Chapitre 10
~ POINT DE VUE MATT ~
J’appuie sur la blessure aussi fort que je le peux, pour éviter que Mickaël Martin ne perde trop de sang. Stéph conduit aussi vite que possible. Il a mis en route la sirène et tous les automobilistes serrent à droite pour laisser passer la voiture qui avance comme folle. Je le vois tenter tant bien que mal d’attraper son téléphone pour avertir l’hôpital. Stéph met plusieurs minutes avant de pouvoir sortir son téléphone de sa poche, puis compose le numéro d’appel.
~ POINT DE VUE STEPH ~
— Commandant Camelin, j’arrive avec un blessé par balle, touché sur l’abdomen.
— Entendu. Une équipe médicale vous attendra à l’entrée des urgences, me répond la secrétaire.
Je raccroche aussitôt et appuie de nouveau sur l’accélérateur. Je roule tellement vite que Matt se croit sur des montagnes russes. Je l’entends pester même s’il ne parle pas fort. Je crois l’entendre soupirer de soulagement lorsque j’arrête le moteur et que les médecins ouvrent la portière arrière de la voiture. Matt les aide de son mieux. Quand Mickaël est enfin installé sur le brancard, un des médecins demande à Matt de laisser ses mains sur la blessure de Mickaël. Ils l’emmènent dans un bloc opératoire afin de lui ôter la balle qui s’est logée dans son bas ventre. Matt ne peut pas entrer dans le bloc et il reste avec une aide-soignante qui lui indique un endroit pour qu’il puisse se laver les mains. Je l’attends pas très loin et je suis toujours aussi inquiet, je commence à avoir peur, car cette affaire commence à prendre des tournures que nous n’avons pas prises en compte.
Quant à Matt, le sang sur ses mains a disparu. Lui aussi a peur, mais ce n’est pas pour les mêmes raisons. C’est la première fois qu’il participe à un échange de balle.
— Tu vas repartir au bureau. Il faut découvrir ce que valent les chiffres que Bell nous a donnés, lui dis-je.
— Et toi, qu’est-ce que tu vas faire ? me demande Matt.
— Je vais rester ici pour surveiller l’état de Martin. On se tient au courant, de toute façon.
Matt s’apprête à partir lorsque je le retiens par le bras.
— Fais très attention. Prends les chemins que je t’ai indiqué la dernière fois. Et merci de m’avoir sauvé la vie.
— Y a pas de quoi.
Je le lâche et il peut partir. Je me passe la main dans les cheveux, en me demandant ce que je pouvais faire. Je fais des allers-retours dans le couloir et réfléchis. Je finis par me décider et prends la direction de la chambre de Nicole. Quand j’arrive devant la porte fermée, je vois qu’elle n’est pas à l’intérieur. Je m’assois sur une des chaises à côté et j’attends qu’elle arrive. J’espère qu’elle n’a rien de grave à me dire mais si j’en juge à son ton, je dirais que je vais en baver.
~ POINT DE VUE NICOLE ~
Pierre est venu me rendre visite et m’a emmenée dans la salle de rééducation de l’hôpital. Pierre, c’est le coach sportif du commissariat et il est un très vieil ami de mon père. Il lui a enseigné les arts martiaux, puis à David et à moi. Le fait d’avoir continué les arts martiaux à mon entrée au commissariat est très important pour moi. Pierre a eu l’idée de constituer une équipe masculine et féminine dans le commissariat. Au départ, personne n’était emballé, mais petit à petit, ils ont commencé à venir et à s’y intéresser. Avec les membres des autres commissariats de la ville, Pierre a réussi à constituer de très bonnes équipes.
Chaque année, il nous inscrit aux grandes compétitions, mais comme à chaque fois, nous chutons en demi-finale contre les mêmes personnes.
C’est pour cela qu’il est venu me voir aujourd’hui : pour me faire gagner en souplesse et m’apprendre les techniques et gestes de très haut niveau. Mais il est au courant de mon état de santé, et par conséquent, je n’ai pas eu la chance d’essayer ce qu’il m’a montré. Le cours a duré une grande partie de la matinée et m’a grandement changé les idées.
À la fin du cours, il insiste pour me raccompagner avec Éric. Arrivés devant la porte de la chambre, nous voyons Stéph couvert de boue, assis et pensif.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? lui demandais-je.
Stéph lève la tête et essaie de sourire, mais sans succès.
— Course-poursuite et … elle a mal tourné.
— Mal tourné dans quel sens ?
— Notre fugitif est au bloc opératoire.
— Qu’est-ce qui s’est passé ?
— Fusillade au moment où on allait partir avec notre suspect. Bon, qu’est-ce que tu voulais me dire de si important ?
Je ne sais pas trop comment va se passer cette conversation mais il faut crever l’abcès.
— Viens avec moi.
Il se lève et entre dans la chambre pendant que Pierre part et qu’Éric prend son poste.
— Bon voilà, je ne vais pas y aller par quatre chemins … Je sais que tu t’es remis à boire. Si tu as envie de te détruire, ça te regarde, mais si ça empiète sur Natasha et Evan, ça me regarde.
— Et en quoi ?
— Je suis leur marraine, j’ai un rôle à jouer avec eux et elle est très inquiète pour toi.
— Elle ne devrait pas s’en faire. Tout baigne.
— Tout baigne ? Eh bien, tout ne va pas bien. Si tout allait bien, tu ne picolerais pas autant et pas depuis aussi longtemps.
— Est-ce que je sens l’alcool là maintenant ? Non, donc arrête de me prendre la tête.
— Je sais que tu as recommencé depuis notre mission à Bordeaux.
— Bravo, tu as marqué un point, me répond-t-il, avec ironie.
— Arrête de faire ton malin. Qu’est-ce qui se passe ?
Je sais ce qui se passe mais j’ai besoin qu’il le dise lui-même mais il s’obstine dans son mutisme jusqu’à ce que je m’assois sur le lit en tailleur.
— C’est à cause de toi et tu le sais très bien.
— Attends, je ne t’ai rien laissé espérer. J’ai toujours été très claire.
— Quand tu m’as embrassé aussi tu as été claire ?
— Nan mais Stéph, on était sous couverture … je savais bien qu’on n’aurait jamais dû s’y coller tous les deux.
— Pourquoi ?
— Tu as vu comment tu compliques les choses ? Un simple baiser t’a complètement transformé.
— Celui-ci était de trop.
— Nous y voilà. Il faut que tu...
— N’y compte pas. Je ne peux pas faire une croix sur ce que j’éprouve pour toi comme ça.
— Nous deux, c’est une histoire terminée il y a longtemps. Il faut que tu passes à autre chose.
— JE NE PEUX PAS FAIRE CA, crie-t-il.
Je vois qu’Éric se retourne aussitôt. Je lui fais signe de la main pour lui dire que tout allait bien.
— Tu baisses d’un ton.
Son regard change d’un coup. Je décide de lui montrer qu’il ne me fait pas peur.
— Écoute, soit tu te fais soigner, soit c’est moi qui m’en mêle, lui dis-je.
— Te mêler de la vie des autres, c’est ce que tu sais faire de mieux.
— Pourquoi tu es désagréable comme ça ?
— Tu ne voulais pas d’enfant, et maintenant...
— On avait dix-sept ans.
— Oh non, ce n’est pas l’âge qui te dérangeait à l’époque. C’est le fait d’en avoir avec moi, c’est ça ?
— Pas du tout.
— Je te préviens, je ne lâcherai pas cette affaire comme ça. Je me battrai pour te récupérer.
Je me rapproche de lui, suffisamment près pour qu’il baisse son regard vers moi.
— Je te préviens que si tu mets mon couple en morceaux, je te réduirai en miettes. C’est clair ?
— On verra qui de nous deux sera à la hauteur.
Ok … je ne peux pas le raisonner quand il est dans cet état. Seule Sarah pouvait le faire et elle n’est plus là pour ça alors je vais jouer à son propre jeu.
— Si tu penses que souffrir est ta meilleure solution, continue comme ça, lui répondis-je, en souriant.
Il me regarde une dernière fois, puis sort. Il est très en colère. Dans cet état, il est capable du pire.
~ POINT DE VUE STEPH ~
Je retourne devant le bloc encore énervé de ma conversation avec Nicole. Mais de quoi elle se mêle encore. Au moins maintenant elle est au courant.
J’attends qu’un des médecins vienne me donner des nouvelles. Je reste devant cette porte durant près d’une heure quand le docteur Cruz sort enfin du bloc.
Il enlève son masque et je me précipite vers lui.
— Alors, comment va-t-il ? lui demandais-je.
— Il a fait une hémorragie, mais nous avons pu la stopper. Nous avons gardé la balle, au cas où vous en auriez besoin.
— Est-ce qu’il est en état de répondre à mes questions ?
— Je pense que d’ici deux ou trois jours, il en sera capable, mais pas maintenant.
— Ça vous dérangerait si je faisais mettre un autre Marshall devant une de vos chambres ?
— Vous savez, depuis que je travaille ici, j’en ai vues des vertes et des pas mûres. Alors, un Marshall de plus ou de moins, ça m’est égal.
— Vous, vous avez travaillé avec Mark. C’est ça ?
Il ne me répond pas ouvertement, mais le sourire qu’il vient de faire signifie que oui. En même temps, qui n’a pas travaillé avec Mark ?
— Où est-ce que je pourrais récupérer la balle ?
— Là voici.
Je récupère le sachet en plastique dans lequel est la balle.
Le docteur Cruz entre à nouveau dans la salle de bloc et sort de l’hôpital pour passer un coup de fil.
— Bureau du Commandant Camelin.
— Oui, Matt, c’est moi. Tu pourrais me trouver le numéro de téléphone du bureau des Marshall ?
— Aucun problème.
— Dès que tu l’as, tu me rejoins à l’hôpital.
— Comme tu veux.
Je raccroche et mets le sachet dans ma poche.
Je demande à rester avec Mickaël Martin et le médecin m’y autorise. J’y attends Matt, assis dans une des chaises qu’il y a dans la salle de réveil.
Matt se pointe au bout d’une demi-heure avec le numéro de téléphone.
— Comment il va ? me demande Matt, inquiet.
— Ses constantes sont normales. On pourra le questionner dans deux ou trois jours.
— Tant mieux. J’ai demandé à Greg de chercher la personne qui rendait visite à Cook.
— Qu’est-ce qu’il a trouvé ? questionnais-je.
— Pour l’instant, on a juste un nom. Léonard Grey.
Ce nom me dit quelque chose mais impossible de me rappeler où je l’ai déjà entendu.
— Et pour les chiffres ? questionnais-je.
— J’ai plusieurs hypothèses à ce sujet. J’ai pensé à des coordonnées géographiques, à des dates, des codes et à d’autres choses.
— Tu en es où ?
— Quand tu as appelé, j’étais en train de potasser des bouquins pour y voir un peu plus clair.
Je sors le sachet de ma poche et le montre à Matt.
— C’est la balle qui a atterri dans son bas ventre. Il faudrait que tu la fasses analyser.
Je lui donne le sachet.
— Je vous tiens au courant dès que j’ai du nouveau.
~ POINT DE VUE MATT ~
Je reste encore quelques secondes puis sors. Avant de retourner au bureau, je fais un détour pour aller voir Nicole. Quand j’arrive, Éric est avec elle, en train de manger. J’ouvre la porte et entre. Éric est pris par surprise et sort son arme.
— Range ça, c’est un collègue, dit-elle à Éric.
— Vous auriez pu frapper.
— Désolé, je ne savais pas que vous seriez là.
— Alors, comment tu vas ? me demande-t-elle, la bouche pleine de salade.
— Plutôt bien.
— Et pour la fusillade ? Tu t’en es remis ?
— Pour l’instant, ça va. C’est Stéph qui vous a mise au courant ?
— Il était couvert de boue, alors il n’a pas vraiment eu le choix.
— Vous savez pourquoi il est de mauvaise humeur, alors ? lui demandais-je.
Elle échange un regard avec Éric puis me répond.
— On s’est disputé.
— À propos de quoi ?
— Ça, c’est personnel.
— C’est juste que ça fait un moment qu’il est comme ça et...
— Ça va lui passer, ne t’inquiète pas.
— J’espère.
— Vous avez du nouveau ? me demande-t-elle.
— Peut-être.
— Peut-être n’est pas une réponse, Matt. Alors accouche.
— Nous avons le nom d’une personne qui rendait visite à Cook et il avait une photo de vous dans ses affaires.
— Une photo de moi ?
— Derrière cette photo, il avait écrit des chiffres.
— Quels chiffres ?
— Je cherche toujours à quoi ils correspondent.
— Tu me passes un coup de téléphone quand tu as trouvé.
— Mais...
— Je ne veux pas savoir.
— Ah oui, je voulais vous dire autre chose. Le coup avec le pied que vous m’avez appris, vous vous souvenez ?
— Oui.
— J’ai eu l’occasion de le faire aujourd’hui. Ça a fonctionné.
— Bien sûr que ça fonctionne. Si ce n’était pas le cas, à quoi ça m’aurait servi de te le montrer ?
— Vu comme ça ... Bon je ne vais pas vous importuner plus longtemps, je vais y aller.
Je sors au pas de course et prends la route du commissariat. Quand j’arrive au bureau, je me mets au travail de suite. Je ressors la liste de chiffres et continue à chercher pour trouver la réponse. Je passe deux bonnes heures à chercher dans les idées que j’avais eues, mais je n’avais pas obtenu les résultats escomptés. Alors que je sens le désespoir entrer en moi, une autre idée me vient à l’esprit. Et si ces chiffres étaient des coordonnées géographiques ? Je me lève de ma chaise et vais au bureau de Stéph pour utiliser son ordinateur. Il est plus sophistiqué, pourquoi je me priverai. Il utilise certains logiciels que personne d’autres n’utilise ici.
Seulement, pour entrer dans sa session, je dois trouver le mot de passe. Qu’est-ce que ça pourrait être ? Pour essayer de le trouver, je me mets à fouiller dans le bureau de Stéph, dans tous les tiroirs, lorsque je tombe sur une photo.
Je la prends et la sors du tiroir pour la regarder de plus près. Je n’en crois pas mes yeux.
— Pourquoi il a une photo comme ça dans son bureau ? me demandais-je.
Cette photo date de plus de dix-sept ans, mais ils sont parfaitement reconnaissables. À cet instant, je suis traversé par un éclair. Je viens de comprendre quelque chose au sujet du comportement actuel de Stéph.
Je reviens à la réalité et tape un mot de passe au hasard. Je suis inspiré par la photo et mon intuition est la bonne, car une nouvelle fenêtre apparaît.
Je clique sur le logiciel dont j’ai besoin et entre les données. En quelques minutes, j’ai enfin la confirmation que mon idée est peut-être la bonne. J’ai obtenu des points géographiques qui donnent sur des lieux précis. J’imprime mon résultat et cours dans le bureau qu’occupe Mark pour lui faire part de ma découverte. J’ai couru si vite, qu’à mon entrée, je fais un dérapage pour m’arrêter.
— Qu’est-ce qui me vaut l’honneur de ta bonne humeur Bennett ? questionne Mark.
— Je crois que je tiens une piste. Une très bonne, même.
— Je t’écoute, me dit-il, en levant le nez de ces dossiers.
— Alors voilà. Durant l’interrogatoire de Bell, il nous a donné des chiffres auxquels il n’avait pas prêté attention, mais j’ai quand même voulu vérifier. J’avais beaucoup d’idées à ce sujet, mais j’ai fait chou blanc. Après réflexion, j’ai pensé que ça pouvait être des coordonnées géographiques. Et j’avais raison.
— À quoi correspondent-elles ?
— Ceci, lui répondis-je, en lui donnant la feuille des résultats.
Mark l’examine et se rend compte d’une chose. Tous les chiffres forment différents lieux. J’avais trouvé trois endroits précis et qui semblent frapper Mark.
— Il y a un problème ? demandais-je.
— Oui. Ton travail est parfait, mais ce que tu as trouvé me pose un très gros problème.
— Pourquoi ?
— Parce que ces trois endroits sont des planques qui font partie de la mise en place des protections des témoins.
— Qui aurait pu le mettre au courant de ça ?
— Beaucoup de personnes auraient pu, mais ça nous prendrait trop de temps de faire une enquête interne.
— Qu’est-ce qu’on peut faire alors ?
— J’ai quelques amis qui me doivent des services, alors je vais m’en servir maintenant.
J’attends que Mark ait fini de me parler pour sortir du bureau et retourne au mien. À peine j’ai fermé la porte que les collègues me tombent dessus.
— Qu’est-ce que tu as trouvé ? me demande Greg.
— Du lourd. Du très, très lourd.
Je les regarde tous un par un, puis décide d’être honnête avec eux.
— Il y a une taupe qui travaille avec nous.
— Une taupe ? s’étonne un collègue.
— C’est ce que Monsieur Bernard pense. Et je crois qu’il a raison.
À cet instant, la porte du bureau de Laurent s’ouvre à la volée et les conversations s’interrompent. Mark passe devant moi en me faisant signe de la main.
— Ça veut dire que tu dois aller avec lui, me dit Greg.
Je ne me le laisse pas dire ça deux fois et je rejoins Mark dehors puis nous montons en voiture.
— Où va-t-on ? questionnais-je.
— Vérifier quelque chose.
Nous ne parlons plus du voyage. Mark est très inquiet, ça se voit à son visage. Il a la même ride que Nicole quand elle est contrariée. Nous n’avons pas la moindre idée de la personne qui nous trahit, mais nous finirons par la trouver.
Nous arrivons à la première adresse. Rien de grave ne semble s’être passé. Mark me demande de faire le tour pour vérifier les alentours.
Je fais ce qu’il vient de me demander, mais tout est normal. Il n’y a rien à signaler. J’entre dans la cuisine par la porte de derrière et rencontre Mark.
— R.A.S., lui dis-je.
Mark me fait signe de la main et nous allons voir à l’étage. Là-haut non plus, il n’y a rien.
Nous sommes rassurés durant un instant, car nous devons aller vérifier les autres adresses.
Nous remontons donc en voiture. Mark reprend le volant et prend le chemin qui mène à la seconde adresse. Là aussi, tout est parfaitement calme. Il n’y a personne.
Tout ceci est très bizarre. Pourquoi Chris a-t-il ces adresses ? Qu’a-t-il l’intention de faire ?
Je suis sûr et certain que Mark se pose également ce genre de questions pendant que nous montons de nouveau en voiture et que nous roulons. Il prend un nouvel itinéraire pour se rendre à la troisième adresse. Quand nous arrivons devant le portail, Mark sort les clefs, appuie sur un bouton et le portail s’ouvre.
— Comment vous... commençais-je, avant de rencontrer le fameux regard bleu perçant.
~ POINT DE VUE MARK ~
J’attends que le portail soit complètement ouvert et nous franchissons l’entrée sous les regards des hommes postés aux alentours. Une fois garés, nous sortons de la voiture pendant que deux des hommes planqués autour de la propriété avancent vers nous, leur arme sortie.
Au fur et à mesure qu’ils se rapprochent, ils semblent enfin me reconnaître. Ils rangent leur arme et nous rejoignent.
— Il vaudrait mieux que vous nous appeliez la prochaine fois, me dit Christian.
— Je n’ai pas eu le temps. Il y avait urgence.
— Pourquoi ? Il y a un problème ?
— On a découvert que Chris possédait trois adresses qu’utilisent les Marshall pour leur programme de protection des témoins, dit Matt.
— C’est la troisième adresse, celle-là. Personne n’est venu ou ne circulait bizarrement ? demandais-je.
— Non. Mais nous ferons plus attention à partir de maintenant.
J’ouvre la porte d’entrée et nous entrons tous les trois pendant que le second homme reste dehors à surveiller.
Nous allons dans le salon où sont David, Erika et Shana. Quand elle me voit, Shana se lève du canapé et court vers moi en criant :
— Papy.
— Tu vas bien, mon poussin ? lui demandais-je en la prenant dans mes bras.
Elle hoche la tête en disant oui. Son regard se porte aussitôt sur Matt qui essaie de se faire discret. Elle ne le lâche pas des yeux.
— Qu’est-ce qui se passe ? questionne David, inquiet.
Je remets Shana par terre et lui réponds.
— On a un petit problème.
— Shana, tu peux aller avec le monsieur, on doit discuter avec papy, dit Erika à sa fille.
Apparemment, elle n’avait pas entendu, subjuguée par Matt qui lui prend la main et l’amène en dehors du salon. Il lui demande de lui faire visiter toutes les pièces de la maison afin de nous permettre de discuter en toute tranquillité.
— Chris avait et a toujours un complice qui apparemment travaille pour nous.
— Comment ça, apparemment ? demande Erika.
— Il lui a fourni trois adresses dont une dans laquelle vous êtes. Ces trois adresses font partie du programme de protection des témoins.
— Il sait où nous sommes, alors ? questionne David.
— Peut-être que oui, peut-être que non.
— Papa, je sais comment ça fonctionne. Si ça se trouve, il a des hommes planqués autour de la villa.
— Il n’y a personne, j’ai vérifié.
— Tout va bien alors, si tu as regardé, me lance mon fils.
— Calme-toi. Ça ne sert à rien de t’énerver, lui dit Erika, en lui mettant sa main sur l’épaule.
— Je t’avais dit qu’il nous retrouverait.
— Ce n’est pas encore le cas. S’il touche à un de vos cheveux, je le tue. Je peux te l’assurer.
En les regardant, je les vois très inquiets.
— Vous pouvez me faire confiance, je n’ai jamais perdu quelqu’un sous protection durant toute ma carrière.
Ce que je viens de leur dire les a quelque peu rassurés, mais sans plus. Je m’approche de mon fils et de ma belle-fille puis les serre dans mes bras.
~ POINT DE VUE MATT ~
Pendant ce temps, Shana m’a fait visiter toutes les pièces de la maison sans me lâcher la main. Elle m’a ensuite amené dans sa chambre. Une vraie chambre de princesse. Quand Mark arrive dans la chambre, il nous trouve en train de jouer à la poupée. Et bien entendu je suis déguisé de la tête aux pieds et il esquisse un sourire qui en dit long.
— Tu peux m’attendre dans la voiture, s’il te plaît ? me demande Mark.
— Bien sûr, lui répondis-je, en rendant la poupée à Shana et en enlevant mon déguisement.
Je me relève et sors. Je vais attendre Mark dans la voiture. Voilà comment perdre toute crédibilité auprès de son patron. Quoi que … heureusement que ce n’était pas Nicole parce qu’elle ne serait pas gênée de rigoler devant moi.
~ POINT DE VUE MARK ~
J’ai congédié Matt de la pièce, il m’a fait rire dans son déguisement. Je veux passer un peu de temps avec Shana avant de repartir sur le terrain. C’est qu’elle me rappelle Nicole au même âge. Je reste avec elle durant un bon quart d’heure avant de redescendre. Matt commence à fermer les yeux quand j’arrive à la voiture.
— Ce n’est pas l’heure de dormir.
— Je ne dormais pas. Je faisais juste un peu de relaxation, me répond Matt, en mettant sa ceinture.
— De la relaxation ?
— Vous devriez essayer de temps en temps.
Matt croise mon regard et ajoute :
— Je vous montrerai un de ces jours.
En guise de réponse, je mets en route la voiture et esquisse un sourire. Après avoir discuté entre nous, nous décidons de retourner au commissariat.
Quand nous arrivons, Greg travaille toujours sur l’identité du mystérieux inconnu. Il n’a toujours rien trouvé.
~ POINT DE VUE MATT ~
— Tu as un résultat ? lui demandais-je.
— Pas encore. Cette personne est un fantôme.
— Rien de rien ?
— Ce n’est pas vraiment du concret.
— C’est-à-dire ?
— Je n’ai rien trouvé qui ne remonte à plus de dix-sept ans.
— Ce n’est pas normal.
Je rejoins Greg à son bureau et regarde l’écran.
— En fait, j’ai repensé à ce que tu as dit tout à l’heure et ça pourrait coller, me dit Greg.
— Tu crois ?
— Nous savons qu’il y a une taupe parmi nous et l’histoire de ce type est assez courte.
— La question maintenant est de savoir qui et pourquoi ?
— Il va falloir éplucher les dossiers pour avoir une chance de trouver.
— Ça nous prendrait trop de temps. Et nous n’avons pas de temps à perdre, lance Mark, qui était venu dans les bureaux centraux.
— Oui, mais qui nous dit qu’il n’est pas déjà entré en contact avec Matthews et les autres ? questionnais-je.
— Si c’était le cas, nous aurions retrouvé deux corps, nous répond Mark.
Le silence vient s’installer entre nous durant de longues minutes. Je me redress d’un coup. Je viens d’avoir une autre idée.
— Lorsque Stéph et moi, nous avons interrogé les trois prisonniers, j’ai remarqué quelque chose, mais sur le coup... je n’y ai pas vraiment prêté attention.
— Bennett, accouche. On n’a pas le temps, me dit Mark, impatient.
— La vidéo surveillance. Il faut que je demande un mandat.
— Vas-y tout de suite. Tu as carte blanche, me lance Mark.
Je suis devenu très réactif et cours à mon bureau pour appeler le procureur. Je vois Mark retourner à son bureau. Je reste pratiquement une bonne demi-heure au téléphone avec le procureur. Quand je raccroche, je lève les mains vers le ciel, l’air exaspéré. Je me lève de ma chaise et entre dans le bureau de Mark.
— J’ai eu le mandat, mais je dois attendre demain matin pour aller chercher les vidéos aux Beaumettes.
— Bon boulot. En attendant, Greg et toi, vous allez consulter les dossiers.
— Mais vous avez dit que… commençais-je.
Je m’arrête net quand je croise le regard bleu perçant de Mark, par-dessus ses lunettes.
—… mais nous allons nous y mettre tout de suite, monsieur.
Je sors aussi vite que je peux. Mieux vaut ne pas le faire répéter.
~ POINT DE VUE NICOLE ~
Éric et moi avons fait le tour de l’hôpital. Ca me fait marcher un peu, sinon je suis dans ma chambre et je ne fais pas grand-chose. Nous nous sommes arrêtés à la maternité, je voulais voir ce que faisaient les auxiliaires de puériculture et les sages-femmes avec les bébés, puis nous sommes retournés à la chambre.
Éric fait son inspection comme à son habitude et prend son poste devant la porte. Quand j’entre à mon tour, je vois que quelqu’un a déposé des fleurs sur la table de chevet à côté du lit. Je m’en approche et les sens.
Ces fleurs sentent la fraîcheur. En y regardant de plus près, je remarque qu’il y a un carton où est écrit : « À la femme que j’aime ». Je le prends et l’ouvre. Il n’y a que quelques mots, mais cela m’a touché.
À la femme que j’aime,
Quand je vois le jour se lever,
Ma première pensée va vers toi,
Quand je vais me coucher,
Ma dernière pensée est pour toi.
Pour la femme que j’aime,
Celle qui me rend fou,
Je t’offre ces quelques mots,
Qui viennent du fond du cœur.
Quand je t’ai vu la première fois,
Je suis tombé de mon nuage,
Le monde autour de moi s’est effondré,
Je me suis senti léger.
Sans toi, ma vie n’a aucun sens
Elle n’est plus que silence,
Mes yeux se brouillent,
Mon cœur s’arrête,
Comme le calme avant la tempête.
Tu m’apportes bonheur et joie,
Moi, le plus heureux dans tes bras
Sache que sans toi, je ne suis rien.
Je t’aime comme au premier jour,
John
A la fin de ma lecture, je souris et referme le carton pour le poser sur la table.
— Je vais me reposer, dis-je à Éric, après avoir ouvert la porte.
Il acquiesce d’un signe de tête puis je referme la porte et abaisse les stores de la fenêtre. Je me rends ensuite à la salle de bain. J’ouvre la porte et entre. Il n’y a personne, mais je sais qu’il est encore là. Je vais jusqu’au carré de douche et tire le rideau d’un coup sec pour l’ouvrir.
— Je savais que tu étais encore là, lui dis-je.
— Elles te plaisent les fleurs ? me demande John.
— Les roses sont sublimes, lui répondis-je, en l’embrassant.
John sort de la douche et ferme le rideau.
— Alors, comment ça se passe ? lui demandais-je.
— Plutôt bien.
— Et Alex ?
— Il apprend vite, mais j’ai un doute le concernant.
— Pourquoi ?
— Je trouve qu’il n’est pas sûr de lui.
— C’est sa première couverture, laisse-lui le temps.
— On n’a pas vraiment le temps d’attendre qu’il soit prêt.
— Aide-le, alors.
— Je lui ai appris à tenir un fusil et à viser.
— C’est déjà un bon début.
— Ouais. Bon, assez parlé de moi. Comment tu vas ?
— Parfaitement bien maintenant que tu es là.
— Et le type devant ta porte ?
— C’est Éric, mon garde du corps.
— Et ça ne te dérange pas qu’il te voit en petite tenue le matin ?
— Oh non. Il n’y a aucun risque pour ça, crois-moi.
— Pourquoi ?
— Il est déjà en couple et il est très heureux en ménage.
— Ça n’empêche rien. Moi, quand je vois... dit-il, avant de s’apercevoir qu’il était en train de faire une erreur.
— Il est gay.
— Comment tu le sais ? C’est pas écrit sur son front.
— Quand on passe ses journées avec quelqu’un, on a envie de le connaître. On a fait connaissance pendant qu’on mangeait.
— Il t’a dit ça entre deux morceaux de viande ? questionne John.
— C’était de la salade.
— Il fait attention à sa ligne, c’est bien.
— Arrête. Il est super sympa en plus de ça.
— Tant qu’il prend soin de toi et qu’il garde ses distances, ça me va.
— Dis, tu ne serais pas en train de me faire une crise de jalousie ? lui demandais-je.
— Pas du tout. Tu me connais, non ? C’est pas mon genre.
— Bien sûr.
Il fait celui qui n’est pas convaincu.
— Ça te convient ? lui demandais-je, après l’avoir embrassé de nouveau.
— Pour l’instant.
Il me sourit pendant un instant puis reprend la conversation.
— Tu as des nouvelles du bureau ?
— Stéph et Matt sont allés aux Beaumettes pour interroger les ex-compagnons de Chris et ceux qui sont sortis.
— Ça s’est bien passé ?
— Fusillade, et le témoin est passé au bloc. La routine, quoi.
— Ah merde. Au fait, j’ai pris un second téléphone.
— Pourquoi ? lui demandais-je, surprise.
— Il est aussi ouvert que moi sur la confiance.
— Je vois.
— Je te donne le numéro, mais tu ne le files à personne d’autre.
— Mais pourquoi tu me le donnes ?
— Je voudrais être là pour les échographies.
— Je ne pense pas que... commençais-je.
Pas besoin de réfléchir pour savoir que c’est une mauvaise idée, surtout en ce moment.
— Je sais très bien que je ne participerai pas activement à ta grossesse, mais je veux être avec toi, le jour de l’échographie. C’est très important pour moi.
— Bon, d’accord, mais c’est uniquement parce que c’est important pour toi.
À cet instant, le téléphone de John sonne. Il le sort de sa poche et regarde.
— C’est Alex. Il faut que j’y aille.
— Tu fais attention à toi et à lui.
— Je te donnerai des nouvelles autant de fois que je pourrai, me dit-il.
— Tu as intérêt.
Il sourit et passe sa main dans mes cheveux. Cet au revoir se passe de mots. Lorsqu’il s’éloigne de moi quelques minutes plus tard, il est radieux et met son front contre le mien.
— Je vais te faire sortir. Tu te mets derrière la porte et tu me laisses faire, lui dis-je.
Je l’embrasse une dernière fois et sors de la salle de bain. J’attends qu’il se soit placé derrière la porte et l’ouvre.
— Vous allez bien ? me demande Éric.
— Oui, ça va. Dites, j’ai envie de manger du chocolat.
— Vous pensez que c’est raisonnable, dans votre état ?
— Parfaitement. Je dois nourrir mon organisme et cette fois, je voudrais manger du chocolat.
— Vous avez appelé l’infirmière ou quelqu’un d’autre ?
— En fait, j’ai pensé que vous pourriez aller m’en chercher au distributeur.
— Je ne suis pas censé bouger de mon poste, me répond Éric.
— Le distributeur est au fond du couloir.
— Vous ne m’aurez pas cette fois, se méfie-t-il.
Je souris et sors de la chambre en laissant la porte ouverte pour que John puisse partir sans faire de bruit.
— Non, mais vous êtes incroyable.
— J’obtiens toujours ce que je veux, lui dis-je.
Quand nous sommes revenus à la chambre, John n’était plus là, mais il a déposé un morceau de papier sur l’oreiller avec un numéro de téléphone dessus.
~ POINT DE VUE MARK ~
Matt et les autres continuent de chercher dans les dossiers. Quant à moi, je tente de déchiffrer les dossiers que Laurent a gardés dans son bureau. Lorsque je trouve une information, je la souligne avec un marqueur. Je suis dans les dossiers depuis deux heures quand je trouve un brin d’espoir. J’ai enfin trouvé qui est l’homme mystérieux. Je me lève de ma chaise, prend mon arme et sort du bureau.
— Monsieur, on a trouvé. Léonard Grey est en fait... commence Matt.
—… Laurent Ness, finis-je.
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