Chapitre 6 (3/3) : Un nouvel ami

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Les épis sont à maturité depuis plusieurs semaines et leur arrivent jusqu’aux hanches. Un fois au centre du champ, les bâtiments aux toits en tuiles bleutés de la ville semblent lointains.

  • Nic… pourquoi tu m’amènes là au juste ? demande Frank en essayant de cacher son inquiétude.

L’intéressé se retourne vers lui et affiche un visage rempli de doute. Il incante l’Univers de la Fata Morgana.

« Je fuis la réalité dans les cieux. Nuage illusoire, descends et fais-nous sombrer dans ton univers. Fata Morgana. »

Une sphère de nébulosité se forme autour des deux garçons avant de se fondre dans le décor.

  • Voilà… Maintenant personne de l’extérieur ne pourra nous voir. Frank… comme tu as pu voir… Hum… Je sais voler. Et bien… c’est parce que…

Les mots n’arrivent plus à sortir. Le semi-golem, résolu, décide alors de lui montrer plutôt que de lui dire. Il fait quelques manipulations à sa montre et hésite à appuyer sur le bouton qui désactive le camouflage de ses nuages. Le semi-golem prend une grande inspiration, ferme les yeux et appuie. Par des particules lumineuses blanchâtres et bleutées, les cheveux de Nicolas disparaissent pour dévoiler ce qu’ils sont réellement. Frank a la mâchoire qui tombe et les yeux béants. Il essaie de parler, mais il peine à y arriver.

  • Des… des nuages ? Nic… Nicolas, tu es un…

Le semi-golem ouvre ses yeux. Il essaie de lever la tête pour voir la réaction de son ami, mais c’est trop dur pour lui. Nicolas a peur de croiser un regard orangé rempli de colère, de haine ou d’effroi. Soudain, le garçon entend Frank avancer tranquillement dans sa direction. Le semi-golem se crispe d’angoisse. Sa respiration s’accélère, il ne sait pas quoi faire quand tout à coup, il sent quelque chose palper ses nuages.

« Hmmm… c’est vraiment super doux ce truc », lâche Frank nonchalamment.

Le jeune garçon, abasourdi, relâche toute la pression accumulée d’un seul coup. Ses yeux se gorgent d’eau. Nicolas, embarrassé, s’essuie en vitesse. Le semi-élémentaire a enfin l’impression de se sentir accepter par quelqu’un.

  • Merci…
  • Ça serait plutôt à moi de te remercier de m’avoir partagé ton secret. Je te promets, avec moi, il sera bien gardé, dit Frank en appuyant sa main sur l’épaule de son ami.

Nicolas lâche un énorme sourire.

Le soleil couché, les deux nouveaux amis quittent chacun de leur côté le champ de blé.

Le semi-golem s’envole, le coeur rempli de bonheur. Il se retient de crier toute cette joie et l’exprime plutôt en voltigeant à toute allure dans les airs. L’adolescent est si heureux qu’il ne fait même pas attention à ne pas être vu une fois rendu chez lui. Il s’apprête à ouvrir la porte, mais sa maternelle visiblement en colère le devance.

Sa joie s’envole sur le coup. Nicolas se fait crier dessus, c'en est trop pour sa maternelle qui se sent défiée et dépassée par son attitude insouciante et insolente. La retenue pour s’être battu et être encore revenu à la maison en volant sont les gouttes d’eaux qui font déborder le vase.

Nicolas est interdit d’ordinateur et d’Internet jusqu’à nouvel ordre, mais Nicolas en a gros sur le coeur et déverse lui aussi tout ce qu’il ressent ainsi que tout ce qu’il endure au quotidien. Sa mère se tait, complètement estomaquée de voir son fils si désemparé et émotif. Elle se remet en question :

« Suis-je allée trop loin ? Est-ce que je comprends mon fils ? Est-ce que je l’éduque correctement ? Est-ce que je fais quelque chose de mal ? »

Christine s’apprête à s’excuser et lui dire à qu’elle veut arranger les choses, mais Nicolas sort, sous les émotions, la phrase de trop.

  • De toute façon, je sais que tu ne m’aimes pas et que tu vois en moi juste un monstre ! Le jour où je suis devenu un semi-golem… t’aurais voulu que je crève !

Nicolas reçoit une claque au visage. Il touche sa joue rougie par le coup, choqué.

  • Va dans ta chambre et n’en sors pas jusqu’à demain matin ! ordonne-t-elle d’un ton dur.

Fâché, Nicolas ne remarque pas les larmes qui commencent à couler sur les joues de sa mère.

Bouleversée, elle s’effondre sur ses genoux de chagrin. Charles, l’entendant sangloter depuis la cuisine, vient la prendre dans ses bras.

***

Nicolas est étalé sur son lit dans le noir complet. Il n’a pas vraiment sommeil et se contente de regarder dans le vide. Sa porte s’ouvre. De la lumière pénètre dans la pièce et l’aveugle légèrement.

  • Tu as fait beaucoup de peine à maman, tu sais ? lâche Rosalie.
  • Et tu crois qu’elle m’en a pas fait ?
  • Non… c’est pas ce que je veux dire. Maman s’inquiète beaucoup pour toi. Je ne sais pas trop ce qui se passe, mais elle pleure, en haut, explique la jeune fille, en jouant dans ses mèches de cheveux bleu pastel.
  • C’est pas mon problème. Sors de ma chambre, maintenant.
  • Nico, va la voir…
  • Sors de ma chambre, Rosy ! crie-t-il en libérant une once de magie de nuages.

Ses iris turquoise s’illuminent. Apeurée, sa petite soeur sanglote. Le jeune garçon, voyant son erreur, s’apprête à s’excuser.

  • Nico… T’es qu’un imbécile, s’exclame-t-elle en jetant un coquillage gorgé d’eau sur son frère, avant de claquer la porte.

Ses yeux retrouvent leur éclat d’origine. Ses vêtements sont trempés. Conscient qu’il a dépassé les bornes, il se contente de chuchoter des excuses que seul lui peut entendre.

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