Chapitre 7 : Une journée sans masque
La journée avait commencé comme n’importe quelle autre, avec ce rituel immuable : le café tiède dans ma tasse ébréchée, la vérification rapide de mes mails, et l’habituelle contemplation vide de ma garde-robe. Mais cette fois, il y avait un secret. Une transgression que je portais comme une deuxième peau.
Sous mon jean usé et mon pull trop large, il n’y avait rien. Pas de barrière, pas de couches protectrices. Juste moi.
Le simple fait de le savoir changeait tout.
Quand j’ai franchi le seuil de l’appartement, une bouffée d’air frais m’a saisie, et avec elle, une étrange prise de conscience : chaque pas que je faisais semblait avoir une résonance particulière. C’était imperceptible, mais présent, comme si le monde entier avait soudain braqué ses projecteurs sur moi.
À l’arrêt de bus, les gens étaient plongés dans leurs téléphones ou leurs pensées, absorbés par leurs routines mornes. Mais moi, j’avais l’impression d’être mise à nu, d’être visible d’une manière que je n’avais jamais expérimentée auparavant.
Un homme en costume, son attaché-case à la main, a croisé mon regard. Il n’a pas dit un mot, n’a pas même esquissé un sourire, mais son regard s’est attardé une fraction de seconde de trop. Juste assez pour planter une graine d’inquiétude — ou d’excitation — dans mon esprit. Il sait.
Mais bien sûr, il ne savait rien.
Dans le bus, j’ai trouvé une place près de la fenêtre et me suis assise, les jambes croisées et mes mains agrippant mon sac comme une bouée. Pourtant, même là, l’illusion de normalité ne tenait pas. Le tissu de mon jean semblait avoir une vie propre, effleurant ma peau de manière presque intrusive, me rappelant à chaque instant cette absence. Ce vide.
Quand je suis arrivée à la fac, les bruits familiers des discussions animées et des éclats de rire m’ont accueillie. Tout paraissait normal, mais pour moi, rien ne l’était. J’avais l’impression de porter un panneau lumineux invisible, criant à qui voulait l’entendre : Regardez-moi.
Pendant les cours, les mots du professeur s’entrechoquaient dans ma tête sans y laisser de trace. Mes pensées étaient ailleurs, flottant entre le souvenir de ce qu’Hector m’avait demandé et les sensations amplifiées de mon corps. Une sorte de tension électrique courait sous ma peau, me rendant hyperconsciente de chaque regard, de chaque mouvement.
Dans un couloir, en allant chercher un livre, je suis passée près d’un groupe de garçons adossés à leurs casiers. Ils parlaient fort, gesticulaient, et l’un d’eux a brièvement tourné la tête dans ma direction. J’ai senti son regard sur moi, un peu trop appuyé, un peu trop direct. Puis il a murmuré quelque chose à son voisin, et ils ont ri.
Ma première réaction a été la gêne. Pourquoi riaient-ils ? Qu’avaient-ils vu ? Je sentais mes joues s’empourprer, et mes pas se sont accélérés pour m’éloigner. Mais en tournant le coin, une autre pensée a germé. Et s’ils riaient parce qu’ils m’avaient remarquée ? Pas pour se moquer, mais parce que j’avais capté leur attention d’une manière différente.
Cette idée m’a troublée plus que je ne voulais l’admettre.
Quand je suis rentrée chez moi, tard dans l’après-midi, mon corps était fatigué, mais mon esprit en ébullition. Je me suis assise sur mon lit, laissant mes pensées s’organiser lentement. L’excitation. La gêne. L’impression d’être à la fois vulnérable et puissante.
Je me suis connectée au forum. Le message que j’ai envoyé à Hector était simple, presque hésitant :
"C’était… intense. Je ne savais pas que ça me ferait cet effet."
Sa réponse est arrivée quelques secondes plus tard, comme s’il savait que j’attendais.
"Cloé, c’est le premier pas. Continue à m’écouter, et tu découvriras des choses que tu n’imagines même pas encore."
J’ai relu ses mots plusieurs fois, sentant cette étrange dualité en moi : une partie de moi voulait fuir, fermer cette porte avant qu’il ne soit trop tard. Mais l’autre… L’autre était déjà prête à savoir ce qu’il avait en réserve pour moi.
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