Chapitre 14 ~ Sacha
Aussitôt que Benoît accepte de laisser Johanna appeler son père, elle s'empare de son téléphone. De ses mains toutes tremblantes, elle cherche dans ses contacts. Jusqu'à ce qu'elle appuie sur un des noms, et qu'elle prenne une grande inspiration en fermant les yeux au moment où elle joint le portable à son oreille. Je la regarde observer Benoît, lui sourire avant de se diriger vers sa chambre. Nous l'entendons prononcer un petit "Allo" avant de refermer la porte.
Plus j'y pense et plus je me dis que je ne devrais pas faire endurer tout ça à cette famille. Que je ne mérite pas leur gentillesse, tout comme l'attention et l'affection que j'ai de la part Raphaël. Je soupire en partant m'asseoir sur une des chaises de la salle à manger, non en réalité, je me laisse tomber dessus.
— Écoute je comprends ta frustration, mais elle est forte. Je sais que tu ne comprends pas pourquoi son père, mais il lui doit bien cette aide, me dit Benoît en s'installant également à table face à moi.
— Peut-être, mais tu n'as pas l'air très confiant au son de ta voix, je grogne, avant de soupirer. Pardon. Je sais que tu as peur pour Raphaël et aussi pour Johanna. Je n'aurais pas dû te parler comme ça...
Je pause mes coudes sur la table et prends ma tête dans mes mains avant de, à nouveau, soupirer.
— Franchement sa rime a quoi, tout ça ? Je commence enfin à être plus ou moins heureux dans une famille, je m'attache beaucoup trop fortement à Raph, je suis peut-être même amoureux de lui, je marmonne.
Bordel ! Non il n'y a pas de « peut-être » qui tiennes, c'est une certitude : je suis amoureux de lui !
Je relève la tête pour regarder Benoît, avec mes yeux pleins de larmes qui ne souhaitent qu'une seule chose : couler le long de mes joues.
— Et moi, qu'est-ce que je vous donne en retour ? Que des emmerdes ! Je devrais sûrement partir quand tout sera réglé et vous laisser vivre votre vie en paix.
— N'y pense même pas ! s'écrit-il me faisant presque sursauter. Écoute-moi bien Sacha. Je comprends tes lamentations, mais tu fais partie de cette famille depuis que tu as mis, pour la toute première fois, les pieds dans la maison donc je ne veux rien entendre de tous ça. Ce qui signifie que tes emmerdes, comme tu le dis, sont les nôtres aussi.
Je lui lance un coup d'œil ahuris. Il me sourit avant de continuer dans sa lancée.
— Pour ce qui concerne mon fils... Je sais que tu t'inquiètes autant que nous, et je sais que tu te sens fautif pour son enlèvement car c'est en rapport avec tes sentiments pour lui que ton beau-père s'en est pris à lui. Mais comprends bien une chose, tu n'y es pour rien d'accord. Ce n'est pas ta faute si ta mère a commencé à se droguer. Ce n'est pas de ta faute si ta mère c'est mise en couple avec cet homme pour avoir sa dose à domicile. Ce n'est pas de ta faute si malheureusement ta mère est décédée d'une overdose en devant de l'argent à son dealer.
Plus Benoît parle, plus je sens mes larmes couler sur mes joues. Mais c'est lorsqu'il lâche sa dernière phrase que je m'effondre et pleure. Je sens sa main sur mon épaule, un geste que se veut réconfortant, apaisant.
— Hey ! Si je devrais te rendre fautif de quelque chose, ce serai d'avoir attrapé Raphaël dans tes filés, tu ne pense pas ? demande-t-il amusé.
J'éclate de rire malgré ma tristesse, et ma peur pour Raphaël.
***
Nous continuons de bavarder quelques minutes, avant de Johanna ne sorte de la chambre les joues et yeux rouges preuve qu'elle a pleuré... Des que Benoît la voie dans cette état, il l'a prend immédiatement dans ses bras pour la consoler. Elle se laisse câliner un certain temps puis commence à nous raconter sa conversation avec son père.
— Bon. J'ai réussi à lui parler malgré le fait que généralement les prisonniers n'ont pas le doit de recevoir d'appel. Je lui ai dit tout ce que je sais concernant ton beau-père, et il m'a avouer le connaître - ce que ne m'étonne absolument pas -, mais il fréquente aussi une personne dans la prison qui a été son dealer. Donc, il m'a proposé de m'envoyer un message lorsqu'il aura obtenu les informations sur l'endroit où il peu être, dit-elle en grimaçant.
— Mais, il peut faire ça ? Je veux dire. Il peut envoyer un texto ? je lui demande surpris, pensent que ça n'écopaient dans les films.
— Oui. Il m'a, d'une certaine manière, dit avoir en sa possession un téléphone prépayé caché dans sa cellule.
— Contre quoi fait-il ça ? demande d'un coup Benoît.
— Comment ça ?
— Ne joue pas l'innocente avec moi Jo, rage-t-il. Tu comprends très bien ma question. Et vu ta tête, je sais pertinemment que tu l'as déjà accepté, parce que nous dit avoir bientôt les infos.
Je vois Johanna baisser les yeux et soupirer en même temps. Je ne m'attendais pas à ce que le grand-père - même adoptif - demande quelque chose en échange pour sauver son petit fils.
— Il m'a demandé de venir lui rendre visite. Au départ il me demandait une fois par semaine, mais j'ai réussi a négocier pour aller le voir une fois tous les deux mois, ce qu'il a très rapidement accepté. Chéri je sais que tu ne comprends pas mon accord, mais c'est mon fils qui est retenu, mais c'est aussi mon père malgré toutes les crasses qu'il m'a fait, il reste mon père...
Benoît reste silencieux plusieurs secondes avant de capituler en hochant la tête à contre cœur.
Voulant les laisser seuls quelques instants, je pars me réfugier non pas dans ma chambre, mais dans celle de Raphaël et m'allonger sur son lit. La tête dans ses coussins, je respire son odeur que j'aime tant. Malgré le fait que je devrais être soulagé parce que nous allons avoir l'adresse où il est retenu, je ne ne peu m'empêcher de stresser parce que je ne sais toujours pas comment faire pour lui donner cet argent qu'il demande. Je ne l'ai toujours pas en ma possession.
En soupirant, je me tourne sur le dos, et prends mon téléphone dans la poche avant de mon jeans. Après l'avoir déverrouillé, je cherche dans mes contacts le prénom de Érika et appuie dessus pour l'appeler. Ma meilleure amie décroche seulement au bout de trois sonnerie, a croire qu’elle avait son portable dans les mains déjà…
— Salut beau mec ! m’accueille-t-elle.
— Salut, dis-je en murmurant.
— C’est quoi cette voix ? Tu va bien ?
Je ne sais quoi faire, je ne sais pas pourquoi je l’ai appelé. Peut-être parce que j’ai besoin de parler. Peut-être parce que j’ai besoin d’évacuer toutes les émotions par lesquelles je passe en ce moment. Je ferme les yeux histoire de faire le vide dans ma tête.
— Sacha. Tu m’inquiète à ne pas répondre. Tu va bien, tu a besoin que je viennes ? Dis moi, tu sais que je suis là, déclare-t-elle, après un blanc de plusieurs secondes.
— Je ne doutes pas que tu sois là pour moi, Érika. Je… Je crois que je ne vais pas bien. Non je ne vais pas bien. Mon passé m’a rattrapé et maintenant il détient mon présent. Je ne sais pas quoi faire. Comment je peux sauver mon présent et potentiel futur en me sauvant moi-même ?
— Mais de quoi tu parles ? Je ne comprends rien. Qu’est-ce qu’il ce passe ? demande-t-elle paniqué.
Je commence à tout lui raconter, tout depuis le début, depuis le moment où mon beau-père m’a retrouvé lorsque nous étions tous au bar. Le relais qu’il m’a laissé pour rembourser la dette de ma défunte mère. Le texto que j’ai reçu avec la photo de Raphaël. Ce que m’a dit Benoît pendant que Johanna a téléphonait à son père violent en prison pour pouvoir retrouver son fils et la condition quenelle à accepter. Je lui raconte tous dans mes moindres détails en pleurant comme je ne l’es jamais fait et elle, m’écoute avec attention.
Lorsque j’ai terminé mon long monologue, nous nous laissons quelques minutes pour nous calmer, parce que je le sais, elle pleure autant que moi, je l’entends au bout du fils. J’entends ses reniflements, ses hoquets incontrôlables. J’aimerais qu’elle se rende compte à quel point je suis détruit de l’intérieur, que je ne mérite pas tous l’amour fraternel qu’elle me porte. Que cette famille qui m’a si bien accueilli et qui a un passé autant douloureux ne mérite pas que je leur apporte mes malheurs avec moi. Que Raphaël ne devrait pas subir ce kidnapping par ma faute. Je prends conscience que je ne devrais pas rester près d’eux. Même si j’ai beaucoup d’affection pour cette famille, que j’aime du fond du mon cœur Raphaël, je dois partir. Je dois renoncer a eux. Je dois partir !
— Sacha… souffle Érika me coupant dans mes réflexions. Tu n’y est pour rien. Tu le sais n’est-ce pas ? Je suis persuadé que tu es en train de réfléchir à comment partir afin de les laisser vivre leur vie. Que tu es en train de dire qu’il serait bien mieux sans toi. Mais non. Ne part pas. N’abandonne pas. Ne te refuse pas un bonheur auquel tu as, toi aussi, droit. S’il te plaît. Comprends bien que les erreurs de ta mère ne sont pas les tiennes. Que tu est tout comme Raphaël, Johanna et Benoît une victime de ta mère et de son addiction. S’il te plaît. Ne fuit pas, expose-t-elle en pleurant à nouveau.
Elle me connaît si bien, qu’elle sait à quoi je pense que malgré ma tristesse, malgré ma culpabilité, malgré mes doutes, je souris a travers mes larmes coulant le long de mes joues.
— Je ne sais, mais je te promets une chose. Je vais attendre que Raphaël soit en sécurité auprès de sa famille pour prendre une quelconque décision. Ne me demande pas plus pour le moment.
— C’est déjà mieux que rien, soupire Érika.
Nous continuons de bavarder durant un certain temps jusqu’au moment où j’entends Benoît m’appeler du salon. Après un au revoir, nous raccrochons. Le cœur battant la chamade, je me lève et m’apprête à sortir de la chambre de Raphaël, mais décide avant, de lui emprunter un sweat-shirt à capuche imprégné de son odeur que j’enfile immédiatement. Une fois terminé, je continue mon chemin et arrive dans le salon où Benoît et Johanna m’accueillent vêtu de leur veste, clefs en main et déclarent d’une seule et même voix :
— Nous avons l’adresse.
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