Les 7 vies de Léo Belami (Nataël Trapp)
Robert Laffont collection R/Versilio.
365 pages.
Résumé : 2018, Valmy-sur-lac. Une semaine avant le bal du lycée, le jeune Léo, dix-sept ans, se réveille un jour sur deux dans la peau d’un ou d’une inconnu(e) qui avait son âge en 1988… toujours une personne différente. Ces allers-retours dans le temps et dans les corps lui permettront-ils d’empêcher le terrible fait divers qui s’est déroulé au lycée 30 ans auparavant ?
Quand Donnie Darko rencontre Stranger Things
Ce n’est pas trop mon type de lecture d’habitude, mais j’ai vraiment passé un excellent moment en lisant ce livre ! Ça se lit tout seul, c’est léger et l’histoire est suffisamment mystérieuse pour qu’on ait envie de tourner les pages jusqu’à la fin. Les mini-intrigues au lycée, avec les élèves populaires et impopulaires, contribuent à l’aspect ludique de ce roman. Je remercie au passage Babelio et les éditions Robert Laffont pour l’envoi de ce roman que j’ai lu avec grand plaisir.
Ce que j’ai aimé :
- le côté addictif de l’histoire. On a vraiment envie d’en savoir plus. Pas tellement pour le dénouement (j’ai deviné qui était le tueur aux 3/4 du bouquin), mais pour la résolution des petites intrigues de cour de récré. Le bizut parviendra-t-il à prendre sa revanche ? Les anciennes meilleures amies vont-elles se rabibocher ? La peste va-t-elle s’excuser, etc.
- le décor : une petite ville à une heure de Paris, mais qui aurait pu tout aussi bien se situer aux États-Unis (vous connaissez beaucoup de lycées français qui, dans les années 80, organisaient des bals en costume et robe de soirée, ou fournissaient des « annuaires photographiques de la promo « ?). L’équilibre entre un flou artistique qui rend les choses exotiques au lecteur (surtout le public jeunesse, allergique au naturalisme littéraire) et de solides repères spatio-temporels est vraiment bien maîtrisé.
- la qualité résolument sympathique du narrateur/protagoniste. Il peut paraître un peu énervant au début à cause de la première personne (impossible d’y échapper avec ce type de narration), mais on s’attache rapidement à ce Léo. Alors ok, c’est un ado tout ce qu’il y a de plus banal, ni très beau, ni très intelligent, qui se décrit lui-même comme sans but dans la vie et qui a un peu tendance à nous imposer ses jugements de valeur (« elle avait tout pour elle : belle, mince... ») et son validisme par moments (comme lorsqu’il empoigne de force le fauteuil de son meilleur pote ou déclare ne pas partir en vacances pour « s’occuper » de lui), mais au fond, c’est un bon gars. D’ailleurs c’était bien pour une fois d’avoir un petit gars aux commandes, c’est rafraichissant !
- la scène de fin, vraiment jouissive et « empouvoirante », à la Russ Meyer. Je ne vous en dis pas plus pour ne pas spoiler, mais c’était du pur plaisir ! Il faudrait plus de scènes comme ça quand on traite de sujets de ce genre (oui, je suis mystérieuse, je sais).
- la petite réflexion philosophique en filigrane, sur la liberté, le libre arbitre et la responsabilité qui est traitée simplement, mais de manière vraiment intéressante. Des notions super importantes aujourd’hui… d’ailleurs, le roman en aborde plein d’autres : le bizutage, la grossophobie, les apparences (trompeuses), le handicap, le sexisme et l’homosexualité, entre autres… de façon plutôt fine, sans avoir l’air de nous donner de leçon. Je trouve que, pour cela, ce livre est vraiment adapté à un public jeunesse. Un petit extrait (p. 256) : « Comme si la vie était une loterie et que le peu de liberté dont nous disposions consistait à utiliser au mieux ce que nous avons reçu en partage. Une situation financière. Un héritage culturel. Un corps plus ou moins en phase avec les canons de beauté de l’époque. »
Ce que j’ai moins aimé :
- le côté très caricatural des seconds couteaux. On a toute la galerie des figurants de ce type de roman : le meilleur ami cochant les cases des minorités (« arabe et handicapé ») qui sert un peu de faire-valoir au héros, la Loana de service, la fille « pas comme les autres », les « geeks » à lunettes, les bizuts, les beaux gosses qui oppressent les premiers… l’avantage, c’est que ces catégories rapidement identifiables parlent aux « djeuns ».
- le « name dropping » un peu trop constant. C’est cool les références pop culture pour faciliter l’immersion dans les années 80, mais j’ai l’impression que, depuis Stranger Things, on en abuse un peu. Avec plus de cinq références par page en moyenne, on frise l’overdose ! Heureusement, l’une d’elles (la plus importante) a une réelle utilité, que vous n’apprendrez qu’à la fin du bouquin.
- encore une fois, le formatage éditorial tellement taillé au cordeau que j’ai découvert le pot aux roses à environ 65 % du roman. Aucune information n’est anodine dans un roman digne de ce nom… une toute petite goutte de chaos ne ferait pas de mal à ces nouveaux romans YA !
Bilan
Un livre jeunesse qui se lit tout seul, sans romance au premier plan, avec un protagoniste masculin (même s’il est remplacé par une fille dans la version TV qui en a été tirée) et une idée plutôt sympa (même si elle est loin d’être originale). Si je connaissais un ado à qui faire un cadeau, je lui offrirais ce livre. Pour les adultes qui se rappellent encore leur jeunesse, c’est sympa aussi !
Pour aller plus loin :
Ceux qui ont aimé ce livre se régaleront avec sa version trash : Vertèbres de Morgane Caussarieu. Un autre voyage à cette époque qui rend tout le monde si nostalgique, mais avec un peu plus d’hémoglobine...
Annotations
Versions