Chapitre 48 : L'ombre de Hector

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Cela fait deux jours que je suis enfermée chez moi.

La rentrée approche, et avec elle, une routine que je tente désespérément de retrouver. J’ai étalé mes livres sur la table, aligné mes surligneurs par couleur, ressorti mes notes griffonnées. Tout est là, prêt, comme si je pouvais m’y replonger et laisser le reste derrière moi. Comme si l’ordre méthodique de mes études pouvait m’offrir une échappatoire.

Mais malgré tous mes efforts, Hector est toujours là.

Il n’a pas envoyé de message depuis celui du 5, mais ce silence est pire que ses mots. Il pèse sur moi, comme une ombre invisible mais omniprésente. Une ombre qui s’infiltre dans mes pensées, qui colore mes journées d’une tension que je ne peux ignorer.

Je sais que je lui dois quelque chose. Que j’ai failli à mes "devoirs".

Ce matin, en prenant mon téléphone, cette pensée m’a frappée de plein fouet.

Devais-je lui envoyer une photo ? Continuer à lui obéir, comme je l’ai fait depuis des mois ? Ou devais-je résister, couper ce lien, marquer ma rébellion avant même que ce défi du 14 septembre n’ait lieu ?

Mon cœur me disait de résister. Mon esprit, lui, savait déjà la réponse.

Je ne pouvais pas arrêter. Pas encore. Pas maintenant.

Le 14 septembre approchait, et ce serait la fin. La vraie fin. Mais jusque-là, il fallait que je joue son jeu. Que je respecte ses règles, même si elles m’écœuraient. Même si elles me rappelaient à chaque instant l’emprise qu’il avait sur moi.

Je me suis levée, laissant mon téléphone sur le bord du lit. L’air frais de la pièce a caressé ma peau, me faisant frissonner, mais je savais déjà ce que je devais faire.

Mes gestes étaient lents, presque automatiques. Je me suis déshabillée, une pièce à la fois, laissant mes vêtements tomber en un tas silencieux sur le sol. Mes bras, mes jambes, ma poitrine… chaque partie de mon corps se dévoilait sous la lumière douce du matin.

Je n’étais plus qu’un corps. Plus qu’une silhouette dans le miroir.

Je me suis agenouillée devant mon reflet, mes genoux s’enfonçant dans le tapis doux de la chambre. Puis, presque mécaniquement, mes mains ont pris appui au sol, et je me suis mise à quatre pattes.

Je savais ce qu’il voulait. Je savais ce qu’il aimait.

Le miroir était derrière moi. Dans cette position, mon corps était exposé, vulnérable, mais aussi provocant. Mon regard s’est perdu un instant sur mon reflet : la courbure de mon dos, la tension de mes muscles, la manière dont la lumière du jour jouait sur ma peau nue.

Mon intimité, offerte au miroir, était un tableau qu’il apprécierait. Je le savais. Il aimait que je me voie, que je m’affronte, que je me montre telle qu’il me voyait : une soumise, à genoux devant lui, même à distance.

J’ai attrapé mon téléphone, mes mains légèrement tremblantes.

La lumière du matin baignait la pièce d’une douceur presque trompeuse. Comme si elle tentait de rendre cet instant moins brutal, moins chargé. Mais rien ne pouvait vraiment atténuer ce que je ressentais.

J’ai ouvert l’appareil photo et fixé l’écran. Une pression. Un clic.

La photo était là.

Une de plus. Une parmi tant d’autres. Mais celle-ci, je me suis promis, serait l’une des dernières.

J’ai regardé l’image, mon souffle se suspendant un instant. Elle était parfaite. Exactement ce qu’il attendait. Mon corps, dans cette position, semblait obéir à une chorégraphie que je connaissais par cœur.

Mais en la regardant, j’ai senti une étrange dissociation. Comme si ce n’était pas moi. Comme si je voyais une autre femme, une étrangère qui jouait un rôle.

Mon doigt a flotté au-dessus de l’écran. J’ai hésité. Mais cette hésitation n’a duré qu’une seconde. Je l’ai envoyée.

En posant le téléphone sur la table, j’ai relevé les yeux vers le miroir.

J’étais toujours là, à quatre pattes, figée dans cette posture. Mais cette fois, quelque chose avait changé.

— "Après le 14, ce sera fini," ai-je murmuré à mon reflet.

Les mots étaient faibles, presque tremblants. Je les ai répétés, encore et encore, essayant de leur donner plus de poids.

— "Ce sera fini. Fini. Fini."

Mais même alors que je martelais ces mots, une autre voix, plus sourde, plus perfide, murmurait au fond de moi.

Et si ce n’était jamais fini ?

Je me suis redressée, lentement, mes jambes encore engourdies par la position. Le miroir me renvoyait une image que je ne voulais pas voir : une femme brisée, déchirée entre son désir de liberté et l’emprise qu’Hector avait sur elle.

Je me suis approchée du miroir, jusqu’à ce que mon souffle forme une légère buée sur la surface froide.

— "Ce sera fini," ai-je répété, presque comme un dernier espoir.

Mais même en prononçant ces mots, je n’étais plus sûre de rien.

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