Chapitre 11 (3/3) : La goute d'eau qui fait déborder le vase
Le semi-golem se recroqueville sur lui-même.
« J’en ai assez… »
Soudain, une pensée lui vient à l’esprit.
« Tu n’as qu’à la faire taire alors. »
Le garçon secoue la tête avant de la redresser vers Maxime.
- Pourquoi tu détestes autant les semi-golems ? demande-t-il, triste.
La magicienne écarquille les yeux avant de se mordiller la lèvre, d’un air choqué.
- Tsss. C’est quoi ce regard de chien battu ?! À te voir, on dirait que t’as vécu l’enfer ! Alors que c’est tes semblables qui le font vivre à des personnes innocentes comme moi ! C’est quelqu’un comme toi qui m’a ridiculisé, intimidé et brisé. C’est à cause de vous que je devrai garder le restant de mes jours ces cicatrices ! crie-t-elle, la voix remplie de colère, de dégoût et de tristesse.
Maxime lève son chandail et montre son dos immaculé de balafres.
- Mais… je n’ai rien fait.
- Tu n’as rien fait ? Te battre contre Charlie de la classe A, tu crois que se n’était rien ?! Ce n’est que le début ! Qui sait ce qu’un monstre comme toi pourrait faire par la suite…
Les insultes pleuvent. Nicolas regarde le sol, complètement dépassé par les évènements. Son esprit commence à faiblir. À chaque insulte, il se brise de plus en plus. Sa tête lui fait mal, son cœur saigne et ses larmes coulent. Tout ce qu’il veut, c’est que ça s’arrête.
« Fais la taire et tout sera terminé », entend-il dans sa tête.
Ses yeux s’embrasent d’une lueur si intense que cela s’apparente à une brume turquoise. Il serre les dents, à bout de patience, et se jette sur celle qui ne cesse pas de l’insulter.
Maxime n’arrive pas à se relever avec Nicolas assis sur elle. Soudain, les larmes du garçon se mettent à tomber sur son visage et dissipent sa colère.
« Comment un semi-monstre peut pleurer de cette façon ? Pleurer comme je le faisais auparavant… », se demande-t-elle, confuse.
Nicolas dresse ses poings dans les airs et frappe juste à côté de la tête de Maxime et se perd dans les yeux bleu-rougeâtre. Leurs deux visages ne se sont jamais trouvés si proches l’un de l’autre.
« Tu sais… depuis que je suis tout petit, je me déteste parce que je suis différent… Les nuages que j’ai sur la tête, je les hais parce qu’il me rappelle chaque jour ce que je suis : un semi-golem. Et pourtant, ces temps-ci, je commençais à me dire que finalement ils n’étaient pas si mal. Mais toi, tu es toujours là pour me ramener à la réalité », explique-t-il avant de soudainement l’agripper et de s’envoler avec elle.
La magicienne de vapeurs crie, effrayée.
« Tu crois que j’ai voulu être un semi-golem ? Être différent des autres et haï pour ce que je n’ai pas décidé être ?! Tu crois que j’ai voulu voir ma mère pleurer lorsqu’elle a su qu’elle a donné naissance à un semi-monstre ?! » demande-t-il la voix remplie d’émotions avant de la lâcher dans le vide.
Maxime chute de cinq mètres de haut. Lorsqu’elle rouvre les yeux, elle voit une centaine de pics de cristal bleuté.
Nicolas, le bras droit levé vers le ciel, fait apparaître encore plus de ses nuages solidifiés en forme d’aiguille. Dans sa tête, des voix se bousculent, hurlent et crient.
« Tue-là ! » « Tue-là ! » « Tout sera terminé après ! » « Fais-là taire ! »
Le semi-golem serre sa main gauche sur sa tête pour essayer d’atténuer ses maux.
« J’en peux plus de toi ! J’en ai déjà assez de moi pour me rappeler que je suis un monstre. J’ai pas besoin d’une personne en plus !!! »
Les voix deviennent de plus en plus fortes et nombreuses.
« TUE-LÀ » « TUE-LÀ » « ELLE VA LE DIRE À TOUT LE MONDE !! » « TUEEE-LÀÀÀÀ !!! »
Maxime voit Nicolas s’apprêter à tirer une centaine de pics dans sa direction, cependant elle n’a pas peur de mourir. L’adolescente est même résignée à accepter son sort. Elle a vu un regard, sans aucune haine et colère, seulement rempli de souffrance et de solitude. Ces yeux, la jeune fille ne les connaît que trop bien, elle arborait la même expression, il y encore peu, face à son intimidateur.
Nicolas se tortille dans les airs de plus en plus. Il ne peut plus faire taire les voix dans sa tête.
« TUEEE-LÀÀÀÀ !!!! » « TUE-LÀ AVANT QU’IL SOIT TROP TARD !!!! » « TUEEEEEEEEE-LÀÀÀÀÀÀÀÀ !!! »
L’adolescent hurle à s’en époumoner et baisse violemment son bras droit en direction de la magicienne de vapeur. La frêle brume qui émane de ses yeux se transforme en une intense fumée turquoise.
Quelques larmes commencent à couler. L’adolescente a compris son erreur. Voulant jouer la justicière, elle est malencontreusement devenue l’intimidatrice. Il s’avère trop tard pour la culpabilité et les excuses. Seule la mort l’attend. Elle ferme les yeux, prête à subir son châtiment.
Les nuages solidifiés se fracassent violemment et créent un immense nuage blanc et turquoise.
La jeune magicienne ne comprend pas comment elle peut toujours se trouver en un seul morceau. Soudain, elle entrevoit, dans la brume, un mage face à une imposante barrière magique de minéraux de sel.
« Vous allez bien, mademoiselle ? » demande Roger, nerveux.
Maxime hoche la tête.
Tout à coup, le dôme de nébulosité disparaît pour laisser de nouveau place à un ciel grisâtre. Nicolas, évanoui, se fait rattraper dans chute par son maître qui arbore un air déçu.
Le Sage demande à la jeune fille de le pardonner pour les erreurs de son disciple, cependant l’adolescente refuse et s’excuse à son tour en lui expliquant tout.
***
Nicolas se réveille dans son lit. Son maître l’attend patiemment à son chevet, inquiet. Le jeune semi-golem comprend aussitôt que le guerrier l’a empêché de commettre la pire des erreurs avant de baisser la tête, rempli par la culpabilité.
- Nicolas…
L’expression de son maître le surprend. Il affiche, non pas de la colère ou de la déception, mais bien une tristesse sincère et compatissante.
- Pardon… bégaie le garçon.
Roger, troublé, l’enlace sans rien dire. Nicolas retient difficilement ses larmes. Ce câlin, il en a eu besoin depuis longtemps.
Annotations
Versions