Chapitre 10 (1/9) : Un mentor et des amis

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À l’école élémentaire de Bourg-Déméter, les enfants sont séparés en six niveaux distincts, allant de la première à la sixième année. Christine Simard enseigne aux plus jeunes. Si les élèves de ce niveau ne dérangent pas spécialement grâce à leur jeune âge et leur émerveillement pour les adultes, depuis maintenant un peu plus d’une semaine, la patience de la femme est mise à rude épreuve. La disparition de son fils rend les journées de travail extrêmement dur et elle a l’impression que ses sages petits élèves sont devenus aussi embêtants, indépendants et impolis que les préados de dernière année. Son heure du dîner s’avère son seul moment de répit. Cependant, elle reste en permanence à l’affût du moindre appel de la police.

Pour l’instant, chacun d’entre eux se révèle être qu’une déception. Le premier, après trois jours de recherche, lui apprend que son fils a été retrouvé dans un champ non loin de son école secondaire, mais qu’il a réussi à s’enfuir. Le second se passe une journée plus tard. Un guerrier du nom de Roger Bergeron lui apprend que c’est dorénavant lui qui se charge de retrouver son fils. Après maintenant, trois jours sans nouvelle de ce guerrier, Christine commence à perdre espoir.

Soudain, son téléphone sonne.

  • Bonjour madame Simard, c’est Roger Bergeron, alias Golem, à l’appareil. Vous pouvez être rassuré. Votre fils est avec moi.

Christine n’en croit pas ses oreilles. Elle soupire de soulagement et retrouve le sourire. Son avenir s’éclaircit et elle s’imagine déjà de nouveau avec son enfant.

  • Vraiment ?! Merci mille fois ! Quand est-ce que je vais pouvoir le voir ?
  • À ce sujet, serait-il possible de se rencontrer cet après-midi ? Disons vers seize heures ?

Le restant de la journée se passe sans accros. Ses élèves se comportent de nouveau comme des petits anges. Sa patience et sa sérénité sont revenues. Seulement le temps ne défile pas assez vite à son goût.

Dès la fin des classes, elle se dépêche d’aller chercher ses filles. Elle commence par Juliette qui vient tout juste de rentrer à l’école élémentaire cette année. Préférant ne pas enseigner à l’une de ses enfants, Christine a demandé à l’une de ses collègues de la prendre dans sa classe. Les résultats de la jeune fille se révèlent pour l’instant tout bonnement stupéfiants, bien assez élevés pour pouvoir sauter une classe. Ensuite, elle va chercher au premier étage Rosalie qui se trouve présentement en troisième année. Cette petite boule d’énergie, même si elle ne brille pas spécialement par ses résultats scolaires et son comportement, excelle dans sa capacité à être aimé par les autres élèves. C’est en se faufilant dans une énorme troupe d’enfants que Christine parvient à agripper la main de sa fille aux mèches bleu pastel et se hâte vers sa voiture.

Une fois à la maison, il reste trente minutes avant le rendez-vous. Elle essaie de s’occuper l’esprit en effectuant des tâches ménagères. Cependant, aux cinq minutes, elle regarde l’heure sur son téléphone.

Christine descend dans la chambre de Nicolas, des murs noirs, des meubles noirs, un lit noir et une petite fenêtre en guise de source de lumière naturelle. Auparavant, elle y voyait une pièce sobre, maintenant elle ne voit que de la tristesse en émaner. Aucun cadre et aucun objet ne rappellent un quelconque souvenir. Cette pièce n’a pas de personnalité. Aucune peluche, aucun jouet, seulement un ordinateur sur un bureau argenté.

« Cela ne ressemble aucunement à la chambre d’un adolescent », se dit-elle mélancolique.

Où sont passées les douze dernières années de son garçon ? Son dernier souvenir de lui souriant remonte à ses sept ans avant que tout bascule. Il était rentré de l’école complètement amoché, le front saignant et le regard vide. Aucune larme ne coulait de ses yeux. Christine avait compris à quel point la vie de son fils serait parsemée d’embûches. Elle a pris des mesures drastiques pour le protéger : elle l’a changé d’école, lui interdisait de voler et de voir les amis qu’elle n’approuvait pas. Nicolas restait de plus en plus cloîtré dans sa chambre à jouer à l’ordinateur. Lors des deux dernières années, il ne sortait principalement que pour aller à l’école.

Christine a des remords et l’impression d’y avoir enlevé son enfance. Sa fugue lui a permis d’enfin le le constater. Soudain, son conjoint, qui l’appelle depuis le premier étage, la fait sortir de ses pensées.

« Chris, il est arrivé ! »

La mère accourt avec un seul visage en tête : des yeux turquoise aux traits fatigués, un fin nez, une petite bouche timide aux lèvres rosés ainsi que de magnifiques cheveux châtains frisés. Elle se ravise et change sa toison pour un agglomérat de nuages blancs aux reflets bleutés. Christine n’a qu’un prénom aux lèvres, celui de Nicolas. Cependant, devant la porte d’entrée, elle ne retrouve qu’un semi-golem aux cristaux de sel. Ce n’est pas son petit garçon de douze ans face à elle, mais un guerrier qui fait très jeune pour son âge.

  • Où est Nicolas ? lâche-t-elle, confuse.

Roger détourne le regard visiblement embêté et se gratte l’arrière de la tête.

  • Hum… peut-on commencer par s’asseoir ?

Les deux parents demandent aux enfants d’aller jouer dans leur chambre. Une fois seul dans le salon, le semi-golem dans la cinquantaine s’assoit dans un fauteuil en cuir noir.

  • Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Nicolas ne veut pas vous revoir tant qu’il ne se saura pas transformé.

La mère et le père sont complètement déroutés par ce que vient de dire leur interlocuteur.

  • Pour-pourquoi ? balbutie Charles.
  • Comme vous le savez, la vie qu’a votre fils n’a rien de simple. Je ne le sais que trop bien. Les jeunes semi-golems ont beau être plus forts que la population en général, cette force les dépasse et les effraient. Nicolas ne fait pas exception. Mettez-vous à sa place, Nicolas a décidé de fuir, non pas parce qu’ils vous détestent, mais au contraire parce qu’il tient à vous et a peur de vous faire du mal, voire vous tuer, explique calmement Roger.

Une lueur de soulagement se dessine dans les yeux des deux parents, cependant ils leur restent encore plusieurs craintes.

  • Où va vivre Nicolas, si ce n’est pas ici, chez lui ? demande Christine d’une voix cassante.
  • Je pourrais l’accueillir chez moi. Je peux l’aider à maîtriser sa transformation et ses pouvoirs de golem. C’est avec plaisir que j’aiderais votre fils. Je le connais à peine, mais, pour l’instant, j’ai pu voir que Nicolas est une bonne personne qui s’efforce de rester sur le droit chemin. Il m’a ému et je ne vous cacherais pas que son talent inné pour voler m’a aussi impressionné. Alors, s’il vous plaît, laissez-moi faire de votre fils mon disciple, implore le guerrier en baissant la tête.

Les parents ne savent pas ce qui s’avèrent le plus déroutant, que l’un des plus puissants mages du pays veut que leur fils devienne son disciple ou qu’il le demande la tête baissée.

Charles, de nature rationnelle, accorde tout de suite son approbation au semi-golem. Cependant, Christine n’est pas prête d’accepter. La mère est remplie d’incertitude. Après tout, elle ne connaît presque rien de ce guerrier. Malgré son statut, il pourrait s’agir d’un prédateur qui ferait du mal à son enfant. Charles tente de raisonner sa compagne.

  • Christine, écoute-moi. Ce qui se passe est une situation inespérée pour Nicolas. Golem, le tout premier guerrier semi-golem du pays veut Nico devienne son disciple. Ce Sage est assez puissant pour pouvoir aider notre fils, il est capable de le faire aimer cette partie de lui que nous avons seulement réussi à lui faire détester et craindre ! Je suis sûr qu’il réussira là où nous avons échoué, alors s’il te plaît, tu dois accepter ! lâche-t-il en la fixant dans les yeux, d’un air déterminé.

Pour rassurer davantage Christine, Roger promet de donner des nouvelles chaque jour.

  • D’accord, mais seulement le temps qu’il maîtrise ses pouvoirs de golem… lâche-t-elle en échappant quelques larmes.

La discussion dorénavant close, le guerrier Golem quitte la demeure des Thibodeau. Même après son départ, les doutes de Christine persistent. Son ventre est noué d’anxiété.

Elle s’apprête à plier les vêtements propres, elle se fait intercepter par Juliette. La petite fille aux cheveux blonds est loin d’être née de la dernière pluie et a écouté de bout en bout la conversation. Même si elle ne saisit pas tous les détails, elle comprend le principal : son grand frère ne retournera pas de sitôt à la maison. Comment ses parents ont-ils pu confier son frère bien aimé à un inconnu ? La petite magicienne de racines déferle sa colère sur sa mère en la frappant avec de petites racines vertes à peine assez puissantes pour la pincer. Elle crie qu’elle a prise la mauvaise décision. Christine se contente d’encaisser sans sourciller avant d’enlacer sa fille. Cette dernière arrête ses attaques et ses cris. Des larmes commencent à couler.

« Si Nico n’est pas là, qui va rendre les maths et l’histoire aussi amusantes ? »

Voir Juliette si triste ne laisse pas Christine indifférente, cependant devant ses autres enfants, elle se doit de rester forte et de les rassurer.

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