Les élèves applaudissent avec enthousiasme. L’affrontement a réveillé l’esprit combatif de plusieurs au point que certains espèrent être choisis. Nicolas, quant à lui, est abasourdi de voir son ami vaincu par un inconnu. Pendant leur enfance, les deux adolescents se sont souvent battus ensemble pour s’amuser. Le semi-golem sait à quel point le mage de pyrite est redoutable.

Les combats suivants se passent sans accroc opposant des mages aux éléments plus différents les uns que les autres. L’un met en scène une manipulatrice de tissus, un autre oppose une magicienne de cendres volcaniques à une de sables écarlates puis un semi-corbeau apeuré abandonne instantanément son combat.

Il ne reste que le duel de la classe G. Une femme dans la trentaine aux cheveux courts noirs s’avance sur scène. Le cyan de ses yeux, son sourire ainsi que sa posture émanent une bienveillance et une intelligence inhérentes.

• Bonjour, je m’appelle Sylvie Vigneau et je suis la conseillère de la classe 1G. J’enseigne les sciences pour toutes les premières années. Je suis heureuse d’avance de vous connaître ! Sinon les élèves que j’ai choisis sont…
• Une minute madame Vigneau ! vient interrompre le directeur. Pour ce combat, j’ai fait ma propre sélection. Si vous n’en voyez pas d’inconvénient.

La femme exprime un regard craintif.

• Chers élèves, j’ai pour vous un combat qui va vous couper le souffle ! Il s’agit de deux mages en possession de l’arcane de la forge ! Deux élèves aux ancêtres tueurs de golems ! Ça ne vous donne pas envie ? Moi oui !
• Non, mais on avait convenu qu’on ne le ferait pas combattre… chuchote nerveusement Sylvie à son supérieur.
• Maxime Deschamps et Nicolas Thibodeau, veuillez monter sur scène !

Le semi-golem est sous le choc et complètement paralysé. Pour lui, tout est au ralenti et le son ambiant devient inaudible.

« Quoi… moi ? Non… je ne veux pas… »

Nicolas sort de son état de transe. Alice, par un léger coup de pied sur le dossier de son siège, l’oblige à se lever. Les regards se rivent dans sa direction. Ils sont comme des pics douloureux et tous ces faibles chuchotements sont devenus d’assourdissantes moqueries. Son coeur raisonne dans sa poitrine et bat fort au point d’exploser. Nicolas se voit déjà la corde au cou, la scène étant l’échafaud de sa vie sociale. Il y monte le coeur lourd. Sa future adversaire étant son bourreau. De ses yeux bleu rougeâtre, cette dernière le dévisage. Pour une jeune fille de douze ans, elle est gigantesque et sa musculature n’a rien à envier à celle de ses camarades masculins.

• Hé, toi. T’es qui ? chuchote la géante.
• Hein ? Je… bah… Nicolas Thibodeau…
• Ne fais pas l’innocent… continue-t-elle agacée. T’es un semi-go…

Elle n’a pas pu finir sa phrase, interrompue par le directeur. Cependant Nicolas comprit.

« Elle le sait ?! Mais comment ? Comment peut-elle le savoir ? Pourtant j’ai rien fait ! », pense-t-il complètement paniqué.

« Donnez le meilleur de vous-même pour ce dernier combat ! Je compte sur vous ! »

D’un claquement de langue agacé, la jeune fille aux longs cheveux bleus et rouges pastels va se préparer de son côté de la scène. Le semi-golem qui, à la base, avait l’intention d’abandonner, change d’avis. L’affrontement donne une opportunité d’en apprendre plus sur cette fille au teint basané. Les deux combattants installent leurs amulettesLe cyan de ses yeux, son sourire ainsi que sa posture émanent une bienveillance et une intelligence inhérentes. de vie.

« Synchronisation en cours… Synchronisation terminée…

Réception des données… Réception terminée…

Duel opposant Rouge contre Bleu.

Durée : 5 minutes.

Initialisation des protections… Initialisation terminée…

En attente du signal. »

La gemme de Nicolas s’illumine de bleu et celle de son adversaire de rouge. Le regard de dégoût qu’elle arbore confirme les craintes du semi-golem.

« Signal reçu… 3… 2… 1… Commencez ! »

« Boulet de vapeur ! », crie instantanément l’adolescente.

Un projectile d’air chaud se dirige rapidement sur Nicolas. Il se défend aussitôt avec un nuage en forme de disque plat. L’impact entre les deux masses d’air produit une puissante bourrasque le déstabilisant. Le semi-élémentaire n’a pas le temps de souffler qu’il est d’ores et déjà canardé par d’autres projectiles plus petits. L’adolescent n’a pas d’autre choix que de renforcer sa défense à l’aide de son mana. Une énergie turquoise émane de lui et encaisse sans broncher les coups. Il recherche une éventuelle ouverture. N’en voyant aucune, Nicolas tente le tout pour le tout. Il contre les boules de vapeur en projetant plusieurs petits nuages en forme de disque puis enchaîne avec son sort Arcus. Un rayon nébuleux sort de sa bouche et vient s’abattre directement sur Maxime. À son tour, le semi-golem ne la laisse pas respirer et enchaine avec une incantation.

« Nuage aux multiples couleurs peint le ciel. Nuage nacré ! »

Une sphère iridescente se forme dans sa main droite. Sept rayons de couleurs en émergent et ondulent vers l'adolescente.

« Tu m’auras pas aussi facilement ! dit-elle en se mettant à foncer sur lui. »

Une puissante barrière translucide se dresse devant elle et rend l’attaque de Nicolas aussi efficace qu’un moustique s’étalant sur un pare-brise. Le corps du mage de nuages s’entrechoque violemment avec la membrane d’air chaud et se retrouve projeter au sol. Il essaie de se relever, mais se fait très vite agripper par le col.

« À voir comment t’es nul, on dirait bien que je me suis faitee des idées. Tu peux pas être un semi-golem… », chuchote-t-elle à son oreille.

En entendant ses mots, Nicolas se sent à la fois insulté et rassuré.

• Bon… il est temps d’en finir.
• T’as raison, répond le garçon d’un ton insolent.

Soudain, Nicolas sort de sa jambe droite un fin ruban bleuté de quelques mètres, le renforce en le gorgeant de mana et l’abat sur la poitrine de son adversaire. Prise au dépourvu, elle encaisse l’attaque de plein fouet sans rien pour la protéger.

« Point vital touché.

Fin du combat.

Victoire : Bleu.

Durée de l’affrontement : 1 minutes 47 secondes. »

Si au premier abord, ce ruban ressemble à un sort normal, sa nature demeure toute autre. Il s’agit d’une partie du corps de Nicolas octroyée par sa nature de semi-golem. Il en a un dans chaque jambe et chaque bras et peut les manipuler comme bon lui semble.

Soudain, Nicolas se rappelle les multiples paires d’yeux le fixant et se tétanise de peur.

« Pourquoi personne ne réagit ? »

Pour lui, tous les élèves le voient maintenant comme un monstre et pourtant la réalité est autrement. Si les adolescents sont de marbre, c’est tout simplement, car ils sont surpris de l’issue de l’affrontement : un frêle garçon l’a remporté sur une géante baraquée.

Tout à coup, un unique applaudissement fait écho dans cette auditorium silencieux. C’est Charlie qui félicite son ami. Les autres premières années se mettent à faire de même, époustouflées par le combat qu’ils viennent de voir. Surpris, Nicolas reste bouche-bée. Lui, ayant toujours eu peur d’être de nouveau méprisé pour sa force, il s’écroule de soulagement. Il a maintenant l’espoir d’avoir une adolescence normale.

• Est-ce que ça va ? demande sa conseillère madame Vigneau.

Il répond d’un bref hochement de tête. Avant de se rasseoir, l’enseignante se met à l’écart avec lui dans les coulisses.

• Je dois m’excuser, car rien de tout ça aurait dû arriver. À la base, tu n’aurais jamais dû combattre. Ta mère a dit à l’école ce que tu es vraiment et je m’étais mise d’accord avec M. Dufour pour ne pas te faire combattre, mais que les deux derniers duels se finissent par des abandons l’ont irrité…
• Vous n’avez pas à vous excuser.
• Sinon… dans l’ensemble est-ce que tu vas bien ? Aucun membre engourdi ? Aucune suspicion de surcharge ?
• Non, ça va. De toute manière, je serais pas un peu jeune pour faire une surcharge ?
• Pas du tout ! Ta puberté a sans aucun doute commencé ! En plus de favoriser, le développement de ton corps, c’est aussi ce qui contribue aux pertes de contrôle de ta magie.

Un rictus se dessine sur le visage de l’adolescent.

• Qu’est-ce qu’il y a ?
• On aurait dit que vous me donniez un cours, répond-il en détournant ses yeux turquoise.

Elle sourit brièvement avant de prendre un air plus grave.

• Nicolas, j’imagine que tu sais pourquoi je te pose cette question…
• Je sais… Vous devez vérifier qu’il n’y a aucun signe avant-coureur que je me transforme en golem.
• Je veux juste que tu saches que ce n’est pas par peur de toi, mais bien pour la sécurité des autres et la tienne que je te demande tout ça, souffle l’enseignante d’un air maussade.
• Vous savez madame Vigneau. Pour moi, entre de la haine, de la peur ou de la pitié, il n’y a pas de réelle différence. Ça me rappelle seulement que je ne suis pas comme les autres et que je ne le serai jamais, explique froidement le semi-golem.

L’enseignante sous le choc ne sait pas quoi répondre à cette dure réalité. Très peu s’en révèlerait capable. Les combats dorénavant terminés, les élèves quittent l’auditorium pour aller dans leur salle de classe attitrée.