Chapitre 23 : Une question qui déstabilise
Le silence de la nuit enveloppait l’appartement de Matt. La fenêtre entrouverte laissait passer un souffle d’air frais, chargé des odeurs de la rue encore humide de la pluie tombée plus tôt. J’étais blottie contre lui, la tête posée sur son torse. Sa respiration lente et régulière vibrait sous ma joue, et je me concentrais sur ce son apaisant, comme pour m’accrocher à cette simplicité.
"Tu veux encore du vin ?" demanda-t-il, sa voix douce, à peine un murmure.
"Non, merci. Je suis bien comme ça."
C’était vrai. Il avait cette façon de m’ancrer dans le moment présent, de faire disparaître, l’espace d’un instant, les tourments qui habitaient ma tête. Avec lui, tout était simple, direct. Pas de règles, pas de jeux. Juste une soirée partagée, juste nous.
Il déposa un baiser sur le sommet de ma tête, sa main glissant sur mon dos dans un geste lent et mécanique, comme s’il essayait de me bercer. Puis il se mit à jouer distraitement avec une mèche de mes cheveux, et je sentis une légère hésitation dans son rythme.
"Tu sais, je me demandais un truc," dit-il enfin.
Sa voix était douce, presque prudente, mais elle fendit l’air comme une lame.
"Quoi ?" demandai-je, redressant légèrement la tête pour le regarder.
Il hésita, un sourire flottant sur ses lèvres, comme s’il essayait de choisir ses mots avec soin.
"Ce n’est pas grand-chose, mais… depuis qu’on est ensemble, je me suis rendu compte d’un truc."
Je fronçai les sourcils, intriguée mais déjà sur mes gardes.
"Quel truc ?"
"Eh bien…" Il lâcha un petit rire nerveux, secouant légèrement la tête. "Je ne t’ai jamais vue porter de sous-vêtements. Genre, jamais."
Mon cœur rata un battement.
"Enfin, je veux dire, c’est pas une critique ou quoi," s’empressa-t-il d’ajouter, son ton rassurant. "C’est juste que… je me demandais pourquoi."
Sa question était posée avec douceur, sans jugement, mais elle s’enfonça en moi comme un coup porté à mes défenses déjà fragiles.
Je me redressai légèrement, m’asseyant sur le lit, comme si cette position pouvait m’aider à répondre.
"Je… euh…"
Il rit doucement, posant sa main sur ma cuisse pour apaiser ma nervosité.
"Pas besoin de te justifier si tu veux pas. Je suis juste curieux, c’est tout."
Je sentis mes joues s’enflammer. Les mots tournaient dans ma tête, se mélangeant en un chaos d’excuses et de justifications bancales.
"Je sais pas trop," répondis-je finalement, ma voix plus légère qu’elle ne devrait l’être. "Je trouve ça plus… confortable, je suppose."
"Confortable ?" répéta-t-il, une lueur amusée dans les yeux.
"Oui !" J’accompagnai ma réponse d’un petit rire nerveux, comme pour balayer la tension. "Les élastiques, les trucs qui serrent… Franchement, qui a besoin de ça ?"
Il me regarda quelques secondes, comme s’il cherchait à démêler le vrai du faux dans mes paroles. Puis il haussa les épaules et sourit, son expression redevenant douce et légère.
"Ok. Si ça te va, alors ça me va."
Il m’attira doucement contre lui, déposant un baiser sur mon front.
Je me blottis à nouveau contre son torse, mais cette fois, je ne sentais plus la chaleur apaisante de son étreinte. Mon esprit s’était déjà échappé, emporté par une vague de pensées incontrôlables.
Pourquoi n’avais-je pas anticipé cette question ? Pourquoi n’avais-je pas préparé une réponse plus crédible ? Matt n’était pas idiot, et même s’il avait accepté mes mots, je savais qu’une part de lui se poserait des questions.
Je me remémorai la voix d’Hector, celle qui m’accompagnait chaque matin, chaque soir, chaque fois que je retirais une barrière entre mon corps et le monde.
"Pas de sous-vêtements. Jamais."
C’était devenu une habitude, une seconde peau. Mais c’était bien plus que ça. C’était un rappel constant que je n’étais plus tout à fait celle que j’avais été.
"Tu es trop dans ta tête," murmura Matt.
"Quoi ?" demandai-je, sursautant légèrement.
"Je te sens tendue, là. Détends-toi, bébé."
Il m’embrassa doucement, sa main glissant sur ma hanche, ses doigts effleurant ma peau nue.
Je lui rendis son baiser, mais quelque chose en moi restait figé, comme un poids que je ne pouvais pas ignorer.
Alors que ses lèvres descendaient le long de mon cou, son souffle chaud sur ma peau, une autre voix se fit entendre dans mon esprit.
"Tu es à moi. Tu m’appartiens."
Hector. Toujours là. Toujours présent.
Même maintenant, dans cet instant qui aurait dû être à nous, il s’immisçait, s’accrochait à mes pensées, rappelant que cette part de moi ne pourrait jamais vraiment être à Matt.
Je fermai les yeux, essayant de me concentrer sur lui, sur sa douceur, sur la chaleur de ses caresses.
Mais la vérité était implacable.
Matt m’aimait. Mais je n’étais pas sûre que je pouvais encore aimer comme lui.
Pas après Hector.
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