Chapitre 16 : Confessions
C’était un mercredi soir. Maeva et moi étions installées dans son petit studio, entourées de coussins épars et d’une bouteille de vin à moitié vide. La lumière tamisée donnait à la pièce une ambiance douce, presque irréelle, propice aux confidences.
Elle parlait d’un garçon qu’elle avait rencontré à la fac, décrivant son sourire et ses petits tics, sa manière de passer une main dans ses cheveux quand il réfléchissait. Je l’écoutais d’une oreille distraite, hochant la tête de temps en temps pour faire bonne figure. Mais mon esprit était ailleurs, pris dans un tourbillon de pensées.
Cela faisait des semaines que je portais ce poids. Une boule au ventre qui refusait de disparaître. Et ce soir-là, sous le regard de Maeva, cette tension semblait atteindre son point de rupture.
"Tu m’écoutes ?" a-t-elle demandé en plissant les yeux, son ton mi-curieux, mi-agacé.
"Oui… enfin, non. Désolée," ai-je murmuré.
Elle a posé son verre sur la table basse, son regard soudain plus sérieux.
"Cloé, qu’est-ce qu’il y a ? T’as une tête à porter tous les malheurs du monde."
"Rien de grave, je t’assure."
Elle s’est redressée, croisant ses jambes sous elle, et a plongé ses yeux dans les miens.
"Ne me fais pas ça. Je te connais trop bien pour gober ça. Parle-moi."
Sa voix était douce, mais ferme, comme si elle savait déjà que je finirais par céder. Et elle avait raison.
Alors c’est sorti.
Les mots se sont échappés, sans que je puisse les arrêter. Je lui ai tout raconté. Hector, le forum, les défis. Les photos du matin, les sorties seule, les hommes qui me regardaient, les limites que je franchissais pour lui. Chaque détail, chaque confession. Les mots se bousculaient, incontrôlables, comme un fleuve en crue.
"Parfois, Maeva, je me sens tellement… sale," ai-je fini par lâcher, les yeux baissés sur mon verre. "Je fais des choses que je n’aurais jamais imaginé faire, et une part de moi aime ça. Mais une autre… une autre me dégoûte."
Un silence a suivi, long et pesant. Maeva ne disait rien, mais son regard ne me quittait pas. Elle semblait peser mes paroles, les assembler dans un puzzle qu’elle seule pouvait comprendre.
Puis elle a inspiré profondément.
"Tu sais quoi ?" a-t-elle dit en se penchant légèrement vers moi.
"Quoi ?"
"Je pense que tu te juges beaucoup trop durement."
J’ai levé les yeux, surprise.
"Mais… je…"
"Écoute-moi. Tu es une femme, Cloé. Tu as des désirs, des fantasmes, des besoins. Et tu les explores. C’est normal. Peut-être que ce que tu fais n’est pas ordinaire, mais ça ne fait pas de toi une mauvaise personne. Tu ne fais de mal à personne."
"Je ne sais pas… Parfois, j’ai l’impression d’être…"
"Salope ?" a-t-elle coupé, un sourire moqueur au coin des lèvres.
J’ai rougi violemment. Ce mot, je n’avais jamais osé me l’appliquer, même dans mes pires pensées.
"Peut-être," ai-je murmuré.
"Et alors ? Tu crois que c’est une insulte ? Tu sais combien de femmes rêveraient d’avoir ton courage ? Celui d’assumer qui elles sont, de vivre ce qu’elles désirent ?"
Ses paroles étaient directes, percutantes. Elles m’ont frappée comme une vérité que je n’avais pas voulu voir.
"Mais… et si Hector me pousse à faire des choses que je ne veux pas ?"
"Alors là, c’est différent. Mais dis-moi : est-ce que c’est vraiment le cas ?"
J’ai réfléchi un instant, les doigts jouant avec le bord de mon verre.
"Non. Enfin, je crois pas. Je fais tout ça parce que… je le veux aussi."
"Alors arrête de te torturer. Profite. Vis tes expériences. Découvre-toi. Et surtout, arrête de te juger."
Elle a repris son verre et bu une longue gorgée, son ton redevenu léger, comme si la conversation n’avait rien eu de particulier. Mais pour moi, c’était tout sauf ordinaire.
Je me suis sentie… légère. Comme si, avec quelques mots, elle avait ôté un poids immense de mes épaules.
Et pour la première fois depuis des semaines, une pensée m’a traversé l’esprit, claire et simple : peut-être qu’elle avait raison.
Annotations
Versions