Chapitre 21 : Soirée pyjama
"Alors, raconte-moi tout !"
La voix de Maeva résonnait dans son salon exigu avec cet enthousiasme qu’elle savait si bien maîtriser. Elle avait poussé un coussin sur le côté pour se caler contre l’accoudoir, jambes croisées, un verre de vin dans une main et son regard perçant braqué sur moi.
Je m’installai sur le canapé à mon tour, gardant mon verre contre moi comme un bouclier. Je savais qu’il n’y aurait pas moyen d’échapper à cet interrogatoire. Maeva, une fois qu’elle avait flairé une information, ne lâchait rien.
"Tout quoi ?" demandai-je, feignant l’innocence, même si je savais très bien où elle voulait en venir.
"Matt, évidemment ! Ça avance, oui ou non ?"
Je souris légèrement, baissant les yeux sur mon verre.
"Ça avance."
Elle fronça les sourcils, faisant tourner le vin dans son verre comme si elle cherchait déjà les failles dans ma réponse.
"Ça avance comment, Cloé ? Pas de réponses vagues, merci."
"On est bien ensemble," finis-je par dire en haussant les épaules. "Il est parfait."
"Parfait ?" Maeva haussa un sourcil, son ton à la fois moqueur et sceptique.
"Oui, enfin… gentil, attentionné, drôle. Tu sais, tout ce qu’on pourrait attendre d’un copain."
"Hum." Elle sirota son vin, un sourire indéchiffrable sur les lèvres. "Gentil, attentionné, drôle… Ça sonne comme la description d’un golden retriever."
Je n’ai pas pu m’empêcher de rire, secouant la tête.
"Tu sais très bien ce que je veux dire. Il est… stable. C’est rassurant."
"Je le savais ! Tu sors avec un chien de famille idéal !" s’exclama-t-elle en riant.
"Mais arrête," protestai-je en secouant la tête, bien que son ton me fasse sourire malgré moi.
"Non, mais sérieusement, Cloé. Je te connais. T’as pas besoin d’un mec qui te rapporte tes pantoufles. T’as besoin d’un mec qui te challenge. Quelqu’un qui te fait vibrer, pas juste un gars qui fait des plans sur dix ans pour acheter une maison avec un chien et une balançoire dans le jardin."
Je pinçai les lèvres, prise au dépourvu par la vérité désarmante de ses mots.
"Matt est génial," repris-je doucement. "Il est… gentil, attentionné, toujours là quand j’ai besoin de lui."
"Hum, oui, ça, c’est bien pour des cartes de Saint-Valentin, mais toi… T’as besoin de plus."
"Et qu’est-ce que ça veut dire, 'plus' ?" demandai-je, comme pour me protéger de ses conclusions.
"Plus, c’est… quelqu’un qui te fait te sentir vivante. Quelqu’un qui te bouscule, qui te pousse à sortir de toi-même. Pas juste un mec gentil qui te regarde avec des cœurs dans les yeux."
Je secouai la tête, cherchant à dissiper l’effet de ses paroles, mais Maeva était déjà en train de remplir son verre, satisfaite de son propre raisonnement.
Elle se tourna soudain vers moi, un sourire au coin des lèvres.
"Et sinon… c’est quoi cette histoire avec ton prof ? Tu m’as dit qu’il t’avait parlé l’autre jour."
Je me figeai, regrettant instantanément de lui avoir mentionné l’échange.
"C’était rien."
"Rien ? T’as bien dit qu’il t’avait fait une remarque sur ta 'lueur' ou je sais pas quoi. Raconte."
"Il m’a juste dit que j’avais l’air rayonnante, voilà tout."
Maeva me fixa, son regard insistant.
"Et il te regardait comment ?"
Je détournai légèrement les yeux, mal à l’aise sous son attention.
"Je sais pas… un peu trop, peut-être."
"Genre, tes seins ?" lança-t-elle sans la moindre hésitation, son ton tranchant et direct.
Je rougis, me contentant de hausser les épaules, incapable de nier.
"Peut-être."
Elle éclata de rire, un rire franc et moqueur, mais jamais méchant.
"Ah, les profs. Ils sont tellement prévisibles. Et toi, ça t’a fait quoi ?"
"Rien," mentis-je, avant de corriger : "Enfin… je sais pas. C’était bizarre, mais…"
"Mais flatteur," coupa-t-elle avec un sourire triomphant.
Je ne répondis pas, mais son expression suffisait à me faire comprendre qu’elle avait lu dans mes pensées.
"Cloé, arrête de te sentir coupable. T’es canon. T’as le droit de te faire mater, même par un prof. Ça veut pas dire que tu dois faire quoi que ce soit, mais si ça te fait du bien… profites-en. T’as une aura maintenant, et ça se voit."
Elle prit une nouvelle gorgée de vin, son ton se radoucissant un peu. Pourtant, derrière son sourire, il y avait un éclat fugace dans ses yeux, une pensée qu’elle gardait soigneusement pour elle-même.
"Tu sais, je dis ça comme ça, mais…" Elle s’interrompit, comme si elle hésitait à finir sa phrase. Puis elle se contenta de hausser les épaules et de sourire. "Enfin, bref. Peut-être que t’as mis un peu de piment dans sa routine ennuyeuse de prof. C’est marrant, non ?"
Son ton était léger, mais je ne pouvais m’empêcher de remarquer qu’elle m’observait avec plus d’attention que d’habitude. Comme si elle essayait de déchiffrer quelque chose en moi.
Je lâchai un petit rire nerveux, mais ses mots tournaient déjà en boucle dans ma tête, se mêlant à mes propres doutes.
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