Chapitre 5 : Le premier message
Je ne m'attendais pas à ça.
Quand j'ai refermé la page du forum ce soir-là, j'étais certaine que rien ne viendrait de ce petit saut dans l'inconnu. C'était une expérience curieuse, presque dérisoire. J'avais rempli cette fiche maladroitement, comme si chaque mot me révélait davantage que je ne le voulais. Mais une fois validée, je m'étais déconnectée rapidement, essayant de laisser tout cela derrière moi. C'était suffisant pour une soirée.
Le lendemain matin, pourtant, un message m'attendait.
Je l'ai vu dès que j'ai rouvert le forum. Un simple message privé, signalé par une discrète notification dans un coin de l'écran. Mon cœur s'est mis à battre plus vite, sans raison apparente. J'ai cliqué dessus, le souffle suspendu.
Le pseudo était banal : Hector. Rien de frappant, rien qui trahissait une personnalité exubérante ou singulière. Mais les mots… les mots, eux, portaient un poids que je ne m'expliquais pas.
"Bienvenue, PetitePoire. J’ai lu ta présentation. Tu sais, tu devrais être fière de qui tu es. De ton corps. De ton esprit. Ils méritent d’être explorés… et peut-être même dépassés."
Je suis restée figée devant l'écran, relisant chaque mot plusieurs fois. Ils étaient si simples, et pourtant… ils m'ont bouleversée. Ce n'était pas comme les autres messages ou discussions que j'avais croisés sur le forum en survolant les sujets la veille. Hector écrivait différemment. Il ne plaisantait pas, ne demandait rien. Il affirmait.
Et quelque chose, dans cette assurance, a résonné en moi.
Il y avait aussi une question, posée comme une invitation, presque comme un défi :
"Dis-moi, PetitePoire… pourquoi es-tu ici ?"
J’ai failli refermer la page. Ma première réaction était de fuir. Parce qu’au fond, je ne savais pas quoi répondre. Pas vraiment. Pourquoi j'étais là ? Pourquoi avais-je même ouvert ce fichu forum ? Je ne voulais pas affronter cette question. Pas si tôt.
Mais je n’ai pas fermé la page. J’ai posé les doigts sur le clavier, et j’ai commencé à écrire, hésitante, effaçant plusieurs fois avant d’oser appuyer sur "envoyer" :
"Je crois que… je suis ici parce que ma vie est trop ennuyeuse. Trop normale. J’ai envie de… découvrir autre chose. Peut-être de comprendre ce que je veux vraiment. Peut-être juste de me sentir vivante."
Quand j’ai relu mon message, il m’a semblé à la fois sincère et terriblement insignifiant. Mais je n’avais rien de mieux à dire. Alors j’ai envoyé ces quelques lignes et attendu. Sans trop savoir quoi espérer.
Sa réponse est arrivée quelques minutes plus tard. Immédiatement, même. Comme s’il avait été là, prêt, à guetter mes mots.
"Tu veux te sentir vivante. Bien. Alors, écoute-moi. Oublie la normalité. Oublie les règles que tu suis depuis toujours. Ici, tu n’as rien à prouver à personne. Ici, tu peux être celle que tu veux. Si tu es prête à me faire confiance… nous allons découvrir jusqu’où tu peux aller."
Ces mots ont frappé quelque chose en moi que je ne savais pas exister. Cette façon qu’il avait de parler… comme s’il me connaissait déjà, comme s’il était capable de voir au-delà de mes barrières.
Pourtant, rien n’était effrayant. Pas encore. Je devrais peut-être dire que j’étais méfiante, mais ce n’était pas le cas. Au contraire. Ses mots étaient comme une corde lancée à quelqu’un qui se noie. Et moi, j’avais envie de m’y accrocher.
Alors j’ai répondu. Un message, puis un autre. Et ainsi de suite.
Ce n’était pas une conversation au sens habituel. Hector était direct, presque clinique dans sa manière d’écrire. Pas de bavardage inutile, pas de questions personnelles hors contexte. Juste des mots ciselés, étudiés, comme s’ils avaient été choisis pour provoquer en moi une réaction précise.
Et ça fonctionnait.
Avant même de m’en rendre compte, j’étais accrochée à chacun de ses messages. C'était un jeu. Un jeu où chaque mot semblait ouvrir une nouvelle porte.
Je savais que je franchissais une ligne, que je m’aventurais dans quelque chose de plus grand que moi. Mais cette réalisation, loin de m’arrêter, m’attirait davantage.
Hector écrivait avec une précision qui donnait l’impression qu’il savait déjà où tout cela allait nous mener.
Moi, je ne savais rien. Mais j’avais déjà décidé de le suivre.
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