Chapitre 8 (2/2) : Un fugueur fugitif

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Nicolas se réveille, le visage étendu sur le sol. Des épis de blés lui chatouillent les narines et le font éternuer. Son corps tout entier lui fait affreusement mal. Se tourner sur le dos est difficile.

Le ciel est bleu et les nuages sont d’un blanc immaculé. Le vent frais qui souffle sur sa peau est comme un baume pour ses blessures.

S’assoir est douloureux. Le garçon reconnait ce champ de blés. C’est celui proche de son école. Pour voir l’ampleur de ses blessures, Nicolas crée un clone à l’aide d’un sort d’illusion. Voyant son reflet parsemé de bleus, l’adolescent, dégouté, s’empresse de le faire disparaitre.

« Il faudrait que j’aille à la pharmacie… »

Au moment de se lever, une douleur à son pied droit se fait sentir. Elle est si intense que cela l’empêche de marcher. Il n’a pas d’autre choix que de voler pour se déplacer. Une fois à la pharmacie, les employés, interloqués, le scrutent. À la caisse, après avoir pris quelques médicaments et bonbons, il remarque que la vendeuse essaie tant bien que mal d’ignorer ses multiples bleus. Au moment de payer, Nicolas, insouciant, utilise sa carte bancaire en ne sachant pas qu’il vient de commettre une grossière erreur.

***

Au poste de police principale de la ville de Raillard, une grande salle est remplie d’ordinateurs. Les murs sont recouverts de petits écrans avec en son centre un beaucoup plus grand.

Une jeune policière s’effondre d’exaspération sur son clavier. À bout de patience, elle s’avachit sur sa chaise et commence à la faire tourner sur elle-même inlassablement en maugréant des choses incompréhensibles. Elle n’arrive pas à retrouver le jeune semi-golem à l’aide d’un appareil qui retrouve les empreintes magiques.

Sa tâche est loin d’être facile. La capacité à voler, la statistique de furtivité élevée et le sort d’invisibilité du garçon sont loin d’aider la policière dans ses recherches. Dans cette ville de plus de 500 000 habitants, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

La policière fait part de son exaspération à son collègue de bureau. Ce dernier se contente de mettre sa main sur l’épaule de sa coéquipière en signe de solidarité.

Leur conversation est soudainement interrompue par l’arrivée du vieil inspecteur chargé de retrouver le garçon. L’heure est maintenant aux réjouissances. La mère de Nicolas vient tout juste de les informer par téléphone que le disparu a utilisé sa carte bancaire à une pharmacie non loin de l’Académie Saint-Georges-du-Bouclier. La jeune policière réduit le rayon de recherche de la machine à cinquante kilomètres autour du lieu. Le détecteur d’empreinte magique finit par localiser le fugueur au bout de trois jours dans un champ proche de l’Académie.

Le garçon veut reprendre des forces avant de partir en direction de Trois-Courants, cependant ses vacances vont être vite écourtés. Le semi-golem, insouciant, se laisse bercer par le vent, réchauffer par le soleil et apaiser par la douce odeur du blé fraîchement coupé. Une motte de foins laissée sur place lui sert de lit.

Une dizaine de policiers s'approchent silencieusement. Chaque membre de l’escouade prend le soin de camoufler son mana. Malgré toute leur précaution, un son parvient aux oreilles du fugueur. Il s’apprête à se lever pour voir de quoi il s’agit, mais soudain un filet en métal le recouvre entièrement. Des fibres de mana s’activent et empêchent le captif d’utiliser sa magie. Nicolas essaie de se débattre, mais rien n’y fait, il est piégé. Les policiers sont satisfaits que sa capture se soit faite sans encombre à l’exception du vieil inspecteur qui claque sa langue, irrité.

« Hé la bleusaille ! Vous alliez vraiment vous faire avoir par un gamin de douze ans ? » demande-t-il en produisant une onde qui ratisse les environs.

Quelques mètres plus loin, un jeune adolescent apparaît de nulle part, tandis que celui capturé par le filet disparaît.

« Une illusion ! » lâche un policier, surpris

Nicolas s’empresse de s’envoler, mais le vieux détective ne le laisse pas faire. Il lance à sa poursuite deux anneaux d’ondes si compactées et infusées de manas qu’elles deviennent grisonnantes et grinçantes. Le fugueur se fait immobiliser en plein vol et s’écrase comme un oiseau qui vient de se faire abattre par une carabine. Son front est en sang. Nicolas, sonné, ne distingue plus correctement ses sens. Capturé par le sort du sexagénaire, il ne peut plus bouger.

Les policiers approchent sur leur garde. Le semi-golem peine à comprendre ce qu’ils se disent.

« Faites attention ! Il a beau avoir l’air d’un gamin inoffensif, il peut se transformer en monstre à tout moment et nous tuer sur le coup. »

En entendant de telles paroles, Nicolas retrouve son esprit. Ses yeux, bouillonnant de colère, produisent une lueur turquoise. Ceux qui devraient le protéger, le chasse comme un vulgaire nuisible. Soudain, une voix remplie de malice lui murmure à l’oreille.

« Tu vois… peu importe où tu iras, on te verra toujours comme un monstre. S’ils veulent tant en voir un, montre-leur… »

Le semi-golem acquiesce intérieurement et récite l’incantation que lui souffle sa voix intérieure. Cependant, le vieux détective ne le laisse pas faire et le réduit au silence à l’aide d’une puissante onde sonore. Nicolas ne s’entend plus penser et a l’impression que ses tympans vont exploser sous les sons stridents. L’inspecteur de police reçoit un regard gorgé de haine.

« C’est inutile d’essayer quoi que ce soit. Tant que je maintiendrai mon sort, tu ne pourras rien faire ! »

Sans sa magie, Nicolas est à la merci des policiers. Sa seule option est de ruser.

  • N’approchez pas ! crie-t-il ! Je vais me transformer !

Cependant, le sexagénaire n’est pas dupe.

  • Pfff… lâche-t-il, amusé. Mon cher semi-monstre, tu crois vraiment m’avoir avec une ruse aussi enfantine ? Tu sais très bien comme moi que si tu étais capable de contrôler ta transformation en golem, on n’en serait pas là !

Une telle douleur est insupportable. Soudain, des marques turquoise fluorescentes commencent à se dessiner partout sur son corps. Une puissance incroyable l’envahit. Le semi-golem libère le plus d’énergie possible et se libère du joug du détective. Il se dépêche de réciter une incantation.

« Ma réalité n’est que cauchemars. Leur réalité n’est que rêves idylliques. Fata Morgana, fais leur découvrir mon enfer, mes angoisses et mes souffrances. Orage de cauchemars ! »

Un policier lance un second filet anti-magie, mais, dès lors que les derniers mots de Nicolas sortent de sa bouche, de puissants nuages et rafales l’enveloppent. Le filet se fait emporter comme une simple samare.

De la tornade, une énergie bleutée forme un noyau qui forme, à son tour, un énorme golem de plusieurs mètres de haut. Des tornades se transforment en des bras et des jambes. Des nébulosités deviennent une armure résistante. Une énergie turquoise sort de cavités en guise d’yeux et de coeur. La transformation est si imposante que les policiers sont repoussés sur plusieurs mètres.

Le détective est sans mot et ne comprend pas comment ce jeune adolescent a pu se transformer sur demande.

L’atmosphère a changé. Elle est terrifiante et gorgée d’un mana turquoise ainsi que de vapeurs cyan. Les cris de l’élémentaire de nuage sont perçants et résonnent comme s’ils étaient coincés dans un vase en verre. Complètement terrifié, le détective commence à tirer une multitude de sort face à la monstruosité. Ses collègues, tous aussi terrifiés, se désorganisent. Certains s’enfuient et se foncent l’un dans l’autre. D’autres lancent des sorts jusqu’à se vider de leur mana. Enfin, il y en a qui sont paralysés de peur. La situation est chaotique. La formation des policiers est défaite et plus aucun d’entre eux n’écoute les appels répétés de la centrale.

« Détective Duplessis, répondez ! Répondez ! »

Ce n’est qu’après plusieurs tentatives qu’il répond enfin.

  • Ici l’agent Duplessis, envoyez-nous des renforts ! Le gamin s’est transformé ! On a beau lui lancer des sorts, ça ne lui fait rien !
  • Calmez-vous enfin ! Il n’y a pas besoin de renfort !
  • Comment ça ?! demande-t-il, désemparé.
  • Parce qu’il n’y a pas de golem, détective Duplessis.

Ses yeux s’écarquillent. Le vieux détective enfin comprend ce qui se passe.

« Satané, gamin ! C’est encore une autre de ses illusions ! »

Cela fait maintenant quelques minutes que le fugueur en a profité pour s’enfuir.

Son bref moment de répit est dorénavant terminé. Après avoir regardé les toits en tuiles bleutés de la ville, il est fin prêt à s’enfuir vers Trois-Courants.

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