Hector m’a écrit ce matin.
Ça faisait des jours que je n’avais pas eu de ses nouvelles. Des jours où son silence s’était infiltré en moi comme un poison lent, où chaque minute sans message m’avait poussée un peu plus vers l’angoisse. J’avais vérifié mon téléphone des dizaines, non, des centaines de fois, guettant ce signal. Et maintenant, c’était arrivé.

Un message. Simple. Froid. Tranchant.

"Prépare-toi. Le 14 septembre, à 20h, un nouveau défi t’attend. Celui-ci ira plus loin que tout ce que nous avons fait jusqu’ici. Je veux que tu sois parfaite. Je t’enverrai les détails le moment venu."

Je l’ai lu une première fois, puis une deuxième, comme si je devais m’assurer que je ne rêvais pas. Chaque mot semblait taillé pour couper à vif, s’enfonçant dans mon esprit avec une précision chirurgicale. "Plus loin que tout ce que nous avons fait." Cette phrase m’a électrisée. J’ai senti mon souffle se couper, mes doigts se crisper autour du téléphone.

Qu’est-ce que ça veut dire, "plus loin" ? Jusqu’où compte-t-il me pousser cette fois ?

Mon cœur battait si fort que j’en avais mal. Une part de moi voulait tout arrêter. Effacer sa conversation. Bloquer son numéro. Tourner la page. Mais cette pensée… elle était fugace, comme une ombre. Parce que, déjà, une autre part de moi – celle que je commence à connaître, celle que je commence à accepter, peut-être même à aimer – brûlait d’impatience.

Trois semaines. Il me laisse trois semaines pour m’y préparer.
Trois semaines pour me consumer dans l’anticipation. Trois semaines pour imaginer ce qu’il pourrait me demander. Trois semaines pour osciller entre la peur et le désir.

Toute ma journée a été hantée par ce message. Les mots d’Hector résonnaient dans ma tête comme un écho incessant. Chaque fois que je tentais de me concentrer, mon esprit retournait à cette phrase : "Plus loin que tout ce que nous avons fait."

Je m’étais toujours demandé si j’avais des limites. Peut-être que je suis sur le point de le découvrir.

Le soir, je me suis retrouvée devant le miroir de ma salle de bain, fixant mon reflet.

Mon visage me semblait étranger. Mes yeux étaient cernés, comme si les nuits d’insomnie avaient gravé leurs marques dans ma peau. Mais ce n’était pas que de la fatigue. C’était autre chose. Une tension, une fêlure, une ombre qui grandissait en moi.

"Regarde-toi", avais-je murmuré à mon propre reflet.

J’avais détesté ces mots lorsqu’Hector les avait prononcés lors du défi du miroir. Mais aujourd’hui, ils me revenaient en boucle. Regarde-toi, Cloé. Regarde ce que tu es devenue.

Et ce que je voyais me fascinait autant que ça me terrifiait.

Les jours suivants, je me suis sentie comme une marionnette. J’assistais aux cours sans vraiment écouter, répondais aux questions de mes amis avec des sourires mécaniques. Chaque nuit, mes rêves étaient hantés par le 14 septembre. Je ne savais rien du défi, mais déjà, il me possédait.

Un soir, alors que je regardais par la fenêtre de mon appartement, j’ai repensé à Matt. À son regard inquiet, à ses questions sans réponses. Je savais qu’il aurait voulu me sauver, m’arracher à tout ça. Mais ce n’était pas ce que je voulais.

Ce que je voulais, c’était le 14 septembre.

C’est ça, le pouvoir d’Hector. Il ne contrôle pas seulement mes actes. Il contrôle mes pensées. Il m’habite, comme une ombre inséparable. Je pourrais fuir. Je pourrais le quitter. Mais je ne le fais pas. Parce que, même dans cette peur, même dans cette douleur, il y a quelque chose que je ne trouve nulle part ailleurs.

Quelque chose qui me fait me sentir vivante.

Et c’est peut-être ça, le plus effrayant.