Chapitre 27 : Les yeux bandés
Je n’oublierai jamais ce message. Il était arrivé tôt ce matin-là, alors que j'étais encore dans mon lit, à moitié endormie. Un message d’Hector, comme toujours précis et implacable :
"Ce soir, tu te rendras dans un hôtel. Chambre 312. Arrive à 22h, pile à l’heure. Tu te déshabilleras entièrement et te mettras à genoux au pied du lit. Tu devras porter un bandeau noir sur les yeux que tu prendras avec toi. Obéis à tout ce qu’il te demandera. Ne parle pas, sauf s’il te pose une question directe. Tu es à moi, mais ce soir, tu deviens son plaisir."
J’ai relu ces mots une dizaine de fois, sentant mon cœur s’emballer, ma gorge se nouer, mes mains devenir moites. Ce défi n’avait rien à voir avec ce qu’il m’avait demandé jusque-là. Ce n’était plus une mise en scène dans un bar, ni un rituel intime pour lui seul. C’était… autre chose.
Un inconnu.
Dans une chambre.
Et moi, nue, aveugle, vulnérable.
J’aurais dû dire non. J’aurais dû répondre que c’était trop, que je ne pouvais pas. Mais au lieu de ça, ma main a glissé sur l’écran pour écrire un simple mot :
"D’accord."
La journée est passée dans un brouillard. Mes pensées étaient accaparées par ce qui allait se passer.
J’avais fait mille hypothèses : Qui serait cet homme ? Serait-il jeune ? Vieux ? Violent ? Patient ? Pourquoi Hector m’imposait-il ça ? Était-ce pour me tester, ou parce que j’avais fait quelque chose qui lui avait déplu ?
À mesure que les heures passaient, la peur et l’excitation s’entremêlaient en moi. J’étais terrifiée, bien sûr. Mais au fond, il y avait aussi cette chaleur persistante qui naissait à l’idée de me soumettre, d’être complètement à la merci de quelqu’un, sans savoir à quoi m’attendre.
À 21h45, je suis arrivée devant l’hôtel.
C’était un bâtiment discret, presque banal, dans une rue peu fréquentée. Un lieu qui semblait parfaitement choisi pour un rendez-vous de ce genre.
J’avais pris le bandeau noir dans mon sac, comme demandé, et je portais une longue veste beige qui couvrait à peine ma robe rouge. La robe. Celle qu’Hector m’avait "suggérée" lors d’un précédent message. Elle moulait mon corps à la perfection, s’arrêtait à mi-cuisse, et laissait deviner la rondeur de mes seins à travers son décolleté plongeant. Je savais que cette tenue avait un but. Elle était mon uniforme pour ce rôle que je devais jouer.
En entrant dans l’hôtel, j’ai croisé le regard du réceptionniste. Il m’a saluée poliment.
"Bonsoir, madame. Puis-je vous aider ?"
"Oui," ai-je répondu en m’efforçant de garder une voix calme. "Il y a une enveloppe à mon nom. Cloé D…"
Ma gorge s’est nouée en prononçant mon nom, mais il n’a pas semblé le remarquer. Il s’est penché derrière le comptoir et a sorti une petite enveloppe blanche qu’il m’a tendue.
"Voici votre clé, madame. Chambre 312."
"Merci," ai-je murmuré.
Son regard a brièvement glissé sur ma tenue – ou plutôt sur ce que ma longue veste laissait deviner. Mais il n’a rien dit.
Je me suis dirigée vers l’ascenseur, la clé serrée dans ma main tremblante. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il résonnait dans tout le hall.
Dans l’ascenseur, je me suis regardée un instant dans le miroir. Mes joues étaient légèrement rosées, mes lèvres brillantes, et mes yeux reflétaient un mélange de peur et d’excitation.
Quand les portes se sont ouvertes, j’ai suivi les numéros des chambres jusqu’à la 312, tout au bout du couloir.
Je me suis arrêtée devant la porte, incapable de bouger pendant quelques secondes. Ma main tremblait en insérant la clé dans la serrure.
En entrant, j’ai été frappée par le silence.
La pièce était plongée dans une lumière tamisée, presque chaleureuse. Le lit, impeccablement fait, trônait au centre, et une chaise était posée à côté d’une petite table. Tout semblait ordinaire, et pourtant, l’atmosphère était lourde, presque étouffante.
J’ai retiré ma veste et l’ai accrochée au porte-manteau. Puis, lentement, j’ai défait la fermeture éclair de ma robe. Elle a glissé le long de mon corps, tombant en un tas de tissu à mes pieds.
Je me suis retrouvée nue, le bandeau noir serré dans ma main.
Hector m’avait dit de me mettre à genoux. Alors je l’ai fait.
Le sol était froid, dur, presque inconfortable. J’ai noué le bandeau autour de mes yeux, plongeant dans une obscurité totale.
Et puis… j’ai attendu. Les minutes s’étiraient. Chaque son, chaque petit grincement me faisait sursauter. Mes pensées tournaient en boucle : Et si je m’enfuyais ? Et si je retirais le bandeau ? Et si… Mais je savais que je ne le ferais pas. J’avais promis à Hector.
J’ai entendu la porte s’ouvrir. Mes muscles se sont tendus. Des pas lourds se sont approchés. Je ne pouvais rien voir, mais je pouvais sentir sa présence. Une présence imposante, presque écrasante. Il s’est arrêté devant moi. Pas un mot. Pas un bruit.
Lorsqu’il s’approcha et guida mon visage vers lui, un frisson me parcourut. Je savais ce qu’il attendait, mais cette fois, ce n’était pas une simple obligation. C’était différent. Ce que je ressentais à cet instant, dans cette obscurité totale, me dépassait presque.
Mes lèvres s’ouvrirent pour l’accueillir, et dès le premier contact, une chaleur intense monta en moi. Cette sensation, familière et pourtant amplifiée par le contexte, envahit mes sens. Ne pas pouvoir le voir rendait chaque geste, chaque texture, chaque souffle, infiniment plus vivant. Mon esprit ne pouvait que se concentrer sur ce que je ressentais : la fermeté de son sexe contre ma langue, la légère pression de sa main sur ma tête, son souffle rauque qui trahissait son plaisir.
Je me laissais guider, mais je trouvais aussi mon propre rythme, ma propre façon de m’immerger dans cet acte. Chaque mouvement de ma bouche, chaque pression de ma langue, était une manière de me connecter à lui, de m’abandonner pleinement à cette expérience. Je sentais son pouvoir sur moi, mais au lieu de m’intimider, cela m’excitait encore plus.
Le fait de ne pas voir son visage rendait tout plus intense. Je ne savais pas qui il était, ce qu’il pensait, mais je pouvais le deviner dans ses réactions : ses soupirs lourds, la tension dans sa main lorsqu’il guidait mes mouvements, la manière dont il retenait parfois sa respiration comme s’il essayait de contenir quelque chose de trop fort.
Je me surprenais à aimer chaque instant, chaque sensation. Ce n’était pas seulement l’acte en lui-même, que j’avais toujours apprécié, mais le mystère, le danger doux-amer de l’inconnu. Le bandeau sur mes yeux me forçait à ressentir plus profondément, à être entièrement présente dans ce moment. Je ne pouvais rien anticiper, et c’était précisément ce qui rendait tout si… intense.
Alors que je continuais, mes propres pensées s’égaraient dans une zone d’abandon et de plaisir. J’aimais entendre ses réactions, les soupirs qu’il ne pouvait retenir, comme une validation silencieuse de ce que je faisais. Je voulais qu’il prenne encore plus de plaisir, qu’il perde totalement le contrôle. Et cela, à ma grande surprise, me faisait perdre le mien.
Mes mâchoires commençaient à se fatiguer, mais je continuais, absorbé par cet instant.
Après de longues minutes, il se retira, son sexe quittant ma bouche avec un bruit leger. Je restai immobile, le souffle court, mes lèvres légèrement engourdies. Mais ce n’était pas de l’épuisement – c’était un étrange mélange de satisfaction et de désir qui pulsait encore en moi.
Avant que je ne puisse réfléchir davantage, il posa ses mains sur mes hanches et me guida à quatre pattes. Ce moment, je le savais, marquait une nouvelle étape dans cette expérience qui m’échappait totalement, mais que je ne voulais absolument pas arrêter.
J'ai entendu ses mouvements derrière moi, anticipant la pénétration imminente. Mais à la place, j'ai ressenti une sensation froide et inattendue qui m'a fait sursauter : du gel, appliqué avec soin. Il glissa un doigt, lentement, explorant un territoire que je n’avais jamais cédé à personne. Mon corps se tendit immédiatement, une résistance instinctive. Chaque muscle de mon être semblait refuser cette intrusion, mais il ne s’arrêta pas, patient et méthodique.
Il retira son doigt un instant. Je crus qu’il allait continuer, mais ce fut une pause brève. Quand son sexe se posa contre moi, la pression augmenta lentement. Il poussait, tentait d’entrer, mais mon corps résistait encore, serré, incapable de le laisser passer. Il s’arrêta, et je l’entendis soupirer doucement. Puis, sans un mot, il reprit son gel et l’appliqua à nouveau. Sa main se posa sur mes hanches, et cette fois, un deuxième doigt rejoignit le premier.
La sensation était plus intense, plus envahissante, mais il agissait avec une lenteur calculée, comme s’il cherchait à m’habituer. Je sentais ses doigts travailler en moi, alternant entre mouvements circulaires et légères pressions. Mon souffle s’accélérait malgré moi, mêlant appréhension et une étrange curiosité. Il retira ses doigts, et je sentis une absence soudaine, presque dérangeante.
Son sexe se plaça à nouveau contre mon anus. La pression était plus forte cette fois, plus déterminée. Il essayait encore, et encore, poussant centimètre par centimètre, mais la résistance de mon corps semblait le frustrer. Chaque tentative était un jeu d’équilibre entre son envie d’y arriver et sa retenue.
Puis, il força. Cette fois, il ne chercha plus à ménager l’entrée. Un mouvement brusque, presque désespéré, brisa la tension. Il s’enfonça en moi, d’un coup, plus profondément que je ne l’aurais cru possible. Un cri m’échappa, un mélange de surprise et de douleur. La brûlure était vive, irradiante, m’arrachant le souffle. Mon corps se raidit, chaque fibre tendue dans un effort instinctif pour repousser cette intrusion.
Il resta immobile, comme s’il comprenait ce que je ressentais, me laissant le temps de m’ajuster. Lentement, je repris ma respiration, mes muscles relâchant leur prise un à un. La douleur était toujours là, mais elle se mêlait maintenant à une chaleur inattendue, une présence qui semblait envahir tout mon être.
Quand il reprit ses mouvements, ils étaient plus lents, plus précautionneux. Chaque va-et-vient était maladroit, hésitant, comme s’il apprenait lui-même à comprendre mon corps. Peu à peu, une étrange sensation de plénitude émergea, une tension nouvelle qui transformait la douleur en autre chose, quelque chose que je ne savais pas encore nommer.
Il accéléra légèrement, son souffle devenant plus saccadé. Mon propre corps commençait à suivre son rythme malgré moi, mes muscles se relâchant davantage à chaque mouvement. Une chaleur douce et persistante s’étendait en moi, m’apaisant presque, alors que l’homme poursuivait, son rythme de plus en plus irrégulier.
Après un moment, je le sentis se tendre, son souffle rauque et haletant. Une vague de chaleur marqua la fin de l’acte. Il resta immobile quelques secondes, avant de se retirer lentement. L’absence soudaine était presque un soulagement, mais elle laissait derrière elle une étrange sensation de vide.
Alors que je m’attendais à ce qu’il parte, il se pencha vers moi. Je sentis ses mains glisser sur mes bras, me redressant légèrement, et avant que je puisse réagir, ses lèvres trouvèrent les miennes. Le baiser fut intense, profond, presque sauvage. Sa langue s’immisça avec une assurance que je n’avais pas anticipée, mais cette fois, mon corps ne résista pas. Je l’acceptais pleinement, répondant à ses gestes avec une ardeur que je ne comprenais pas moi-même.
Ses mains ne restèrent pas inactives. L’une d’elles glissa le long de mon torse, s’emparant de mon sein avec une fermeté calculée. Ses doigts caressaient ma peau avec une attention troublante, alternant entre douceur et une pression plus marquée. Cette caresse, mêlée à la profondeur du baiser, éveilla en moi une chaleur inattendue, comme si chaque geste qu’il faisait cherchait à s’imprimer dans ma mémoire.
Ce baiser n’était pas mécanique, ni simplement physique. Il portait une chaleur, une émotion que je ne pouvais ignorer. Dans ses mouvements, je sentais une douceur inattendue, un désir brut, mais teinté d’une attention presque tendre. Ce n’était pas seulement un geste de possession ; c’était comme s’il voulait me transmettre quelque chose, comme si, pour la première fois, je n’étais pas seulement un corps obéissant.
Quand il se recula enfin, il posa une main sur ma joue, caressant brièvement ma peau du pouce, puis se leva. Sans un mot, il remit son pantalon, ajusta sa ceinture, et quitta la pièce.
Je restai immobile, le souffle court, mes lèvres encore chaudes de ce baiser. Je ne savais pas quoi penser. Mon esprit était un chaos de sensations et d’émotions contradictoires. Une part de moi voulait comprendre qui il était, pourquoi il avait agi ainsi. Mais une autre part… Une autre part ne voulait pas briser la magie étrange de cet instant.
Quand j’ôtai le bandeau, la lumière tamisée de la pièce me sembla presque agressive. J’étais à la fois soulagée et troublée, comme si une barrière invisible avait été franchie ce soir-là – une barrière qui allait tout changer.
Je suis partie, le cœur lourd, mais étrangement léger à la fois.
Hector attendait mon message, je le savais.
Et ce soir, il aura beaucoup à lire.
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