Nous avons de nombreux alliés cette fois-ci
La Hyène emmena son équipe de guerriers un peu plus près de la forteresse. Profitant des quelques rochers gisant à moitié enfouis dans le sol, ils se déplacèrent à vive allure, tout en restant hors de vue de l’ennemi. Bientôt, ils ne purent plus progresser aussi efficacement : les cachettes se réduisaient considérablement.
De leur position, ils pouvaient admirer la double porte de Forlacroc, surement barricadée de l’intérieur. Elle se dressait au bout d’une montée raide, bouclier infaillible derrière lequel se groupaient les soldats de la forteresse. Au sommet des remparts, se dessinaient des archers qui pointaient, vers le contrebas des murailles, les têtes de leurs traits empennés et enflammés.
De leurs côtés, les Worgros s’évertuaient à bondir par-dessus un fossé empli de pieux meurtriers. Ils tentaient de faire passer des échelles sous les pluies assassines. Pour l’instant, l’entreprise s’avérait infructueuse.
Les barbares hurleurs quittaient progressivement la montée qui menait à la double porte.
Théodore indiqua la raison d’un tel recul. Un énorme chariot transportant d’innombrables boulets noirs progressait dans cette direction, poussé par quatre mastodontes qui grondaient sous l’effort. Une bulle à l’éclat rose orangée enveloppait l’engin de guerre et ceux qui le manœuvraient.
Théodore et les autres n’eurent aucun mal à deviner l’origine d’une telle sorcellerie. Hors de portée des flèches de la forteresse et protégé derrière deux dizaines de Worgros, un suzerain remuait ses bras infâmes pour alimenter la protection.
— Ce sont les mêmes boulets qu’au col de Concorde, souligna Aurore. Ils sont remplis de poudre explosive.
— Ils cherchent à anéantir la porte avec ce chariot, comprit Théodore.
— Ils y parviendront, si nous n’intervenons pas promptement, les pressa Nicolas.
— La Hyène a raison, appuya la Grande-Championne.
— Nous allons nous diviser en deux groupes, expliqua Owen. J’irai, avec Nicolas, Iris et Violette, assassiner le suzerain-sorcier pendant qu’il est occupé à incanter. Si nous agissons avec furtivité et précision, nous pourrons fuir sans avoir à nous confronter aux Worgros qui l’accompagnent. Pendant ce temps, les champions et les autres chevaliers, vous retournerez sur vos pas pour rejoindre le plus discrètement possible la pente sous la double porte. Dès que nous aurons éliminé leur sorcier, vous attaquerez les mastodontes et ferez redescendre le chariot en bas. Si les soldats comprennent et anticipent nos mouvements, ils n’auront plus qu’à tirer de leurs flèches enflammées pour annihiler le gros de la horde.
— Et moi ? s’enquit Aurore, exclue du plan de la Hyène.
— Accompagne Théodore. Dès que la déflagration aura soufflé les Worgros, je pense que les portes de Forlacroc nous seront ouvertes. Je veux que tu te mettes à l’abri entre ses murs le plus tôt possible.
— Je peux me battre ! protesta-t-elle.
— Je le sais bien. Mais contrairement à nos précédents combats, nous avons des nombreux alliés cette fois-ci.
La princesse balaya les nombreuses paires d’yeux qui la fixaient. Owen avait raison. Ils n’étaient plus seuls. Elle opina du chef. Et comme s’il avait s’agit d’une permission, les guerriers se dispersèrent pour opérer comme la Hyène l’avait imaginé.
Owen guida son escouade dans les hauteurs de la colline à laquelle ils tournaient le dos jusque-là. Passant sur l’autre pan du monticule terreux, ils aboutirent sur la route qu’avaient souillé les Worgros en venant à Forlacroc. D’ici, ils obliquèrent et remontèrent les pas de la horde.
Les sentinelles qui encerclaient le suzerain-sorcier guettaient les hauteurs des collines alentours et le champ de bataille, insoucieux des dangers rampant dans leur dos. Pourquoi s’ennuieraient-ils à vérifier leurs arrières ? L’entièreté de l’armée Worgro s’attroupait là-bas, fondant inlassablement sur Forléo et ses Mâchoires. L’esprit affûté, Owen avait pénétré leurs pensées. Et tout aussi affûtée, son épée pénétra le cœur du suzerain-sorcier.
Nicolas et les deux Loups imitèrent le chevalier borgne. Transpercé par quatre lames, le détestable démon cessa d’incanter. Satisfaits de leur attaque fulgurante, les chevaliers délogèrent leur arme et s’écartèrent de leur victime.
Lentement, le suzerain-sorcier fit demi-tour. Une haine indicible bataillait une nonchalance sans borne dans ses iris rougeoyantes. La mort ne faisait indubitablement pas partie de ses plans. Sans se presser, il détacha la hache à double tranchant qui se balançait sur sa hanche. Dans son dialecte atroce aux sonorités déshonorantes, il commanda à ses gardes d’attaquer les importuns.
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