Ce n’est donc pas un coup de cœur, mais cela pourrait l’être pour vous. Je sais qu’il y a des lecteurs allergiques à la romance sous toutes ces formes (en général, ce ne sont pas les amateurs de contes, mais on ne sait jamais) : vous avez donc ici une version expurgée de la Belle et la Bête ! Garantie sans robe blanche ni « et ils eurent beaucoup d’enfants ».

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