Chapitre 9 (3/3) : Un maigre espoir

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La première nuit de son départ, Nicolas se pose dans un champ non loin de la ville. Il utilise une motte de foins en guise de lit. Après avoir passé sa journée à voler, le garçon, épuisé, trouve le tas de fibres dorées très confortable et s’endort aussitôt.

La deuxième nuit, dans une vaste forêt, à mi-chemin entre Raillard et Trois-Courants, Nicolas peine à s’endormir. La branche sur laquelle le semi-golem se perche est loin d’être confortable et son ventre se plaint bruyamment du manque de nourritures.

La troisième journée, l’adolescent succombe à la faim et va dans une station-service d’une petite localité à une vingtaine de minutes de Trois-Courants. Le caissier le regarde curieusement. Dans ce petit village, tout le monde se connaît. Les voyageurs se font rares et les adolescents qui voyagent seuls encore plus.

La troisième nuit se fait froide. Nicolas, installé dans une plaine, allume un feu à l’aide d’un briquet à base de pyrite. Il y infuse un peu de son mana et une légère flamme en émane.

« J’ai bien fait de m’acheter de ce briquet », se dit-il en tendant ses mains vers le feu.

Le garçon se laisse bercer par la chaleur du feu et s’endort. De temps à autre, il se réveille pour le rallumer. Soudain, une présence se fait sentir et des bruits de pas se font entendre. Nicolas se rend invisible sur-le-champ.

  • Qui est là ? demande-t-il d’une voix tremblante.

Après plusieurs secondes de silences, une voix d’homme lui répond.

  • Après trois jours, je t’ai enfin trouvé ! Tu es parti très loin, dit donc.

Le semi-golem en profite pour partir en volant. Cependant, une silhouette d’homme l’intercepte. Nicolas est complètement désarçonné.

« Il… Il vole ?! Comment il fait pour me voir ? Je suis invisible ! »

  • J’avoue que, pour ton âge, tu es un maître dans l’art de la dissimulation. Cependant, il en faudra plus pour berner un guerrier ! répond Roger fièrement.
  • Un… un guerrier !? balbutie Nicolas en essayant de s’enfuir à toute vitesse.

C’est peine perdue pour lui. Il a beau voler très vite, l’adolescent ne peut rien face à la vitesse d’un Sage. Il va si vite que le garçon a l’impression que son poursuivant se téléporte. Peu importe la direction dans laquelle il se dirige, Nicolas se fait toujours intercepter.

« Et merde ! Nuage qui observe depuis le ciel, imite ce que tu vois et deviens son reflet. Fata Morgana ! »

Il crée une multitude d’illusions de lui et les fait aller dans toutes les directions. Cependant, la supercherie ne prend pas. L’adolescent se fait encore et toujours rattraper par le guerrier. Ce dernier essaie de lui parler, mais Nicolas est si paniqué qu’il n’écoute pas. Roger essaie de le maîtriser, mais il se débat.

  • Lâche-moi ! Lâche-moi ! Lâche-moi !
  • Calme-toi, je veux juste te parler.

L’adolescent ignore ses dires et commence à incanter un autre sort, cette fois, plus puissant.

« Tu l’auras voulu ! Ma réalité n’est que cauchemars. Leur réalité n’est que rêves idylliques. Fata Morgana, fais leur découvrir mon enfer, mes angoisses et mes souffrances. Orage de cauchemars ! »

Nicolas, à l’aide de ce sort, simule une transformation en golem. Surpris, le guerrier le lâche. Cependant, cette ouverture reste de brève durée.

« Comment ?! »

  • Impressionnant, tu as le mérite que j’y aie cru une seconde, mais un golem, ça ne ressemble pas vraiment à ça !
  • Pourquoi vous savez ça ? Parce que vous avez déjà tué pleins de semi-golems, c’est ça ?! lâche Nicolas, paniqué.
  • Non, j’ai plutôt l’habitude de me transformer en l'un d'entre-eux.

Soudain, des veines de lumière violacées émanent de la combinaison du guerrier et dévoilent son visage. Le jeune semi-golem abasourdi reste sans voix et se calme aussitôt.

« Vos cheveux et votre barbe… elles… elles sont en pierre… Vous êtes un semi-golem ! dit-il, subjugué. »

À l’exception de son petit frère, Roger est le premier semi-élémentaire que Nicolas rencontre.

  • Vous… vous ne pouvez pas être un guerrier. C’est impossible ! Il n’y a pas de guerrier semi-monstre… lâche le garçon en évitant son regard.

Le jeune adolescent fait exprès d’utiliser ce terme pour irriter son interlocuteur.

  • Hé, ce n’est pas gentil ce que tu viens de dire que ce soit pour moi ou pour toi.
  • Pourtant c’est vrai ! Si j’étais… si j’étais pas un monstre, j’aurais pu rester avec ma famille ! s’exclame-t-il en se débattant.

Roger exprime de la tristesse et de la compassion.

  • Et si on se posait au sol pour parler de tout ça…

Une fois que les deux se sont installés au bord du feu, Nicolas lâche tout ce qu’il a sur le coeur. Le ciel commence à s’éclaircir et à prendre ses teintes de l’aube.

  • Depuis que je sais que je vais me transformer, ça me terrifie… Chaque jour, j’ai peur que ça se produise et que je tue des personnes qui me sont chères. Quand je vois les statistiques sur Internet à propos des semi-élémentaires et de leur dangerosité, j’ai l’impression que je ne pourrai être rien d’autre qu’une mauvaise personne ou un criminel… C’est pour ça que je ne crois pas que vous êtes un guerrier. Jamais le gouvernement n’accepterait d’avoir une telle menace comme protecteur de la nation.
  • Et pourtant, je suis là, répondit-il en sortant son emblème de guerrier, gravé d’un arbre imposant et d’un petit numéro huit. Je suis le premier et l’un des rares guerriers semi-élémentaires du pays. Mais vu la haine que l’on engendre chez ceux qui ont connu la Seconde Guerre mondiale, il est encore rare que l’on parle de nous dans les médias.

Nicolas tient fermement l’emblème entre ses mains et la fixe intensément comme pour s’assurer qu’elle est bien réelle. Pour lui, il s’agit de la première preuve matérielle qu’il peut s’en sortir et rester quelqu’un de bien.

  • Vous… Vous pensez que je suis humain, même si je suis un semi-golem ? demande le garçon.

Cette question évoque des souvenirs douloureux chez Roger qui jette un regard à son médaillon en diamant.

  • Mmmh. C’est une question que je me suis posée plusieurs fois aussi quand j’étais jeune. J’ai fini par me demander : qu’est-ce qu’un humain ? D’après moi, on ne peut pas le résumer à une simple explication biologique. Personne dans ce monde ne naît humain. C’est par nos actes, nos valeurs et nos convictions qu’on arrive à distinguer l’être humain du monstre. Donc, pour répondre à ta question Nicolas, tu as fait le choix de te sacrifier pour protéger ta famille et de commencer un périple solitaire pour rester sur la voie du bien. Je ne sais pas pour toi, mais pour moi, il n’y a qu’un humain capable de faire ça, explique-t-il bienveillant.

Le soleil se lève, le ciel se teint d’orange pastel et des larmes se mettent à couler. Nicolas pleure de manière incontrôlable. Toutes ses craintes et ses peurs se déversent dans ses sanglots. Lui qui voulait seulement être considéré comme un humain a vu son souhait exaucé.

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, il a toujours eu l’impression de déambuler dans un tunnel sombre sans jamais trouver ne serait-ce qu’une lueur vers la sortie. Nicolas n’a jamais perdu espoir. Aujourd’hui, sa résilience a été récompensée. Un rayon de lumière éblouit ses yeux turquoise trop habitués à l’obscurité. Sous ce soleil levant, son avenir radieux n’a jamais été autant à sa portée.

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