J’ai toujours pensé que la trahison était une action claire, un acte concret : un mensonge, une décision qui brise la confiance. Mais aujourd’hui, je découvre qu’elle peut être bien plus subtile. On peut trahir simplement en pensant, en ressentant.

Depuis que Matt est entré dans ma vie, je me sens déchirée entre deux univers qui semblent inconciliables.

Avec Matt, tout est facile. Naturel. Quand il me parle, je n’ai pas besoin de calculer, de me demander ce qu’il attend de moi. Il n’y a pas de masque, pas de jeu. Il me voit. Ou, du moins, il voit la version de moi que je choisis de lui montrer.

Avec Hector, c’est tout l’inverse. Hector ne se contente pas de me voir. Il me décortique, il m’analyse, il révèle ce que je cache, parfois même à moi-même. Avec lui, je ne suis pas simplement Cloé. Je suis un projet, une idée à sculpter, une possibilité à explorer. Ses mots me hantent, parce qu’ils dévoilent des parts de moi que je n’ose pas affronter.

Et c’est ainsi que, chaque jour, je trahis les deux.

Avec Matt, je cache cette part sombre et inavouée que Hector m’a appris à regarder en face. Cette part de moi qui aime obéir, qui se délecte de sentir que je n’ai pas le contrôle, que quelqu’un d’autre le prend pour moi. Avec Hector, je mens également. Je fais comme si je vivais uniquement pour lui, comme si aucune autre émotion ne venait perturber la connexion que nous avons forgée.

Mais ce n’est pas vrai.

Hier soir, après avoir rencontré Sabrina, Matt m’a raccompagnée chez moi. Il m’a embrassée, doucement, et pendant cet instant, j’ai ressenti une paix que je n’avais pas connue depuis longtemps. Mais, plus tard, dans le silence de ma chambre, seule avec mes pensées, c’est Hector qui a occupé mon esprit.

Un simple message de lui avait suffi pour me hanter.

« Cloé, aujourd’hui, sois parfaite. »

Parfaite. Pour lui.

Et si Hector savait ? S’il savait qu’après avoir soigneusement pris la photo qu’il attendait, j’avais passé la soirée avec Matt, riant à ses blagues, touchant sa main, savourant sa simplicité ?

Et si Matt savait ? S’il savait que chaque matin, avant même de penser à lui, je me tenais nue devant un miroir pour envoyer une partie de moi à un autre homme, un homme qu’il ne rencontrera jamais ?

Ces pensées tournent en boucle, comme un poison doux-amer.

La vérité, c’est que je ne suis à personne. Ni à Matt, ni à Hector. Et pourtant, une part de moi se déchire à vouloir être aux deux. Je veux la légèreté de Matt, son rire, ses regards simples et vrais. Mais je veux aussi la profondeur d’Hector, sa façon de me pousser à explorer ce que je suis vraiment, même quand ça fait peur.

Je me tiens sur une corde raide, tendue entre deux mondes. Chaque pas est un équilibre précaire, chaque choix une menace de chute.

Mais ce qui me terrifie le plus, ce n’est pas de tomber.

C’est de devoir choisir.