4) méfiez-vous de l'eau qui dort
Dans les trois séries The Haunting, l’eau est omniprésente. Sous la forme d’un lac menaçant dans Bly Manor, sous celle de la pluie qui tombe continuellement dans Hill House, et sous celle de la mer qui isole l’île dans Midnight Mass. On trouve aussi des clins d’œil à des œuvres marquantes du genre, comme Ring, avec le puits servant de tombeau à Sadako, et, bien sûr, la dame qui sort de l’étang chaque nuit et y noie les malheureux qui croisent sa route. Pourquoi cette insistance sur l’eau dans les histoires de fantômes vengeurs, notamment féminins ?
À l’image du miroir, l’eau sert d’interface entre ce monde et l’autre. La mer a longtemps été considérée comme abritant des créatures monstrueuses et antédiluviennes. Quant aux lacs, en dépit de leur immobilité, on les pensait peuplés de fées, des êtres malveillants qui punissent les hommes pour la moindre faute. Sous l’eau se trouvaient des palais merveilleux, dans lesquels elles emportaient les égarés. Dans la montagne noire occitane, la fée Saurimonde, fille du diable, se baignait tous les jours dans une cascade, se mirant dans la rivière à ses pieds. Et qui ne connaît pas Mélusine à la queue d’animal aquatique, surprise au bain ? Les paysans de la Gaume belge – une région traversée par les rivières et les étangs – pensaient que, les jours d’orage, les fées et les sorcières (qui sont sœurs, ou en tout cas semblables en diablerie) sortaient danser, nues sous la pluie. Malheur à qui les voyait ! En Bretagne, les lavoirs étaient investis par les terrifiantes « lavandières de nuit », qui tordaient le cou et noyaient les voyageurs curieux. Dans le monde slave, ce sont les roussalki qui noyaient les jeunes hommes, dans les îles Shetland, les selkie à peau de phoque… encore, toujours des esprits féminins.
En Asie, l’eau (en particulier si elle est stagnante) est un élément yin, qui se rapporte au froid, au féminin, au sombre, à la mort. Au Japon, elle sert de moyen de transport aux âmes qui reviennent chaque année dans le monde des vivants pour la fête des Morts : à Kyôto, les habitants des quartiers les plus traditionnels se rendent au temple et se penchent sur un puits en appelant les défunts. À la fin des trois jours de festivités, ils les raccompagnent en mettant à l’eau de petites barques, qui sont censées parvenir jusqu’à la mer, vers l’autre monde, le toyoko, ou nirai kanai… et pour les gens des côtes, ce pays des morts se trouvait sous la mer. « Sous la planche, l’enfer », dit un proverbe de pêcheur. Parfois, en allant ramasser des ormeaux au fond de l’eau, les plongeuses apercevaient leur double maléfique, une femme aux longs cheveux et aux seins nus qui les entrainaient par le fond… que des femmes, bien entendu !
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