Chapitre 46 : Une conversation entre ombres

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Ce matin, j’ai ressenti le besoin de parler à Maeva. Elle est ma confidente depuis toujours. Celle à qui je peux tout dire… enfin presque tout. Il y a des choses qu’elle ne peut pas savoir, des vérités que je garde enfermées, même quand elles me brûlent. Mais aujourd’hui, j’avais besoin de lui dire que quelque chose avait changé. Que j’essayais de changer.

Quand elle a décroché, sa voix familière et enjouée m’a arraché un sourire malgré moi.

— "Ma Cloé ! Alors, qu’est-ce que tu deviens ? Ça fait un bail qu’on n’a pas vraiment papoté !"

Je me suis assise sur mon lit, le téléphone pressé contre mon oreille, une boule dans la gorge.

— "Oui, je sais… Je suis désolée, Maeva. J’ai été tellement… prise par mes pensées ces derniers temps."

— "Ah, ça, je l’ai remarqué," a-t-elle dit avec un ton taquin. "Bon, alors raconte. Tu m’appelles pas juste pour t’excuser, j’espère."

J’ai hésité. Une part de moi craignait qu’elle ne comprenne pas, qu’elle pose des questions auxquelles je ne pouvais pas répondre. Mais une autre part, plus forte, savait qu’elle méritait d’entendre au moins un fragment de vérité.

— "J’ai pris une décision," ai-je lâché après une profonde inspiration. "J’ai décidé de… reprendre ma vie en main."

Un silence a suivi. Pas long, mais assez pour me donner l’impression qu’elle pesait mes mots, qu’elle cherchait ce qu’ils signifiaient vraiment.

— "Reprendre ta vie en main ? Qu’est-ce que tu veux dire, Cloé ?"

Je me suis levée, incapable de rester immobile, mes pieds traçant des cercles nerveux sur le tapis.

— "Je veux dire que je vais me concentrer sur ce qui compte vraiment. Matt. Mes études. Ma vie. J’ai laissé des choses inutiles… dangereuses, même… s’emparer de moi. Et je ne veux plus de ça. Je veux être heureuse, Maeva. Et je veux que les gens autour de moi le soient aussi."

Sa réponse a mis un peu plus de temps à venir. Ce n’était pas le genre de silence distrait ou inattentif qu’on pourrait attendre d’une conversation amicale. Non, c’était un silence réfléchi, presque calculé.

— "Tu sais, Cloé, je suis contente d’entendre ça. Vraiment."

— "Tu le penses ?"

— "Bien sûr que je le pense ! Ça me fait mal de te voir te perdre parfois, tu sais. T’es quelqu’un de fort, Cloé. Et Matt a l’air de vraiment t’aimer. C’est bien que tu veuilles te recentrer sur lui. Vous méritez d’être heureux."

Ses mots m’ont touchée. Mais il y avait quelque chose dans son ton, un détail imperceptible qui sonnait faux. Une douceur trop soigneusement modulée, un sous-entendu que je n’arrivais pas à cerner.

— "Merci, Maeva. Ça me rassure de t’entendre dire ça."

— "T’inquiète pas pour moi, Cloé," a-t-elle répondu d’un ton enjoué. "Moi, je suis là pour te soutenir. Et si jamais t’as envie de papoter ou de te changer les idées, tu sais que je suis à un coup de fil."

J’ai ri, plus par réflexe que par réelle gaieté.

— "Je sais. Merci, Maeva. Tu es la meilleure amie qu’on puisse avoir."

— "Et toi, t’es ma Cloé. T’es pas autorisée à devenir quelqu’un d’autre, ok ?"

Elle a dit ça avec légèreté, mais les mots se sont enfoncés en moi comme une flèche. Pourquoi cette phrase m’a-t-elle frappée si fort ? Elle l’a prononcée comme une blague, avec son rire habituel, mais quelque chose dans sa voix...

Après quelques plaisanteries supplémentaires, nous avons raccroché. Mais le silence qui a suivi était plus lourd que je ne l’aurais imaginé.

Je me suis laissée tomber sur mon lit, le regard fixé sur le plafond. Ces mots – "T’es pas autorisée à devenir quelqu’un d’autre" – tournaient en boucle dans ma tête. Était-ce une simple plaisanterie ? Ou un avertissement ?

Une part de moi voulait croire qu’elle avait dit ça sans réfléchir, que c’était juste une remarque lancée dans l’euphorie de notre conversation. Mais une autre part…

Une autre part savait que Maeva n’agissait jamais sans réfléchir.

Je sais qu’elle veut mon bien. Elle a toujours voulu mon bien. Du moins, c’est ce que je me répète. Mais cette petite voix au fond de moi continue de murmurer. Elle me dit que quelque chose ne va pas.

Que Maeva sait des choses qu’elle ne dit pas.

Et pour la première fois, je ne suis plus sûre de pouvoir lui faire confiance.

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