Ce jeudi-là, Sabrina m’avait proposé une sortie en ville. Une journée entre filles pour faire les boutiques, déjeuner, et se vider la tête.

J’avais accepté sans hésiter.

Nous avons arpenté les rues animées du centre-ville, les bras chargés de sacs, riant de tout et de rien. Mais malgré les éclats de rire et les discussions légères, une partie de moi restait ailleurs.

Vendredi soir. Hector. Le défi.

Je savais que je devais trouver une tenue. Une robe qui attirerait les regards, qui captiverait. Et Sabrina… sans le savoir, elle allait m’aider à la trouver.

Dans la troisième boutique où nous sommes entrées, mon regard s’est arrêté net.

Une robe.

Noire. Moulante. Courte.

Elle semblait presque crier mon nom depuis son cintre, comme si elle m’attendait.

"Essaie-la ! T’as pas le choix," a insisté Sabrina, voyant mon hésitation.

Je l’ai prise, mes doigts tremblant légèrement, et je me suis dirigée vers la cabine d’essayage.

En l’enfilant, j’ai senti le tissu glisser sur ma peau, épouser mes formes avec une précision presque troublante. Le décolleté plongeant dévoilait juste assez pour provoquer, et la longueur audacieuse exposait mes jambes comme jamais auparavant.

Devant le miroir, je me suis figée.

La robe ne me rendait pas seulement belle. Elle me transformait. Elle faisait ressortir une version de moi que je ne maîtrisais pas encore. Une femme différente. Plus forte. Plus dangereuse.

"Alors ?!" a lancé Sabrina depuis l’autre côté du rideau.

Je suis sortie, un peu nerveuse, et me suis avancée.

Ses yeux se sont écarquillés, et un grand sourire s’est dessiné sur ses lèvres.

"Matt va perdre la tête quand il te verra avec ça."

Je n’ai rien répondu, mon estomac se serrant légèrement.

"Tu penses ?" ai-je fini par dire, un sourire forcé sur les lèvres.

Bien sûr qu’elle pensait que cette robe était pour lui. Tout le monde penserait ça. Comment aurait-elle pu imaginer la vérité ?

"Évidemment ! Franchement, prends-la. Elle te va trop bien."

Je me suis dirigée vers la caisse, fouillant dans mon sac pour attraper ma carte. Mais avant que je n’aie pu sortir mon portefeuille, Sabrina est passée devant moi.

"Je m’en occupe," a-t-elle dit d’un ton enjoué.

"Sabrina, non, c’est pas la peine—"

"Arrête un peu ! Considère ça comme un cadeau. Sérieux, je suis trop contente de te voir rayonner comme ça. Ça me fait plaisir, vraiment."

Je n’ai pas insisté. À quoi bon ? Elle avait déjà tendu sa carte au vendeur, un sourire satisfait sur les lèvres.

Mais à l’intérieur, quelque chose s’est resserré en moi.

En sortant de la boutique, Sabrina m’a attrapée par le bras, le regard sincère.

"Franchement, Cloé, je t’ai rarement vue aussi radieuse. Matt doit vraiment te rendre heureuse, hein ?"

Son commentaire m’a frappée de plein fouet.

"Oui… il me rend heureuse," ai-je répondu doucement.

Et c’était vrai. Matt me rendait heureuse. Mais il ne connaissait qu’une partie de moi. Pas celle que Sabrina venait d’aider à habiller.

Le reste de l’après-midi s’est déroulé dans une légèreté apparente. Mais une fois chez moi, la réalité m’a rattrapée.

J’ai posé le sac contenant la robe sur mon lit, puis je l’ai sortie. Je l’ai tenue devant moi, observant les détails du tissu.

En la voyant, suspendue à la poignée de mon placard, j’ai eu une impulsion. Une envie de l’essayer à nouveau, seule dans l’intimité de ma chambre. Juste pour me voir dedans. Juste pour imaginer ce qui m’attendait vendredi soir.

Ma main a tremblé en s’approchant, mais je me suis arrêtée.

Non. Pas maintenant. Pas encore.

Je suis restée là, immobile, à fixer cette robe qui représentait tout ce que Matt et Sabrina ne savaient pas sur moi.

Et ce soir, elle avait une signification encore plus lourde.

Ce n’était pas seulement une robe pour Hector.

C’était un cadeau de Sabrina.

Et ça, ça rendait les choses encore plus difficiles.