Chapitre 1 (partie 2)

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Le coffre se tenait au milieu de la pièce ordonnée. Toutes les affaires étaient à leur place sur des étagères ou dans de vieilles armoires, aussi peu nombreuses soient-elles. Les Kita n’étaient pas du genre frileux à jeter ce dont ils ne se servaient plus. Le coffre d’Hayato était comme un miraculé.

La peinture bleu ciel s’était ternie avec le temps, mais les nuages blancs dessinés étaient toujours bien visibles. Quelques tâches de peinture rouge et verte, mises par inadvertance, apportaient une touche de fantaisie. Le lycéen savait pourquoi sa mère n’avait jamais osé l’ouvrir. Il avait installé un cadenas à code une dizaine d’années auparavant pour cacher son contenu… sans se souvenir de quoi il s’agissait. Hayato se tritura la mémoire pour retrouver l’origine de cette décision, sans grand succès. Paradoxalement, il se souvenait du code.

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Clic !

Le cadenas s’ouvrit et le jeune homme s’empressa de soulever le couvercle. Il découvrit un intérieur relativement… vide. Hormis un sac en toile beige. Il se rappela qu’il avait enlevé tous les jouets quand il avait installé le cadenas, mais ne se souvenait toujours pas de la raison qui l’avait poussé à les remplacer par ce sac.

Hayato ne perdit pas une seconde pour découvrir qu’il contenait. Il y avait un stylo rose avec des motifs de fleurs de cerisier, un cygne en origami et une photo. Cette dernière attira toute l’attention du lycéen.

Cinq enfants riaient aux éclats, les pieds dans l’eau d’une mer calme un jour d’été ensoleillé comme celui-ci. Une fille brune aux jolies boucles et à la peau bronzée tenait l’appareil photo et prenait le « selfie » avec tous ses amis. Elle n’utilisait pas de caméra frontale, comme on peut en trouver sur tous les smartphones. Alors, la photo était cadrée du mieux qu’elle pouvait. Il y avait ensuite un garçon aux cheveux noirs de jais et épais, qui lui cachaient une partie des yeux, mais pas son sourire. Il s’agissait du plus grand de la bande sans paraitre plus vieux que les autres. Un autre garçon, un peu rondouillet, aux cheveux bruns courts, faisait le signe de la victoire. Il semblait le plus énergique du groupe. Hayato reconnut le troisième garçon. Il n’était pas très grand et avait les cheveux noirs frisés et un sourire timide. Sa peau était très blanche, mais il pouvait voir un beau coup de soleil sur ses épaules. C’était lui. Il n’avait pas beaucoup changé depuis cette époque. Le petit garçon timide l’était encore aujourd’hui. Le lycéen pouvait voir qu’il était le plus discret du groupe, cela transparaissait sur la photo. Mais il s’attarda plus longuement sur la dernière personne.

Au milieu, se tenait une fille, la plus petite des enfants, maigrichonne et à la peau très pâle. Elle aussi, avait des cheveux noirs comme la nuit, mais ils étaient longs et parfaitement lisses, ne cachant pas son visage rayonnant. Ses yeux étaient fermés, accentuant le sentiment de joie qui s’y lisait. Elle tenait dans ses mains, un bouquet de fleurs sauvages, sûrement cueilli par ses camarades. Sur le bas de la photo, il était écrit dans une jolie encre rose :

Joyeux anniversaire Hana !

Les mains d’Hayato se mirent à trembler. Il retourna la photo et vit d’autres annotations au dos.

Les noms des enfants étaient notés, chacun dans une écriture différente : Inae Juliet, Fujioka Junsei, Tachibana Shiro, Kita Hayato et Matsuoka Hana. Ils étaient accompagnés d’un message :

« Joyeux anniversaire Hana ! C’était de super vacances en ta compagnie ! On te souhaite bon courage pour ta nouvelle vie en Amérique, et on se revoit dans dix ans ! »

Une date suivait le texte : le 22 juillet 2019.

Des larmes coulèrent sur les joues du lycéen. Il se souvenait maintenant. Ces enfants s’étaient rencontrés pendant des vacances à la plage à Kamakura. Leur entente était si bonne qu’ils s’étaient promis de se revoir le même jour, même lieu, dix ans plus tard, pour partager leurs nouveaux rêves. Pour savoir ce qu’ils étaient devenus et ce qu’ils comptaient devenir avant d’entrer à l’université.

Hana était partie le lendemain aux Etats-Unis, à cause de la mutation de son père. Elle ne devait pas revenir de sitôt au Japon. Mais elle ne reviendrait plus. Quelques mois après la prise de cette photo, elle décéda d’un cancer qui lui avait été diagnostiqué peu de temps avant. Sa disparition fut fulgurante. C’était le sujet de la dernière conversation qu’Hayato avait eu avec ses amis avant de ne plus jamais les revoir.

Comment avait-il pu les oublier ? Comment avait-il pu l’oublier, elle ? Hana était son premier amour, bien plus qu’une amourette de vacances. C’était plus puissant, même du haut de ses huit ans de l’époque. Il n’avait jamais pu exprimer ses sentiments – il était bien trop timide -, mais ils étaient bien présents. Dévasté à l’annonce de la mort d’Hana, il avait enfermé ses derniers souvenirs dans ce coffre.

̶ C’est bon tu t’en souviens maintenant ? fit une voix enfantine, dans son dos.

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