Merci à vous, princesse

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La remontée des galeries souterraines s’effectua via d’interminables escaliers sculptés à même la roche. Une nouvelle plaque chatoyante, reflétant leur silhouette leur bloqua l’accès à l’extérieur. De ce côté-ci de la porte, Owen écrivit le mot « sortie », à l’aide de deux runes anciennes.

Le monolithe se scinda, laissant l’air de dehors s’insinuer dans les tunnels et dans les poumons des voyageurs. Une lueur blanche les frappa tout de suite. L’aube les accueillait à sa façon. Le dragon d’Aurore s’envola soudainement, profitant de cette liberté retrouvée.

La jeune fille s’égaya devant la frénésie du petit animal et le suivit, sortant du tertre qui abritait l’ouverture. Un monticule de terre similaire à celui par lequel ils étaient entrés dans les voies caverneuses.

En franchissant le seuil du souterrain, les aventuriers furent rattrapés par le vacarme vrombissant du désert. Owen apaisa le champion et la princesse, leur expliquant que les tempêtes de sable bleu sévissaient plus loin, au nord de leur position. La preuve la plus concrète se révéla être l’herbe luxuriante couvrant le tertre et la région alentour.

— Poursuivons, commanda Owen.

Le chevalier dirigea la troupe droit vers le sud-est. Une vaste plaine vallonnée et verdoyante s’ouvrait à eux. Aucun danger ne semblait rôder sur ce territoire de paix. Plus le groupe s’éloignait des échos du désert de Tanzanites, plus le calme s’instaurait dans leur progression.

Dans le lointain, jaillissaient de titanesques colonnes en arc de cercle. Les plus longues culminaient à des dizaines de mètres de hauteur, en pointe, tandis que les plus courtes, brisées, concurrençaient des maisons humaines.

Au premier regard, ces structures s’apparentaient aux piliers d’un ville tentaculaire et antédiluvienne, dont seul le squelette aurait survécu aux caprices du temps. Owen les conduisit sous ces demi arches aux dimensions étourdissantes.

Aurore se rapprocha de l’une d’elles. De la mousse épaisse l’enveloppait et lui offrait une peau de jade. En grattant la couche verte, la jeune fille révéla la véritable couleur de la colonne : un blanc d’albâtre. Le dragon prit de la hauteur et se dirigea vers le sommet du pilier, en tournoyant autour.

— Laissez-moi deviner ! s’exclama Aurore. Il s’agit de portails nous indiquant l’entrée d’un sanctuaire, comme dans la forêt des Liniens. Non. Mieux. Devant vous, se dressent les vestiges des fastueuses villes du peuple à l’origine des souterrains.

Devant la mine imperturbable de la Hyène, l’adolescente persévéra.

— Nous nous trouvons actuellement dans le champ des Arcs Oubliés. Armes de tirs maniées par un peuple de titans, ces arcs permettaient de tirer jusqu’en Kirithe. Mais après avoir pourfendu leurs rivaux de toujours, ces braves guerriers délaissèrent leurs armes, privilégiant une vie de paix.

Owen rit avec entrain.

— Une histoire somme toute excellente, petite. Ne gâche pas un tel talent, raconte-nous d’autres légendes à propos de cette belle terre koordienne.

Aurore feignit d’être outrée.

— J’aurai essayé ! Je vous en prie, Hyène Owen, historien dédaigneux, partagez avec nous votre science.

Le chevalier eut un flottement. Attendait-elle vraiment des explications, ou se moquait-elle de lui ?

— Nous sommes dans un cimetière, fit-il après l’avoir jugée sincère dans sa demande. Ces centaines de côtes appartenaient aux ancêtres de ton animal de compagnie.

— Des dragons géants ? s’enquit Aurore, qui ne réclamait pas réellement de confirmation.

— L’homme est aujourd’hui l’être le plus puissant de ce monde, intervint Théodore, le regard perdu dans les hauteurs des squelettes. Notre magie nous place au sommet. Cependant, il fut une époque où même nos magiciens les plus émérites n’auraient pas survécu. C’est à la fois effrayant et… grisant.

— Mais peut-être que ces dragons n’auraient pas attaqué les hommes, supposa Aurore. Aujourd’hui, ils ne rivalisent pas avec la taille de notre avant-bras, mais nous ne les attaquons pas pour autant.

— Parce qu’ils ne sont pas bons à manger, la coupa Owen.

La jeune fille s’insurgea. Sur le point d’objecter, elle fut stoppée par Théodore.

— Avant de poursuivre, Aurore, je voulais vous dire quelques mots.

— A propos de ce que je vous ai révélé hier, je présume.

— Oui. J’ai surpris votre discussion avec Owen, ce matin. Je tenais à vous faire mes propres excuses.

— Inutile, Théodore. Vous ne vous êtes jamais montré grossier, mauvais ou violent envers moi.

Le champion hocha subtilement la tête.

— Je peux enfin rassembler toutes les pièces et reconstituer votre portrait. D’où vous venez, ce par quoi vous êtes passée, dans les moments joyeux comme dans ceux instructifs ou plus difficiles, et ce vers quoi vous allez. En définitive, je comprends enfin qui vous êtes, Aurore. D’où provient cette force, qui vous anime. D’où naissent cette sagacité et cette sagesse qui dictent vos actes. D’où vous tirez ce lien avec les éléments, comme avec les Passeurs dans les criques d’Orion. Aurore, ne pensez jamais n’être qu’une héritière ayant pour seule fonction de réveiller le Lion. Vous êtes bien plus et avez largement gagné le droit d’être appelée par ce nom : Aurore la Lionne.

La jeune fille resta coite un instant. Ces compliments la touchèrent en plein cœur. Elle qui avait fui son royaume, sa fonction et son obédience, recevait le plus haut titre auquel une femme de la famille royale pouvait prétendre. Evidemment, rien d’officiel dans le discours de Théodore. Mais se voir ainsi félicitée et reconnue en tant que telle, par un champion qui plus est, l’emplissait d’une joie sans borne.

Sa gorge se serra et, devant le regard d’acier de Théodore, elle baissa les yeux.

— Merci, articula-t-elle.

— Non. Merci à vous, princesse. Ne nous attardons pas davantage. Rejoignons Owen. Forléo nous attend.

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