Chapitre 34 : Le jour du défi

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Je me suis regardée dans le miroir avant de partir. Une dernière vérification.

La robe noire moulait chaque courbe de mon corps avec une précision presque provocante. Elle s’arrêtait bien au-dessus de mes genoux, dévoilant mes jambes que j’avais pris soin de lisser et d’hydrater jusque dans les moindres détails. Mes talons noirs allongeaient ma silhouette, m’obligeant à redresser les épaules, à marcher avec cette assurance feinte qu’Hector attendait de moi.

Mon décolleté plongeant exposait une partie de ma poitrine que j’avais toujours considéré comme un atout, mais ce soir, elle semblait presque devenir un personnage à part entière, attirant tous les regards avant même que je n’aie prononcé un mot. Mes lèvres, peintes d’un rouge intense, contrastaient avec ma peau claire et créaient une image presque irréelle, comme si j’étais sortie d’un tableau ou d’un rêve.

Mais ce n’était pas un rêve.

Est-ce que c’était moi dans ce miroir ?

Je n’en étais pas certaine.

Cette femme qui me renvoyait son regard semblait forte, sûre d’elle, presque arrogante. Et pourtant, à l’intérieur, je tremblais. Qui étais-je vraiment ? La Cloé d’avant, celle qui faisait tout pour plaire, pour être normale ? Ou celle qu’Hector avait sculptée, morceau par morceau, défi après défi ?

Je n’avais pas de réponse.

Tout ce que je savais, c’est qu’il n’y avait plus de retour en arrière.

J’ai descendu les marches de mon immeuble lentement, le cliquetis de mes talons résonnant contre les murs étroits de l’escalier. À chaque pas, l’excitation et l’angoisse montaient en moi, se mêlant jusqu’à devenir indissociables.

Dehors, l’air de la nuit m’a frappée, frais et légèrement humide, me réveillant comme un coup de fouet. J’ai pris un taxi, m’installant à l’arrière en croisant les jambes. Le chauffeur m’a jeté un regard dans le rétroviseur, un regard qui semblait hésiter entre la curiosité et l’indifférence.

Je lui ai donné l’adresse qu’Hector m’avait envoyée.

C’était à une vingtaine de kilomètres. Assez loin pour que je sois sûre de ne croiser personne que je connaissais. Une précaution qui semblait dérisoire, mais qui m’offrait une sorte de réconfort illusoire.

Pendant tout le trajet, j’ai fixé mon reflet dans la vitre, le visage à moitié éclairé par les lumières des lampadaires qui défilaient. Mon sac était posé sur mes genoux, et mes mains le serraient si fort que mes jointures en étaient blanches.

Qui serait là, de l’autre côté de cette porte ?

Un homme. Peut-être deux. Peut-être plus.

Je ne savais rien. Et c’était ça, le vrai défi : l’inconnu. L’imprévisible.

Mais je ne pouvais pas reculer.

Hector savait ce qu’il faisait. Il savait exactement où et comment me pousser, et il n’avait jamais été question de décevoir ses attentes.

Quand le taxi s’est arrêté, j’ai payé, puis je suis sortie.

L’immeuble devant moi était banal, presque anonyme. Des murs gris, des fenêtres sans éclat. Rien qui n’attirait l’attention, rien qui ne pouvait laisser deviner ce que j’étais venue faire ici.

J’ai pris une profonde inspiration.

Une part de moi voulait fuir, appeler Matt, lui dire que je l’aimais et que tout ça n’avait plus de sens. Mais une autre part, celle qui m’avait toujours poussé à aller plus loin, m’a rappelé que j’étais déjà trop impliquée.

J’ai avancé.

Mes talons résonnaient doucement sur le bitume alors que je me dirigeais vers l’interphone. J’ai composé le numéro indiqué dans le message d’Hector.

Après quelques secondes, une voix grave, masculine, a répondu.

— "Cloé ?"

J’ai serré le combiné, sentant mon souffle s’accélérer.

— "Oui," ai-je murmuré.

Un bip mécanique a retenti, et la porte s’est déverrouillée.

L’intérieur de l’immeuble était aussi ordinaire que l’extérieur. Des murs blancs, une légère odeur de poussière et de produits d’entretien. Tout semblait fade, presque insignifiant.

Mais chaque pas que je faisais à l’intérieur semblait alourdir l’atmosphère.

L’ascenseur était hors service.

Bien sûr.

J’ai grimpé les escaliers, les marches usées grinçant légèrement sous mes talons. Chaque étage semblait durer une éternité, mon souffle devenait plus court, mes jambes plus lourdes.

Arrivée au quatrième étage, je me suis arrêtée.

La porte était là. L’appartement 14.

J’ai levé la main pour frapper, mais je n’ai pas eu le temps de toucher la porte.

Elle s’est ouverte avant que mes doigts ne l’atteignent.

Un homme se tenait là.

Grand, solide. Je ne pouvais pas distinguer les détails de son visage à cause de l’ombre projetée par la lumière de l’intérieur. Mais je pouvais sentir son regard me dévorer, analyser chaque parcelle de mon corps, chaque mouvement que je faisais.

Il ne parlait pas.

Il n’y avait que le silence.

Un silence lourd, presque oppressant, qui m’a fait comprendre que les mots n’étaient pas nécessaires ici.

Il s’est écarté pour me laisser entrer.

Et moi, sans un mot, je suis passée devant lui.

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