The Entity (Frank De Felitta)

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Résumé : Une nuit, Carla Moran, une jeune mère célibataire au passé trouble qui lutte pour s’en sortir, est brutalement attaquée et violée dans sa chambre, alors que ses enfants dorment à côté. L’agresseur est invisible et introuvable, et toutes les issues sont bloquées. Que s’est-il passé ? Carlotta croit d’abord à un mauvais rêve, mais les agressions reprennent, nuit après nuit, de plus en plus violentes et perceptibles… Alors que son existence et celle de ses proches vole en éclats, Carlotta obtient l’aide du psychiatre Gary Sneidermann, puis, celle des jeunes chercheurs en parapsychologie de l’université d’UCLA. Autour d’elle, les luttes se déchainent, chacun remettant en cause le diagnostique de l’autre… mais pour Carlotta, l’entité est bien réelle. Que veut-elle ? Qui est-elle ? Et surtout, Carlotta parviendra-t-elle à se débarrasser de cette chose qui a fait de sa vie un enfer ?

Les amateurs de cinéma fantastique des années 80 reconnaitront sûrement le film éponyme (L’Emprise en français, tourné en 1981 mais sorti en 1983 chez nous) qui, bien qu’ayant beaucoup de bruit à l’époque et reçu un prix au festival d’Avoriaz (l’ancien Gerardmer), est tombé dans les oubliettes du temps. Compréhensible, vu son aspect sulfureux, son sujet sensible et ses scènes de viol insoutenables. C’est le visionnage de ce film très choquant, dont le scénario a été écrit directement par l’auteur du livre, qui m’a donné envie de le découvrir. Je n’ai pas été déçue : il est encore meilleur !

Le livre est lui-même inspiré d’un cas célèbre de poltergeist à mi-chemin entre la catégorie du « viol spectral », la paralysie du sommeil et la possession démoniaque : le cas de Doris Bitter, en 1974, qui fut hantée toute sa vie par une entité violente et rechercha l’aide de deux jeunes chercheurs du laboratoire de Thelma Moss, alors responsable du défunt département de parapsychologie d’UCLA à une époque où on expérimentait le LSD à l’université. Les personnages du docteur Colley, et des doctorants Mehan et Kraft sont directement calqués sur eux, ce qui donne une saveur particulièrement authentique aux querelles académiques et aux personnages universitaires décrits dans le livre. Chaque personnage, ses motivations, ses faiblesses et ses doutes, sont d’ailleurs brossés avec une psychologie très fine. Mais le pivot central reste Carlotta, l’un des protagonistes féminins les plus bouleversants et fascinants que j’ai pu lire, et le couple terrifiant qu’elle forme avec « l’entité ». Bâti sur une assise solide, qui se devine en filigrane sans être explicite, le roman possède un accent de réalité qu’on ne retrouve que dans les biographies, une focale intimiste, où l’horreur lorgne dans les zones d’ombre du quotidien, du passé et du familier. En cela, il fait écho aux histoires de possession bien renseignées en psychiatrie et en ethnologie, sur ces parcours de femmes « choisies » et transformées, obligées de tout quitter pour embrasser la carrière d’intermédiaire entre les mondes, au terme d’un parcours de lutte contre le pouvoir masculin, d’une affirmation de soi qui leur donne le choix entre la rupture radicale ou la dissolution.

Particulièrement intense et marquant, ce roman hante la mémoire bien après la dernière page refermée. Quelle claque ! J’ai fini ce gros pavé de 400 pages, écrit en anglais et en caractères minuscules, en une journée et une soirée. Véritable page turner, il est servi par une écriture simple et efficace, un scénario bien ficelé et une structure intelligente.

Il aborde de manière très subtile différentes thématiques : le viol, bien sûr, dans toute son horreur et sans complaisance, l’inceste, la violence familiale et domestique, les troubles mentaux, mais aussi la capacité de résilience, ou encore le concept de croyance (en la science, la religion, les phénomènes paranormaux, ou, tout simplement, ce qu’on croit être la réalité). Surtout, il nous raconte le destin d’une femme qui tente de s’affranchir des diktats et injonctions patriarcaux, dans un monde où tous les hommes entendent gérer sa vie à sa place (père, fils, amant, ex-conjoints, médecins…), le plus implacable étant, paradoxalement, celui qui va lui donner la clé de sa liberté, d’une manière radicale et ultime.

En posant un regard non manichéen sur ce cas de hantise, ce roman coup de poing soulève des questions dérangeantes sur la psyché humaine et la sexualité féminine, et nous offre une conclusion qui ouvre des portes plus qu’elle ne les referme : au final, chacun repart avec son interprétation du phénomène.

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