Les miracles du bazar Namiya (Higashino Keigo)
Attention, potentiel lacrymal important, niveau manga de Taniguchi ! Attendez d’être seul pour lire ce roman, ou bien préparez-vous à sortir une banalité du style « j’ai un cil dans l’œil » pour justifier le flot de larmes qui ne manquera pas de couler.
Dans une petite ville tranquille de la grande banlieue de Tokyo se trouve un bazar abandonné, ce genre de bâtiments désuets, vestige de la période d’après-guerre, qu’on trouve un peu partout dans l’archipel. Cependant, ce magasin abandonné est le lieu d’une pratique se situant entre le uratsuji (cette vieille pratique de divination de l’Antiquité décrite dans un manga d’horreur de Itô Junji qui consiste à demander à se poster à un coin de rue, le visage caché, et demander conseil au premier qui passe) et les baraques tenues par de vieilles expertes en oracles et divination (très communes au Japon). Les gens éprouvés par des problèmes existentiels (les fameux nayami qui ressemblent tant au nom du bazar) déposent leur question dans une boîte sur la devanture le soir et viennent récupérer la réponse le lendemain à l’aube dans celle de derrière, de manière anonyme. Au moment où le roman commence, le magasin est fermé depuis trente ans, et la pratique s’est perdue. Trois jeunes délinquants s’y réfugient après un cambriolage qui a mal tourné. Mais cette nuit est spéciale, et les lettres demandant conseil commencent à arriver… je n’en dirais pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir de découvrir ce roman.
Si je devais expliquer la notion de lien karmique à des néophytes, j’utiliserais sans doute ce livre. Dans cette histoire, toutes les existences dont on suit les itinéraires sont liées entre elles. Ce lien, c’est le fameux bazar Namiya bien sûr, mais pas seulement…
Il y a une grande sensibilité dans ce roman, qui peut étonner de la part d’un auteur comme Higashino Keigo, plus connu pour ses thrillers taillés au cordeau que les contes humanistes comme ces Miracles. J’avais déjà lu un livre de lui et je n’avais pas accroché, le trouvant trop froid, presque chirurgical. C’est tout le contraire avec ce roman, un genre de bonbon qui vous fait voir la vie d’une autre façon. Il m’a donné envie de redécouvrir cet auteur. La narration est simple, la traduction correcte, mais sans plus, et le seul effet marquant réside dans la construction mathématique du livre (plus d’un auteur s’y serait perdu!), avec ses nombreux allers-retours dans le temps. Mais la magie fonctionne. On ressort de là émerveillé, avec l’impression d’avoir reçu, l’air de rien, une leçon de vie de la part du vieux Namiya. C’est le genre de livre que j’ai envie de distribuer autour de moi, pour rappeler à tous que nous sommes une communauté de destins, et non pas une somme de petites individualités égotistes, isolées sur un océan.
Ce roman, vous l’aurez compris, est un véritable coup de cœur. Je le conseille vraiment à tout le monde, de 7 à 77 ans, que vous soyez amateurs de littérature japonaise ou allergique. Le message contenu dans ce livre a une portée universelle qui peut parler à tous, un peu à la manière de l’Alchimiste de Coelho, mais sans le contenu spiritualisant. Poussez la porte du bazar Namiya, vous ne le regretterez pas !
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