Après avoir mangé, Charlie et ses amis, assis autour d’une table, s’attardent à l’aide de leurs cellulaires sur les résultats de la capture du drapeau.

• Ça fait bizarre de se dire que sur plus de deux cents élèves, on a été les deux seuls survivants, ricane le semi-poisson rouge.
• C’est normal avec l’autre cinglé de hibou et ses aurores boréales ! Vous avez vu combien de kills il a faits ? Il en a fait trente et un ! TRENTE…ET…UN ! Ça représente une classe à lui tout seul… Pas étonnant que je n’ai rien pu faire contre lui, lâche Dylan, visiblement dégoûté.
• Ne sois pas trop dur avec toi-même. Tu t’es bien débrouillé aussi ! Regarde ! En termes de kills, t’es troisième avec dix-huit points et….
• OHHHHHH ! interrompt Rachel. Les gars ! William… je veux dire le harfang des neiges, il est deuxième dans le classement général des élèves de première année !
• Comment ?! Il y a quelqu’un d’encore plus fort que lui ? s’exclame le garçon à lunettes, surpris.

Pendant que ses camarades s’interrogent sur l’identité du premier du classement, Charlie reste fixé sur la sixième place.

« Nicolas… »

Interloqué par les marmonnements, Mathieu s’interroge sur ce qui peut bien autant obnubiler le saint de pyrite et jette son dévolu sur les autres mages du top 10.

« Oh regardez ! Charlie est dixième ! »

L’agitation sort Charlie de ses pensées et le fait retrouver le sourire. Le groupe d’amis passe le reste du dîner à discuter et rire des résultats. Rachel ressasse sans cesse à quel point ça la fruste d’être à deux doigts du top dix avec sa douzième place. Mathieu pour la taquiner lui rappelle à multiple reprise sa onzième place. Léon, avec un mélange de sarcasme et d’amertume, rappelle en rigolant qu’il est dans les méandres du classement.

***

Nicolas, comme à son habitude, arrive devant sa classe au moins une demi-heure avant que la cloche sonne. Il passe le temps sur son ordinateur portable à regarder des vidéos et à flâner sur Parchment, le réseau social le plus populaire du moment. Le garçon s’amuse à personnaliser sa page personnelle en la décorant d’un arrière-plan de nuages. Cependant, son élan créatif est coupé net par Maxime qui lui ferme son ordinateur au nez. L’adolescent exprime de l’incompréhension.

• Tu étais où en avant-midi ? lui demande-t-elle, légèrement agacée.
• Qu’est-ce que ça peut te faire de savoir où j’étais ?
• Ne réponds pas par une autre question ! Tu sais quoi… laisse tomber, dit-elle en s’apprêtant à partir.
• J’étais chez le médecin, répond Nicolas, après quelques secondes d’hésitation.

Le visage légèrement irrité de Maxime s’adoucit et devient plus inquiet.

• Oh… Tu vas bien ?
• Oui. C’était un examen de routine, répond-il, nonchalant.
• Ha. Si c’était que ça.

L’adolescent lâche un soupir lassé.

• Qu’est-ce que tu veux ?
• Je voulais te dire… je me suis ravisé ! Avec le classement qui est sorti, je n’ai plus aucun doute. Je suis sûr que tu es un semi-golem !

Nicolas se fige. Pour ne pas éveiller les soupçons, il essaie de rester le plus neutre possible.

• Tu crois encore ça… soupire-t-il, agacé.
• Ne joue pas au malin avec moi ! s’exclame-t-elle en frappant le mur. Écoute-moi bien, Thibodeau ! Je sais que t’es un semi-golem. Je ne suis pas là pour te menacer, je suis là pour t’avertir que je t’ai à l’oeil. Je sais que trop bien ce que toi et tes semblables êtes capables de faire ! Tiens-toi tranquille, si tu ne veux pas avoir affaire à moi !

Le jeune garçon ne fait transparaître aucune peur et tasse calmement le poing de sa camarade.

• Comme je t’ai dit, je ne suis pas un semi-golem.

D’un claquement de langue agacé, Maxime s’en va avec une démarche remplie d’agressivité. Les élèves qui ont le malheur de croiser sa route s’empressent de lui céder le passage.

À force d’entendre parler du classement, Nicolas décide d'y jeter un oeil. En se connectant sur la page du portail de son école, il voit plusieurs onglets s’afficher, dont celui qui l’intéresse. Voir qu’il est dans le top 10 le réjouit et l’inquiète en même temps. Il est heureux que ses camarades puissent constater qu’il est fort, mais le garçon a peur qu’être aussi haut dans le classement attire des soupçons comme c’est arrivé avec Maxime. L’adolescent remarque aussi qu’un nouvel onglet est maintenant disponible, celui de ses statistiques personnelles. En cliquant dessus, une multitude de chiffres s’affichent sur son écran d’ordinateur.

Niveau Moyen : N12,16 (V+. N13 00)

——————————————————————————————————————————————

Attaque : N11,50

—

Défense : N13,18

—

Vitesse : N10,66 (V+. N14,08)

—

Agilité : N6,94 (V+. N12,00)

—

Détection : N9,02

—

Furtivité : N16,11

—

Endurance : N11,75

—

Réserve Magique : N15,89

—

Absorption : N13,25

—

Régénération : N13,25

——————————————————————————————————————————————

Nicolas, faisant affaire pour la première fois à ses statistiques, ne comprend pas sur le coup ce que veulent dire tous ces mots et ces chiffres et va s’informer sur Internet.

« Les statistiques, composés de dix catégories, ont pour but de montrer grâce à des chiffres les propriétés de la magie d’un mage. Utilisées dans presque tous les États du monde, elles sont présentes sur toutes les pièces d’identité d’un adulte », lit-il en plissant ses yeux turquoise, dubitatif.

Le jeune garçon s’interroge ensuite sur les propriétés des différentes statistiques. Si l’attaque et la défense lui sont familières, d’autres comme la détection et l’absorption se révèlent beaucoup plus obscures.

« Un mage peut concentrer son mana dans l’une de ses dix statistiques pour changer temporairement ses propriétés. Concentrer son mana dans l’attaque… bon ça je sais c’est quoi… la défense aussi. Hmmm… la détection ? Concentrer son mana dans la détection permet de plus facilement repérer les empreintes magiques des alentours. Donc si je suis cette logique… la furtivité, ça serait la statistique que j’utilise quand je cache ma présence. Pas étonnant qu’elle soit aussi élevée dans ce cas… Sinon… l’absorption, c'est quoi ? Concentrer son mana dans l’absorption permet de régénérer sa réserve de manas plus rapidement. »

Maintenant qu’il comprend mieux la signification de tous ces chiffres, il se demande où il se situe par rapport aux adolescents de son âge.

« Niveau 10 en moyenne ?! dit le jeune garçon abasourdi. Je suis deux niveaux au-dessus ! Mais pourquoi y a un autre nombre en parenthèse ? Et c’est quoi ce «V+» ?

Nicolas a beau tapoter sur son ordinateur, il n’arrive pas à trouver une réponse. Au même moment, Madame Vigneau arrive pour ouvrir la porte de la classe et voit son élève embêté.

• Tout va bien Nicolas ?
• Pas tout à fait. Je me demandais quelque chose à propos de mes stats. Pourquoi j’ai un chiffre entre parenthèses ? demande-t-il en montrant son ordinateur à son enseignante.
• Oh ça ! Ça veut dire que tu as une aptitude qui change considérablement tes statistiques quand elle est utilisée. Dans ton cas, ça doit être parce que tu es capable de voler, explique-t-elle en chuchotant sur la fin.

Nicolas remercie son enseignante avant d’aller s’asseoir dans la classe en affichant un sourire discret.