La Tour du Lion

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Le vallon se déroula sous leurs pas précipités, sans encombre notable. Le coeur léger, après avoir vaincu cette horde acharnée, le trio avança vers son ultime destination. Aurore prit les devants lorsqu’ils atteignirent enfin les vastes montagnes, qui se poursuivaient vers l’est avant de sombrer abruptement dans la mer orientale.

Elle révéla à ses deux compagnons l’entrée d’un passage, voilé par des arbustes ordinaires. Il s’enfonçait dans les ténèbres d’une grotte. Owen et Théodore s’inclinèrent légèrement pour s’engouffrer dans le trou. Aurore les rassura en certifiant que l’obscurité ne les accompagnerait que très peu de temps.

En effet, après une trentaine de pas, en ligne droite, la princesse poussa une lourde toile bigarrée qui servait de rideau. La lumière de fin de journée n’éblouit qu’à peine leurs pupilles déjà accommodée à l’ombre. Après qu’Owen et Théodore furent passés, Aurore rabattit le long morceau de tissu.

— Nous voilà sur le sentier qui monte jusqu’au pied de la Tour du Lion.

Les deux hommes levèrent les yeux. Au-dessus des cruels rochers en forme de dents, dépassait le sommet de la tour. Reposait sur une myriade de colonnes massives sa couronne bleu nuit. Incrustée de joyaux scintillant, elle donnait l’impression de contempler une voûte céleste immaculée. Sur le côté, cachée en partie par l’ornement dentelé, une extension de la tour, semblable à une échauguette sans murs, supportait le foyer léonin.

— Empressons-nous, leur intima l’adolescente.

Gravir ce sentier sinueux s’apparenta à une promenade en bonne compagnie, en comparaison de tout ce qu’ils avaient surmonté. Théodore s’appuya à plusieurs reprises sur sa claymore, s’en servant comme d’une canne. La journée s’éternisait et son genou faiblissait après tant d’efforts.

Owen le gratifia d’un rictus goguenard. Au fond, le champion savait pertinemment qu’aucune once de méchanceté habitait cette grimace. Le chevalier s’était départi de sa cruauté envers Thédore depuis longtemps.

— Si c’est ton aide que tu me proposes, je l’accepte volontiers.

Le chevalier s’esclaffa avant de répondre.

— Douces chimères !

A son tour et sans retenue, le champion laissa aller son rire. Aurore, qui marchait devant, les sonda du regard. N’ayant pas suivi l’échange silencieux, elle ne comprit pas leur amusement. Malgré tout, un sourire tira sur ses lèvres. Un sourire que ses yeux contredirent. Un vague à l’âme trahissait son masque de joie.

— Encore ce regard ! remarqua Owen. Comme sur le lac. Sois franche avec nous, petite.

Cette fois-ci, et contrairement au cas précédent, elle hocha la tête. Pourtant, elle ne donna pas la moindre explication à ses compagnons. Elle reprit sa progression de plus belle.

Théodore interrogea Owen, sans un mot. Le chevalier se contenta de hausser les épaules.

Finalement, le trio atteignit le terme du sentier. Au pied de la Tour du Lion, édifice glorieux blottit entre de secrètes griffes rocheuses, les voyageurs observèrent le nord-ouest. Le champ de bataille s’étendait à perte de vue. Fendu par l’horizon, le limbe rouge, qui irradiait depuis l’astre solaire, baignait ces terres dans un lac dorée, un océan de flammes mâtiné de sang.

Aurore tira sur un levier, dissimulé sous une plaque feignant la pierre, juste à côté de la colonne de briques. Depuis l’intérieur, un mécanisme gémit sous le roulement ronflant de ses rouages. La porte, presque aussi épaisse que large, s’ouvrit sans la contribution d’une force humaine.

— Par le Lion ! jura Théodore. Comment un Worgro aurait-il décelé une telle manette.

— Ils ont eu accès à toutes mes connaissances, rappela Aurore.

— Il n’a pas pris la peine de les exploiter, objecta Owen, montrant du doigt une suite de fissures qui grimpaient tout le long de la tour.

— A-t-il creusé la pierre avec ses mains ? s’inquiéta Aurore.

— Il semblerait. Et au vu de l’emplacement de chaque marque, ce monstre ne possède pas la même anatomie que nous. Regardez la disposition des prises. Certaines s’écartent de la ligne tracée, tout en restant sur la même trajectoire On dirait qu’il a usé de deux bras supplémentaires.

— Un Worgro à quatre bras ? questionna Théodore, pour avoir une confirmation.

— Ou autre chose.

Après un gémissement de répugnance, le jeune fille pénétra dans la tour. Owen et Théodore lui emboîtèrent le pas. A l’intérieur, les deux hommes furent surpris par l’absence d’escalier en colimaçon. En réalité, la salle la sidéra pas son vide. Sur les murs, de longues tiges en airain s’étendaient du bas jusqu’au sommet de l’édifice.

Aurore déclencha un autre mécanisme qui referma la porte et fit vibrer le sol sous leur pied. Les guerriers notèrent alors qu’ils se trouvaient sur une plateforme non pas de terre ou de pierre, mais de métal couleur cuivre.

L’adolescente se rapprocha des deux hommes, qui s’étaient ramassés au centre de la pièce, incertains de ce qu’il allait advenir d’eux. Le sourire sur le visage mutin de la jeune fille les rasséréna quelque peu.

— Cette tour date de l’époque du Lion lui-même. Forléo est également parsemé de mécanismes ingénieux de ce genre. Mais la plupart de ces passages dérobés ne sont dévoilés qu’aux membres de la famille royale.

Soudain, la plateforme sous leur pied se mit en branle et entama son incroyable montée. Les tuyaux de métal cuivré projetaient une lumière tamisée, dessinant des portraits inquiétants des trois voyageurs.

A la moitié de cette ascension, Aurore fit face aux deux hommes.

— Il y a ultime détail que je ne vous ai pas encore révélé.

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