Quand Matt m’a proposé de rencontrer ses parents, j’ai ressenti une montée d’angoisse immédiate, une boule qui m’a noué l’estomac.

"Tu verras, ils sont super cools," avait-il dit, son sourire habituel éclairant son visage.

Cools ? Peut-être. Mais c’était tout de même les parents de Matt. La première rencontre. Et je savais ce que cela impliquait : être parfaite, irréprochable, donner la meilleure impression possible.

Alors que nous arrivions devant leur maison en pierre aux volets bleus, avec son jardin impeccable et ses lumières tamisées qui s’échappaient des fenêtres, mes mains étaient moites.

"Tu es stressée ?" a demandé Matt, posant une main réconfortante sur mon bras.

"Un peu," ai-je admis avec un sourire nerveux.

"Ça va aller. Ils vont t’adorer, j’en suis sûr."

Il m’a déposé un rapide baiser sur la tempe avant d’ouvrir la porte.

L’intérieur était chaleureux et accueillant. Une odeur de rôti flottait dans l’air, mêlée à celle d’un feu de cheminée crépitant au loin. Une femme aux cheveux grisonnants et au sourire éclatant s’est précipitée dans l’entrée dès qu’elle nous a entendus arriver.

"Ah, c’est Cloé, n’est-ce pas ?" s’est-elle exclamée en m’attirant dans une étreinte inattendue mais sincère. "Je suis Nadine. Bienvenue !"

"Merci," ai-je répondu timidement, surprise par tant de chaleur.

Son mari, un homme imposant avec des lunettes et une barbe bien taillée, m’a tendu la main avec fermeté.

"Jean-Pierre. Ravi de te rencontrer, enfin."

"Moi de même," ai-je murmuré, un peu impressionnée.

Matt se tenait près de moi, visiblement ravi de cette entrée en matière.

Et puis, Sabrina est apparue, son éternel sourire en coin illuminant son visage.

"Cloé !" s’est-elle écriée en m’attrapant par les épaules. "Alors, prête à affronter la famille la plus dingue de la région ?"

"Sabrina !" a protesté Nadine en secouant la tête avec un sourire indulgent.

"Tu vas voir, ils sont cools," a ajouté Sabrina, me lançant un clin d’œil complice.

Son énergie m’a tout de suite mise à l’aise. C’était comme si elle s’était donnée pour mission de faire de cette soirée un moment léger et agréable.

Le repas a commencé dans une ambiance conviviale. Nadine s’intéressait à tout ce que je disais, posant des questions sur mes études, ma famille, mes passions.

"Alors, Cloé, Matt m’a dit que tu fais des études de droit. Ça doit être passionnant, non ?"

"Oui, c’est très intéressant. Parfois un peu difficile, mais j’aime ça," ai-je répondu, choisissant soigneusement mes mots.

"Elle est modeste," a ajouté Matt en souriant. "Elle est brillante."

J’ai rougi sous son regard fier, mais avant que je ne puisse répondre, Jean-Pierre a pris la parole.

"Et alors, Matt, tu n’as pas honte de sortir avec quelqu’un de plus intelligent que toi ?"

Tout le monde a éclaté de rire, même Matt, qui a secoué la tête en soupirant.

"Merci, papa."

Sabrina, fidèle à elle-même, n’a pas manqué d’ajouter sa touche.

"Faut dire que Matt a toujours eu un faible pour les filles plus intelligentes. Mais bon, vu le niveau de ses ex, c’était pas bien difficile à battre."

"Sabrina !" a protesté Matt, ses joues prenant une légère teinte rosée.

"Quoi ? Je plaisante," a-t-elle répondu en me lançant un sourire complice.

Les rires et les échanges continuaient, et pour un instant, je me suis sentie… normale. À ma place.

Mais cette impression s’est estompée dès que la conversation s’est recentrée sur moi.

"Et sinon, Cloé," a demandé Nadine, "qu’est-ce que tu fais pour te détendre quand tu n’es pas plongée dans tes études ?"

La question était innocente, mais elle m’a prise de court. Je ne pouvais pas répondre honnêtement, évidemment. Pas dire qu’en dehors de mes cours, je me consacrais à des défis qu’Hector m’imposait, des défis qui me poussaient à explorer des zones de moi-même que je n’avais jamais osé affronter.

"Je… J’aime beaucoup lire," ai-je improvisé. "Et… regarder des séries."

"Ah, la lecture, c’est formidable," a approuvé Jean-Pierre. "On peut deviner beaucoup de choses sur quelqu’un en fonction de ce qu’il lit."

"Papa, tu vas pas lui demander de réciter sa bibliothèque, hein ?" a plaisanté Sabrina, venant à ma rescousse.

Après le dessert, Sabrina m’a entraînée dans la cuisine, sous prétexte de m’aider à ranger les assiettes.

"Alors, qu’est-ce que tu penses d’eux ?" a-t-elle demandé en s’appuyant contre le comptoir.

"Ils sont adorables," ai-je répondu honnêtement.

"Je te l’avais dit. Pas de quoi stresser."

Elle a pris une gorgée d’eau, son regard devenant un peu plus sérieux.

"Tu sais, Matt est vraiment dingue de toi."

"Je…"

"Pas besoin de répondre. Ça se voit," a-t-elle ajouté en souriant. "Et c’est cool. Mais si jamais ça devient trop… ou que tu sens que tu as des doutes, sois honnête avec lui, ok ?"

Je l’ai regardée, un peu troublée par son ton direct mais pas agressif. Sabrina n’était pas en train de me juger, mais elle voulait protéger son frère.

"Je comprends," ai-je murmuré.

"Cool. Parce que je t’aime bien, Cloé. Et je veux que ça marche entre vous."

Ses mots m’ont touchée, mais ils ont aussi éveillé une étrange culpabilité en moi.

Sur le chemin du retour, Matt était visiblement ravi.

"Alors ? Tu les as trouvés comment ?"

"Géniaux," ai-je répondu. "Vraiment adorables."

"Je savais qu’ils allaient t’aimer. Et Sabrina, hein ? Elle a pas été trop insupportable ?"

"Non, pas du tout. Elle est géniale, comme d’habitude."

Il a ri doucement, avant de me tirer un peu plus près de lui.

Une fois arrivés chez lui, il a refermé la porte derrière nous et m’a enlacée doucement, déposant un baiser sur mon front.

"Tu sais… Je t’aime, Cloé."

Je me suis figée une fraction de seconde, avant de répondre avec un sourire.

"Moi aussi."

Mais dans le silence qui a suivi, mes pensées se sont égarées.

S’il savait. S’il savait tout. Que dirait-il ? Que penserait-il ?