Pour participer pleinement au forum, il ne suffisait pas de choisir un pseudonyme et de cliquer sur quelques liens. Il fallait se dévoiler.

Une fiche de présentation. Une sorte de passeport pour accéder aux sections privées, aux discussions les plus "intéressantes". Le formulaire demandait des informations que je n’avais jamais imaginé partager avec des inconnus : qui j’étais, ce que je cherchais, et – le pire – une description physique.

Quand j’ai vu ce formulaire, mon premier réflexe a été de fermer la page. C’était trop intrusif, trop personnel. Mais quelque chose m’a retenue. Je savais que je ne pourrais pas accéder à plus sans remplir cette fiche. Et une part de moi voulait aller plus loin. Une part de moi était prête à tout pour franchir cette nouvelle limite.

J’ai pris une profonde inspiration et me suis mise à écrire.

"Je m’appelle PetitePoire. J’ai 19 ans. Je suis étudiante."

Je me suis arrêtée, relisant ces mots banals. Ridicule, non ? Mais je ne savais pas quoi écrire d’autre. Alors j’ai continué.

"Je mesure 1m60. Je suis mince, mais pas maigre. J’ai les hanches marquées et des jambes fines. Ma poitrine est généreuse pour ma silhouette. Elle a une jolie forme, comme une poire – d’où mon pseudo."

En tapant ces mots, je sentais mes joues s’empourprer. J’étais seule dans ma chambre, mais c’était comme si quelqu’un me regardait, jugeait chaque lettre que je tapais. Pourtant, je n’ai pas arrêté.

"J’ai les cheveux courts, bruns, coupés juste au-dessus de la mâchoire. Mes yeux sont noisette, et mes cils sont longs. On me dit souvent que j’ai un air doux, sage."

J’ai relu cette phrase, et elle m’a semblé fausse. Douce. Sage. Ce n’était pas ce que je voulais montrer ici, pas ce que je cherchais. J’ai effacé.

"Mon visage est assez simple. Des traits fins. Je ne me maquille pas souvent, mais j’aime porter un rouge à lèvres vif ou un trait d’eyeliner pour me sentir… différente."

Quand j’ai fini de remplir la fiche, j’ai hésité une dernière fois. Une part de moi voulait tout effacer, refermer l’onglet, oublier ce formulaire. Mais une autre part, celle que Maeva avait réveillée, m’a poussée à cliquer.

"Valider."

C’était fait. Je ne pouvais plus revenir en arrière.

Je me suis dit que personne ne me remarquerait. Que je pourrais me cacher dans l’ombre, lire sans jamais participer. Mais au fond, je savais que ce n’était pas vrai. Une part de moi espérait, même secrètement, qu’on me voie. Qu’on me remarque. Qu’on me choisisse.

Et cette pensée, plus que tout, m’effrayait.