Le capitaine Coloyan

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Owen avait sous-estimé la défense du suzerain-sorcier. Malgré les quatre fers qui l’avait transpercé, il se tenait encore debout, immuablement terrifiant. L’unique signe qui prouvait qu’Owen n’avait pas rêvé cette offensive surprise était le sillon de sang qui partait des lésions récentes.

Face au surnombre, la Hyène avait ordonné la retraite. Nicolas, Iris et Violette avaient suivi le borgne jusqu’aux hauteurs de la colline par laquelle ils étaient venus. Sur ce sentier sinueux, cloisonné dans des amas de roche saillante, la harde sauvage qui épaulait le suzerain-sorcier perdit son avantage numérique.

Atteignant malgré eux le faîte du haut monticule, les chevaliers se virent submergés par l’ennemi. Rapidement encerclés, les chevaliers se resserrèrent, dos à dos. Owen examina chacun de ses adversaires, cherchant les maillons faibles de cette meute enragée.

Surprenant humains comme Worgros, l’explosion des boulets, en contrebas, les figea tous sans exception. Le suzerain-sorcier jeta un regard par-dessus son épaule, pour constater les dégâts causés par l’atroce engin. Il poussa un cri dans son parler étranger et Owen sut que Théodore avait réussi.

Sans plus attendre, Owen s’élança et, du plat de son pied, poussa violemment le dos du suzerain. Le monstre s’entrava dans des aspérités rocailleuses et glissa des hauteurs sur lesquelles se tenait tout le monde. Il parcourut plusieurs mètres dans le vide avant d’atterrir sur un rocher taillé comme une pointe de lance. Sa tête et son buste se déchirèrent à l’impact et le reste de son corps se disloqua, comme une marionnette privée de ses fils.

Le chevalier resta bouche bée devant ce succès inimaginable. De cette hauteur, sans cette excroissance rocheuse, le Worgro aurait assurément survécu. Le suzerain invisible, lui, avait subi une chute bien plus haute et s’était tout de même relevé. A l’instar de la Hyène, les serviteurs du sorcier regardèrent la dépouille déchiquetée, paralysés par le doute.

Les chevaliers mirent à profit ce flottement pour s’échapper du guêper. En atteignant le pied de la colline, ils entendirent les effroyables grognements de la horde qui les poursuivait. La peur électrisa les jambes des humains, qui occultèrent les plaintes de leurs muscles.

Ils traversèrent le vallon à vive allure, franchirent les flammes ambulantes et les effluves mortifères, avant de gagner le talus menant à Forlacroc.

La double porte apparaissait entrouverte.

Dépourvu de son flegme habituel, Théodore leur faisait signe d’accélérer. Owen comprit la raison de son avertissement. Des arcs bandés saillirent des murailles crénelées. Un ordre retentit dans le vallon. Les arcs sifflèrent. Et le monstrueux tumulte qui les pourchassait se tut.

Toutefois, aucun des chevaliers ne s’arrêta pour vérifier qu’ils étaient hors de danger. Ils ne ralentirent que lorsque la double porte se referma dans le dos. Owen s’accroupit, expirant bruyamment, tandis qu’Iris et Violette s’allongeaient sur le dos, le souffle court. Au contraire, Nicolas rit, avant de s’appuyer sur son confrère.

— On l’a échappé belle ! articula-t-elle.

D’un signe de la main, il remercia les archers, juchés sur les remparts de la forteresse. Certains décochaient encore des flèches, achevant l’ignoble engeance qui agonisait à l’extérieur. L’on distinguait leurs râles méprisables jusque dans l’enceinte de Forlacroc.

— Beau travail ! fit la Grande-Championne, à l’égard de la Hyène borgne.

— Beau travail à vous tous, répliqua-t-il entre deux grandes aspirations. En vérité, je me demande encore comment nous avons réchappé à cet affrontement.

Un homme à la mine solennel, entièrement bardé d’une armure gris argenté, s’avança vers le groupe de champions et de chevaliers. Des soldats de l’armée koordienne l’entouraient, leurs armes dégainées.

— Je ne sais pas qui vous êtes, mes braves, mais je remercie le Lion d’avoir placé cette vieille forteresse sur votre route. Par tous les Rugissements, vous avez ridiculisé ce suzerain-sorcier et déjoué ses plans. Par votre courage, vous venez d’accorder un dernier lever de soleil à mes gaillards. Je suis le capitaine Coloyan, en charge de cette garnison.

L’homme tendit la main à la première personne devant lui, qui s’avéra être la Grande-Championne. Elle la lui serra puis expliqua la situation au soldat gradé : provenant de divers horizons, ils accompagnaient la princesse Aurore, ici présente, à la Tour du Lion.

Tout en gardant son air grave, le capitaine adopta un ton encourageant et parla d’une voix forte.

— Vous entendez ça, soldats ? Vous vivrez une nuit de plus ! Son Altesse Aurore Cœur de Lion vous l’autorise. Alors, remerciez-la.

Que ce soit sur les remparts, dans la cour ou sur les différentes plateformes et escaliers, tous les soldats koordiens posèrent un genou à terre. D’une seule voix, ils prononcèrent la devise du royaume : « Le Lion montre la voie. Sa crinière est notre lanterne et son rugissement notre courage. »

Résonnant sur les murs de la forteresse, les paroles parurent émerger des abysses souterrains du lieu. Théodore sentit ses poils s’hérisser. Aurore s’empourpra, incapable de savoir comment réagir dans cette situation. Owen lui posa une main sur l’épaule et lui susurra :

— Tu ferais bien de t’y habituer, petite.

— Je vous souhaite la bienvenue dans notre humble demeure, princesse Aurore, reprit le capitaine. Avez-vous besoin de quoi que ce soit pour la suite de votre route ?

— A boire ! répondit Morgane. Ce feu m’a volé jusqu’à la moindre goutte d’eau de mon corps.

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