Chapitre 2 (1/6) : Un début théâtral
Dans l’auditorium se trouve plusieurs rangées de bancs verts et, au plus proche d’une modeste scène, d’autres rouges. Les murs sont supportés par d’imposants piliers et longés par plusieurs tableaux montrant les différentes pièces de théâtre qui ont autrefois étés jouées. La cacophonie, produite par une centaine d’élèves, empêche le jeune garçon de s’entendre penser.
Il doit trouver le responsable de la classe 1G. Malgré que la plupart des enseignants soient facilement identifiables par une pancarte arborant une lettre, celle de son groupe manque à l’appel. Voyant l’adolescent perdu, un membre du personnel vient l’aider. La pancarte du groupe disparue se révèle être juste à côté de lui, accotée à une chaise. Embarrassé, le garçon remercie son sauveur. Au moment d’aller s’asseoir, il entend son ami Charlie l’interpeller au loin. Ce dernier agite le bras énergiquement. Nicolas lui répond d’un bref hochement de tête et d’un sourire discret.
Une fois face à sa classe, personne n’y prête attention. Il est aussi transparent qu’un fantôme. Le garçon timide se contente d’aller s’asseoir.
« C’est comme à l’école élémentaire… », souffle-t-il dépité.
Une profonde peur de la solitude s’éveille chez lui. L’idée que rien ne puisse être modifié l’effraie. Le garçon avait hâte d’être à l’académie, car pratiquement personne ne le connaît. Pour lui, c’est la situation parfaite pour changer radicalement : devenir quelqu’un qui exprime plus ses émotions et plus sociable. Il ne veut plus être l’élève fantôme que personne ne remarque, qui ne vient à l’école que par obligation et qui ne laisse aucune trace de son passage une fois celle-ci terminée.
Nicolas déprimé, voit soudain un visage familier, celui de sa camarade Alice Roy. Il connaît cette dernière depuis l’école élémentaire et a essayé autrefois d’être son ami, mais par son incompréhension de la gent féminine les deux enfants ne sont restés que de simples connaissances. La jeune fille à la peau mulâtre est une semi-papillon. Elle a une paire d’antennes et de petites ailes brunes et violettes.
Heureux de voir Alice, Nicolas la salue d’un enthousiasme exagéré avant de se faire royalement ignorer. Pensant qu’elle est trop occupée à parler à sa voisine, le garçon l’interpelle de nouveau. Énervée d’être épiée, elle se retourne et lui rend sa salutation de manière agressive pour bien lui faire comprendre qu’elle ne veut pas lui adresser la parole. Cependant, il ne l’interprète pas de cette manière et se croit inclus dans la conversation. Naturellement, l'adolescent essaie de se présenter à la voisine d’Alice avant d’encaisser deux regards pleins de dégoût.
- Alice, tu le connais ?
- Oui… répond-elle en soupirant. C’est Nicolas, on était souvent dans la même classe à l’élémentaire.
- Ha, je vois, il a l’air lourd… souffle odieusement l’adolescente avant de l’ignorer à nouveau.
Nicolas comprend qu’il n’est pas le bienvenu et, qu’au contraire, se fait rire au nez. Malgré un tel irrespect, le garçon ne répond rien et se contente de serrer les dents ainsi que d’avoir le coeur noué. Nicolas ne veut qu’une chose : partir loin d’ici, loin de tout ce chaos qui envahit sa tête. Cette cacophonie qui, même sans sa présence, resterait inchangée. Le garçon essaie tant bien que mal d’étouffer le bruit en appuyant ses mains sur ses oreilles.
« Je veux que ça cesse ! », se crie intérieurement Nicolas.
Tout à coup, un grincement se fait entendre et met fin au chaos ambiant. L’ambiance a radicalement changé, comme si son souhait a été entendu. Un homme dans la quarantaine apparaît des coulisses, un micro à la main.
« Bonjour chers nouveaux élèves ! Je me présente, monsieur Dufour. Je suis l’un des directeurs de l’école. Je sais que vous êtes probablement stressés pour votre première journée. Sûrement que la plupart d’entre vous se disent qu’il aurait mieux fait de rester à l’école élémentaire. Ha ! ha ! ha ! Ne vous inquiétez pas ! Je suis sûr que vous allez vous faire des amis très bientôt ! »
« Menteur… », pense l’adolescent solitaire.
« Je comprends que vous n’avez pas envie de rester ici à m’entendre parler pendant des heures, mais il est essentiel que vous rencontriez vos conseillers et enseignants ! »
Sept adultes montent sur la scène. L’un d’entre-eux s’avance. Le petit homme aux yeux verts tilleul adore l’aventure et l’exprime clairement dans sa façon de s’habiller. Chemise à poches kaki, short cargo beige et chaussure brune imperméable, tout donne l’impression que le trentenaire va partir en excursion dans la jungle.
« Bonjour, je suis Marc-Olivier Laplante, je serai votre enseignant d’éthique et culture magique. J’enseigne également la géographie, je maitrise les plantes carnivores et je suis le conseiller de la classe 1A ! Maintenant, j’invite Charlie Houde et Mathieu Laroche à monter sur la scène, s’il vous plaît ! »
En entendant cette requête, des voix incrédules font leur apparition. Nicolas est tout aussi abasourdi que Charlie. Ce dernier n’est pas timide comme le semi-golem, mais préfère éviter d’être le centre de l’attention. Malgré le trac, le jeune garçon va sur scène accompagné de près par Mathieu Laroche qui est légèrement plus petit. Ses jambes sont musclées et sont la preuve d’entraînements rigoureux. Ses yeux noirs ne reflètent aucune incertitude et expriment une confiance naturelle. Sa nervosité ne s’interprète que par un replacement frénétique de ses cheveux châtain clair.
- Pour ceux qui ne le savent pas, à Saint-George-du-Bouclier, chaque année, on fait affronter deux élèves de chacune des classes de première année. Inquiétez-vous pas, vous serez équipés d’une amulette de vie pour vous protéger des blessures et de la douleur. Le combat prend fin si les points de vie d’une des amulettes tombent à zéro ou s’il dépasse les cinq minutes ! Avant de commencer est-ce que vous avez des questions ?
- Est-ce que le gagnant remporte quelque chose ? demande Mathieu, la main levé.
Le professeur légèrement embarrassé prend un temps à répondre.
- On peut dire que vous remportez la satisfaction d’avoir gagné… ricane-t-il.
Des deux côtés de la scène gisent des ceintures arborées d’une énorme gemme translucide. Les deux élèves en enfilent une au niveau de leur torse pour que le cristal soit aligné à leur coeur. Une fois installé, une voix robotique émerge de l’accessoire :
« Synchronisation en cours… Synchronisation terminée…
Réception des données… Réception terminée…
Duel opposant Rouge contre Bleu.
Durée : 5 minutes.
Initialisation des protections… Initialisation terminée…
En attente du signal. »
Les gemmes des deux élèves s’illuminent. Celle de Charlie devient rouge et celle de Mathieu bleu. Les adolescents se mettent en position, prêts à en découdre.
« Signal reçu… 3… 2… 1… Commencez ! »
Dès le début du combat, Mathieu se met à courir vers son opposant. L’étroitesse de la scène favorise sans conteste les confrontations directes. Pris au quart de tour, Charlie réplique aussitôt.
« Rafale de pyrites ! »
Des pierres dorées apparaissent dans les airs autour de lui avant d’être projetées par des explosions enflammés. En courant en ligne droite à cette distance, il serait dur de les éviter. Cependant, Mathieu s’y est préparé, recouvre sa peau d’une armure en pierre noires immaculées et encaisse les pierres dorées sans freiner sa course. De l’obsidienne, une pierre aussi résistante que coupante. La force du mage d’obsidienne n’est pas dans son offensive, mais bien dans sa défense inébranlable. Charlie ne se laisse pas décontenancer pour autant et enchaîne avec un second sort, cette fois beaucoup plus violent.
« Ça te suffit pas ? Prends ça !»
Une imposante pierre dorée propulsée par une explosion se fracasse sur la masse rocailleuse humanoïde. De l’impact émerge un torrent ardent. Charlie pense la victoire sienne quand soudain Mathieu sort des flammes comme si de rien n’était. Surpris, le mage de pyrite essaie le plus vite possible de concentrer son mana dans sa garde.
« Ne crois pas t’en sortir ! »
Un puissant martèlement du pied crée une onde de choc ténébreuse et des fragments d’obsidienne. Le coup suffit pour déséquilibrer Charlie qui s’écorche sur les multiples pierres aiguisées. Son adversaire sort de sa paume un imposant pique et l’abat sur sa gorge. Au moment de l’impact, le sort est bloqué par une barrière invisible. Une voix robotique émane de l'artefact avant qu'il ne se relève.
« Point vital touché.
Fin du combat.
Victoire : Bleu.
Durée de l’affrontement : 41 secondes. »
L’amulette a tout encaissé. Sans cette protection, le jeune garçon aux yeux dorés serait probablement mort sur le coup.
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